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Littérature concentrationnaire

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Littérature concentrationnaire - Page 2 Empty Au nom de tous les miens, Martin Gray

Message  Kashima Sam 7 Mar 2015 - 19:23

Littérature concentrationnaire - Page 2 Aunomdetouslesmiens

Martin Gray est un héros : pas un héros de roman, un héros, un vrai. Jamais je n'ai lu une telle volonté de vivre, un tel destin. Au nom de tous les miens, j'aurais dû l'avoir lu depuis très longtemps et finalement, j'ai attendu. Je ne pensais pas découvrir cette histoire, ce courage et cette injustice du sort. Après tout ce qu'il a vécu (la mort des siens, la torture, la déportation, la vue des pires horreurs...) Martin Gray est toujours en vie et il témoigne.
Né en 1914, il vit aujourd'hui à Ciney, en Belgique, dont il est citoyen d'honneur. Il a près de 800 000 lettres auxquelles il aimerait répondre :

"Je devrais répondre à 800.000 lettres… Certaines font vingt pages! Ma secrétaire a calculé qu’il me faudrait trois siècles pour y répondre! C’est d’ailleurs un terrible dilemme pour moi. Chaque courrier demande une réponse. Mais il faut bien faire un choix… Je donne priorité aux appels au secours. Certaines réponses sont dans les livres que j’ai écrits. (…) Je voudrais encore écrire. Un bouquin sur mon père, sur tout ce qu’il m’a enseigné… Mais le temps me manque! La veille de son assassinat dans le ghetto de Varsovie, papa me disait encore… « On va sans doute laisser le monde dans le même état que ce qu’il était avant notre venue, mais il faut quand même espérer changer quelque chose pour qu’il devienne un peu meilleur. » Vous savez, on sort à peine de la préhistoire… Qu’est-ce qu’une vie d’homme à l’échelle du temps?"
(intw infocatho.be)

Littérature concentrationnaire - Page 2 Mg_1


Tout commence à Varsovie. Martin y vit avec les siens, sa mère, ses frères et son père, jusqu'à ce que les Allemands fassent un ghetto de cette ville polonaise. Martin fait du marché noir, il trafique, il parvient à sortir du camp, à se faire l'ami de voyous, à s'échapper à chaque fois qu'il le faut. De son père, résistant, il tient cette rage de vivre, sa vivacité d'esprit qui le fait agir et réfléchir très vite. Mais un jour, il est dans le train pour Treblinka, avec sa mère et ses frères.

Littérature concentrationnaire - Page 2 Martin12
Martin et ses frères, Pologne, 1934


Dès leur arrivée, ces derniers partiront aux chambres à gaz. Lui survit dans le camp, charriant les morts, découvrant mille horreurs, achevant les enfants encore vivants dans les pseudo-douches, assistant aux assassinats gratuits, comprenant que la chance est avec lui puisque à tout moment, sur une envie, un coup de tête d'un Ukrainien, d'un SS, il peut mourir d'une balle dans la tête. Il parvient à réaliser l'impossible : s'enfuir de ce camp d'où l'on ne s'enfuit pas, profitant d'avoir à charger un train de sacs entre lesquels il se glisse.
Ensuite, c'est la survie dans la campagne polonaise : il rencontre les traîtres, les bourreaux, mais il croise aussi des gens bienveillants. Il se joint à des groupes de résistants staliniens, participe au soulèvement du ghetto de Varsovie où il voit son père mourir fusillé, puis il partira pour New-York, où il lui reste membre de sa famille : sa grand-mère. A partir d'elle, il veut semer de nouveau les graines.

“Mais qui était la bête, de l’homme ou du chien ? Des chiens comme des hommes on pouvait faire n’importe quoi. Il n’y avait ni homme, ni chien, ni race maudite, seulement des hommes qui étaient devenus des bourreaux, d’autres qui les avaient dressés, peut-être des sociétés qui fabriquaient plus que d’autres des bourreaux.”

Littérature concentrationnaire - Page 2 22-04

Tout au long du livre, Martin se bat pour les siens, "au nom de tous les miens", comme il le répète inlassablement. La vengeance est amère. Il comprend très vite que ce n'est pas elle qui les fera revenir ; il se garde de devenir lui-même un bourreau. Ce qu'il veut, c'est une famille, une femme, des enfants, à travers lesquels revivront ses proches et tous ceux qu'il a vu se faire assassiner. Il veut transmettre, dire l'horreur, celle que personne n'a crue quand il s'est échappé de Treblinka et qu'il a tenté de prévenir les Juifs de Zambrow. Comment croire que des milliers de personnes, des soeurs, des mères, finissent assassiner, que des femmes enceintes soient éventrées, des bébés jetés contre les murs?

Jamais Martin ne s'est découragé. Sa volonté, sa débrouillardise, son audace et sa présence d'esprit l'ont sauvé.

Littérature concentrationnaire - Page 2 Martin-Gray

L'histoire pourrait s’arrêter là, mais le destin horrible le rattrape, des années après, quand il a enfin fondé cette famille qui lui est si chère. Il a rencontré Dina à New-York alors qu'il était devenu un très riche homme d'affaires.

