Utopies, contre-utopies
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Une utopie...
Utopies au cinéma
Utopies au cinéma : D'autres planètes?
Kashima- Faux-monnayeur
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Carré blanc
"Les mamans tombent des fenêtres, les enfants tombent du ventre des mamans."
Ce n'est pas tiré d'un livre, mais c'est un film très étrange, avec une musique minimaliste, des bruitages, des images qui prennent le dessus sur le reste et nous font ressentir la froideur de cette société futuriste (?) dont nous ne savons pas grand chose si ce n'est que les hommes sont voués à être peu à peu déshumanisés, gardant leur apparence normale mais devenant des monstres.
Des haut-parleurs diffusent des annonces incitant à la procréation et louent les naissances. Dans les écoles, on entend : "Vous venez d'avoir 14 ans. Si vous désirez être inséminés, c'est possible. Adressez-vous à..."
Les gardiens sont payés pour sourire, montrer des dents blanches et peintes, sourire figé qui fait froid dans le dos :
http://www.divshare.com/download/19563285-f46
Si du début, on a un parallèle avec la banquise, c'est vraiment ressenti dans cette grisaille d'immeubles.
Il semble même que les morts n'aillent pas au cimetière, mais soient réutilisés en viande hachée pour cette société où rien ne se perd.
Dans ce monde, deux orphelins vont se rencontrer. On les retrouve à l'âge adulte, dans l’incompréhension, car le garçon est devenu ce monstre qu'on a voulu faire de lui, pas elle...
Extrait illustrant ce qu'on entend par les monstres fabriqués. Toujours cette petite musique de fond, musique d’ascenseur censée montrer que tout est harmonieux :
http://www.divshare.com/download/19563263-6c3
Les entretiens d'embauche sont quasiment des séances de tortures :
http://www.divshare.com/download/19563345-0df
Le réalisateur, Jean-Baptiste Leonetti, a aussi réalisé un court-métrage qui a des points communs avec ce film : Le pays des ours. Carré blanc est son premier film.
Kashima- Faux-monnayeur
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Le recours aux forêts, Michel Onfray
Le recours aux forêts de Michel Onfray est écrit en vers libres : dans la première partie, intitulée "Permanence de l'Apocalypse", il énumère toutes les horreurs humaines : soldats, pendus, riches mangeant les pauvres, gens de Dieu servant le Diable, etc.
“J’ai vu des envieux, en nombre
Cuites dans le fiel du ressentiment
Des jaloux, en quantité
Des carcasses tordues par l’antipathie
Carbonisées par les feux de l’amertume
Trop peu désireux de s’attarder sur leur vie ratée
Ils s’évertuent à salir la vie réussie du voisin
Incapables de regarder leur médiocrité
Ils veulent la petitesse pour tous
Ainsi ils se croient grands…”
Mais il ne se contente pas du constat et propose un "Traité des Consolations" : comme Démocrite, il veut se retirer du monde pour pouvoir savourer les plaisirs simples qu'offrent la nature, le bruit du tonnerre, le clapotis de l'eau, le crissements des insectes...
Il explique, dans une postface/préface, comment ce texte est né. En 2009, il a été créé à la Comédie de Caen, par Jean-Lambert-wild.
Le livre se lit très vite, on peut aussi prendre le temps de se laisser aller aux images du bien et du beau qui surgissent dans le Traité des consolations :
"J'aurais traversé la vie comme une comète
dans un ciel d'un noir d'encre."
Le philosophe nous montre la sagesse, celle qui comprend l'idée qu'on a accepté de mourir et de n'être que de passage.
“La bête tue pour manger
Repue, elle ne tue plus
Les hommes ne sont jamais repus
Ils tuent sans relâche
Ils inventent des machines à tuer
Ils raffinent
Le chien vaut mieux que l’homme…
Diogène avait raison.”
Le cynique devient épicurien... Il sait aussi, en matérialiste qu'il est, que son corps n'est qu'atomes :
"Atomes libérés d'une forme qui avait mon nom"
C'est donc aussi le traité de l'insociabilité, d'où le sous-titre : La Tentation de Démocrite
"Sa popularité ne rendit pas Démocrite plus sociable. Il s'appliqua au contraire davantage à l'étude; et, afin de n'être point détourné par les visites importunes et les conversations de parade, si ordinaires entre les Savants, il rechercha la solitude et les ténèbres. « Rarement, dit Cicéron, quittait-il son cabinet : il vivait parmi les hommes, comme s'il n'y avait point d'hommes au monde. » Une nouvelle retraite l'attira encore, et il crut qu'il y serait mieux caché. C'étaient des sépulcres sombres, et éloignés de la ville. Lucien de Samosate10 dit que Démocrite était fortement persuadé que l'âme mourait avec le corps, et que tout ce qu'on raconte des spectres, des fantômes et du retour des esprits, était par conséquent une chimère. Dans ces tombeaux, Démocrite passait des semaines entières pour étudier plus tranquillement : là il ne se livrait qu'à de profondes méditations. Il y a eu des jeunes gens qui essayèrent de lui faire peur; ils se déguisèrent en spectres, ils prirent les masques les plus affreux, et vinrent le trouver dans sa retraite avec ce qu'ils crurent le plus capable de lui inspirer de l'effroi. Mais Démocrite ne daigna pas les regarder, et se contenta de leur dire tout en écrivant : « Cessez donc de faire les fous »."
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Nous autres
Kashima a écrit:Le livre qui a inspiré 1984 et Le Meilleur des mondes s'appelle Nous autres d'Eugène Zamiatine.
L'Intégral va être construit : il permettra d'aller donner le bonheur aux autres peuples de l'univers :
“Il nous appartient de soumettre au joug bienfaisant de la raison tous les êtres inconnus, habitants d’autres planètes, qui se trouvent peut-être encore à l’état sauvage de la liberté. S’ils ne comprennent pas que nous leur apportons le bonheur mathématique et exact, notre devoir est de les forcer à être heureux.”
D-503, dans un monde où les personnes portent des numéros, participe à la construction de ce vaisseau. Ce qu'il écrit sera lu par les êtres qui feront partie, de gré ou de force, à l'Etat unique.
Il nous raconte son monde, son époque, s'étonnant de ce que faisaient les Anciens, les "barbares" : écrire des poèmes sur les nuages, sortir, dormir, manger quand ils voulaient... Il ne regrette pas ce temps mais se demande comment on pouvait vivre avec de telles libertés, dans cette sorte d'anarchie.
“C’était une vie absolument a-scientifique et bestiale. Les gens produisaient des enfants à l’aveuglette, comme des animaux. N’est-il pas extraordinaire que, pratiquant le jardinage, l’élevage des volailles, la pisciculture, ils n’aient pas su s’élever logiquement jusqu’à la dernière marche de cet escalier : la puériculture.”
“L’Amour et la Faim mènent le monde.”
“L’idéal, c’est clair, sera atteint lorsque rien n’arrivera plus.”
Un jour, il croise I-330 qui commence à troubler ses certitudes... surtout au moment du premier baiser :
“Ses lèvres, insupportablement douces, me versaient des gorgée de poison brûlant… toujours plus, toujours plus encore… Je me sentis arraché de la terre et devenir une planète indépendante, roulant furieusement vers le bas, toujours plus bas, en suivant une orbite incalculable.”
En parlant du brouillard qu'il dit ne pas aimer, I-330 répond à D-503 :
“Donc tu l’aimes. Tu en as peur parce qu’il est plus fort que toi, tu le détestes parce que tu en as peur et tu l’aimes parce que tu ne peux le soumettre à ta volonté. On ne peut aimer que l’indomptable.”
de même que le brouillard, depuis le début, D-503 ne cesse de se répéter qu'il déteste I-330...
Au début, on pense que l'histoire s'installe mais dès le milieu du livre, j'ai commencé à trouver le temps long : on attend autre chose que les changements intérieurs de D-503. Il manque ce que veut le lecteur : du concret sur cette société régie par le Bienfaiteur. J'ai abandonné, lisant tout de même les dernières pages afin de savoir si la fin est surprenante (même pas). Décevant pour voir que c'est l'ancêtre de 1984...
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Un bonheur insoutenable, Ira Levin
Par hasard, je tombe sur le roman Un bébé pour Rosemary, que je n'aurais jamais envisagé lire auparavant. Le livre me plaît, son ambiance, son rythme, et je me dis que cet Ira Levin doit être un bon auteur de science-fiction. Dans la foulée, je revois le film de Polanski qui, à l'époque, ne m'avait pas plu plus que cela, et que j'apprécie cette fois-ci pour sa fidélité au roman.
J'oublie Le Fils de Rosemary, complètement raté, et me dirige vers l'un de ses classiques : Un bonheur insoutenable, parce que j'aime les utopies et que la situation actuelle, en 2015, avec l'égalitarisme, le nivellement par le bas, les mesures politiciennes de plus en plus inquiétantes, fait de plus en plus penser à 1984 d'Orwell (dont l'excellente biographie de Stéphane Maltère sort très prochainement aux éditions Gallimard).
Dans le monde d'Un bonheur insoutenable, c'est Uni qui dirige tout, une machine qui surveille les humains pour qu'ils soient heureux : plus de guerre, plus de violence, une vie bien réglée. Après le travail, on doit manger son gâteau, regarder la télévision et se coucher. Le sexe, c'est le samedi, pendant dix minutes. On meurt à 62 ans, âge fixé par Uni. Peu de prénoms au choix : pour les garçons et les filles, quatre, respectivement. Le héros s'appelle Li, mais son vrai prénom donné par son grand-père est Copeau. Il est identifié par un code inscrit sur son bracelet qui permet de surveiller chaque individu et par lequel une dose de calmants, une fois par mois, est donnée. Quand on se déplace, on est tenu de passer son bracelet sur des bornes, pour être repéré. Personne ne se rebelle car on déteste l'idée de l'ancienne humanité, peut-être plus libre, mais associée à la sauvagerie.
Dans la première scène, Copeau est un jeune enfant : l'un de ses camarades lui raconte qu'il existe des "incurables", des hommes qui ont échappé à Uni et qui vivent comme à la période pré-Uni. Effrayé, l'enfant se confie à son conseiller - car tous les êtres ont un conseiller qui veille à ce que leur protégé aille bien, ait la bonne dose et ne tombe pas malade.
Plus tard, Li/Copeau est abordé par une femme qui le conduit auprès d'un étrange cercle : ils veulent vivre libres, ne plus être sous traitement et, peut-être, gagner une des îles où vivent ces incurables.
"Etre libre de quelque chose n'a rien à voir avec la liberté."
Cette phrase dite par Copeau à son conseiller Bob résume assez bien ce qu'est la vie dirigée par Uni. Certes, plus de guerres, plus de besoins, plus de faim, plus de crimes, de violences, d’agressivité", d'ego... Mais quelle liberté reste-t-il a des individus dirigés par la chimie, à qui est enlevé tout libre-arbitre?
C'est la question que traite ce livre, dont la narration est palpitante. Et la fin ne déçoit pas!
Kashima- Faux-monnayeur
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Impossible ici, Sinclair Lewis
L'intérêt de ce livre, c'est qu'il a été écrit en 1935 et nous raconte, en quelque sorte, ce qui se passe presque un siècle plus tard aux USA avec l'arrivée de Donald Trump au pouvoir. L'auteur, prix Nobel de littérature en 1930, montre comment Berzelius « Buzz » Windrip installe peu à peu sa dictature alors que beaucoup se disait : "Impossible ici, en Amérique"!
Doremus Jessup est directeur d'un journal. Il est marié, est même grand-père. Comme dans Rhinocéros de Ionesco, il voit la chose arriver, la redoute, la combat, il reste lucide mais, très vite, c'est l'heure des milices, des autodafés, des camps. Impossible de fuir au Canada, les frontières sont surveillées, et qui critique le pouvoir en place est enfermé ou assassiné.
L'ensemble est un peu longuet, malheureusement. Ce qui donne de l'intérêt au texte est son côté visionnaire. Mais sinon, ce n'est pas un grand moment de littérature.
Les Éditions La Différence ont réédité ce livre (la version epub que j'avais dans les mains était bourrée de fautes, espérons que ce ne soit pas la même chose en version papier car ça faisait bâclé).
"Le révérend Egerton Schlemil (…) déclara dans un sermon que l'arrivée de Buzz au pouvoir serait comme “la bienfaisante pluie tombant du ciel sur une terre desséchée et brûlante.” Le révérend ne disait rien de ce qui arriverait si la bienfaisante plus du ciel se mettait à tomber sans arrêt pendant quatre ans."
"Tout homme est un roi tant qu'il peut en mépriser d'autres."
"Plus vous aimez les enfants, moins vous devez en mettre au monde."
Doremus Jessup est directeur d'un journal. Il est marié, est même grand-père. Comme dans Rhinocéros de Ionesco, il voit la chose arriver, la redoute, la combat, il reste lucide mais, très vite, c'est l'heure des milices, des autodafés, des camps. Impossible de fuir au Canada, les frontières sont surveillées, et qui critique le pouvoir en place est enfermé ou assassiné.
L'ensemble est un peu longuet, malheureusement. Ce qui donne de l'intérêt au texte est son côté visionnaire. Mais sinon, ce n'est pas un grand moment de littérature.
Les Éditions La Différence ont réédité ce livre (la version epub que j'avais dans les mains était bourrée de fautes, espérons que ce ne soit pas la même chose en version papier car ça faisait bâclé).
"Le révérend Egerton Schlemil (…) déclara dans un sermon que l'arrivée de Buzz au pouvoir serait comme “la bienfaisante pluie tombant du ciel sur une terre desséchée et brûlante.” Le révérend ne disait rien de ce qui arriverait si la bienfaisante plus du ciel se mettait à tomber sans arrêt pendant quatre ans."
"Tout homme est un roi tant qu'il peut en mépriser d'autres."
"Plus vous aimez les enfants, moins vous devez en mettre au monde."
Kashima- Faux-monnayeur
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