Littérature concentrationnaire - Page 2 Martin10
Dina et Martin


Ensemble, ils se marient et, entre 1960 et 1968, ils ont quatre enfants.

Littérature concentrationnaire - Page 2 Dinaki10
Dina, Suzanne, Charles et Nicole, 1965, Tanneron, France (Richard naîtra en 1968)


Ils vivent dans le sud de la France, à Mandelieu, près du Tanneron, où ils ont acheté le domaine des Barons. Ils ont une vie saine. Dina a décidé, avant la naissance de son premier enfant, qu'elle serait végétarienne : impossible de tuer pour manger et avant ce régime alimentaire, elle ne pouvait pas avoir d'enfants, preuve d'une vie plus saine. Martin l'a suivie, et tous les six vivent non loin de la mer, dans le bonheur, dans le partage, l'amour, la musique, avec leurs trois chiens, leur chat nommé Laïtak, en l'honneur du chat que Martin a été dans le ghetto de Varsovie :

“Je suis Laïtak, le chat des bords de la Vistule, qui ne s’est jamais laissé emprisonner.”

Littérature concentrationnaire - Page 2 Ncoleg10
Nicole, sa première fille, avec l'un de leurs chiens
1960, Tanneron / France
(photo, David Duncan)

... jusqu'à ce qu'un incendie provoqué par la sécheresse les tue tous, sauf lui. Pour la deuxième fois, il perd ceux qu'il aime, comme si le tribut qu'il avait payé autrefois n'avait pas été assez lourd. Ces pages sont d'une tristesse... La souffrance est indicible. Pour le lecteur qui a suivi le destin de cet homme hors du commun, d'un courage incroyable, voir le malheur s'abattre sur lui encore, cette injustice fait très mal :

"Pourquoi, pourquoi moi? Pourquoi deux fois les miens, n'avais-je pas payé assez cher mon tribut aux hommes, au destin? Pourquoi? Je parle : je dis le récit de ma vie pour comprendre cet enchaînement de folie, de hasards, ces malheurs m’écrasant."

Littérature concentrationnaire - Page 2 Repmed00235
4 octobre 1970 - archives INA
"Le massif du Tanneron, à la lisière des Alpes-Maritimes et du Var, est la proie des flammes. Bien qu'il ait épargné Mandelieu, le terrible incendie a provoqué la mort de plusieurs personnes, dont l'épouse et les quatre enfants de Martin Gray et un agent immobilier, Alain Bascoul. Des fermes ont été détruites en même temps qu'une grande partie du massif."




Son réflexe a été d'abord de vouloir se tuer. Comment vivre encore? Ses amis l'en ont empêché. Depuis, il a écrit, a créé la Fondation Dina Gray, contre les incendies, à vocation écologique. Il s'est remarié deux fois, a eu cinq enfants. La vie coûte que coûte, mais comment, par quelle force intérieure?

Littérature concentrationnaire - Page 2 Martin13
Martin Gray et ses enfants : Barbara, Gregory, Larissa, Tom (en haut) et Jonathan.


Littérature concentrationnaire - Page 2 Martin11
Martin Gray en 1970, après la catastrophe
(photo, David Duncan)

A la fin du livre, Martin Gray nous invite à lire les autres textes qu'il écrit pour essayer de "dire pourquoi il faut vivre et comment on peut atteindre le bonheur, le courage et l'espoir, malgré tout". (Le livre de  la vie*, Les forces de la vie, La vie renaîtra de la nuit).
Je suis admiratrice de cet homme qui est bien au-dessus des hommes. Dire un surhomme, si cela n'avait pas une drôle de connotation, conviendrait. Il est un exemple, on a envie de le garder en vie encore longtemps parce que par sa présence, il rend son histoire encore plus édifiante :

"Je suis heureux d’être ici maintenant. J’ai 91 ans… Ce sera ma dernière maison. J’ai appris qu’il y avait déjà neuf centenaires à Ciney, je voudrais être le dixième!" (intw 2015 pour infocatho.be)
Source des photos : http://www.martingray.eu/photos.htm

* Le Livre de la Vie

Le Livre de la Vie revient sur la force que Martin Gray a trouvée après la mort accidentelle de sa femme et de ses enfants à cause d'un feu de forêt. Malheureusement, malgré la beauté du message et l'intention philanthropique de ce livre, je n'ai pas pu aller au bout :

- les passages en italiques qui donnent des conseils sur la vie, l'amour, la mort, prennent vite un tour très gênant par le caractère très naïf de leur formulation. Impression d'être confronté à une philosophie de comptoir ou des mots de gourou...
- la redondance du livre, sa construction en boucle, malgré tout l'intérêt qu'on peut porter à Martin Gray, devient ennuyeuse.

Je n'ai pas aimé non plus la façon de dire que, quand l'homme est mauvais, c'est à cause de sa part de bête en lui. Non, aucun animal n'aurait jamais organisé la Shoah et ce ne sont pas les bêtes qui envoient par milliers, tous les jours, d'autres êtres à l'abattoir. Le parallèle est très maladroit. Il faut assumer le fait que le mal est le propre de l'homme.
Mais cela n'enlève rien que fait que Martin Gray est un héros des temps modernes.


Dernière édition par Kashima le Jeu 14 Juil 2016 - 8:22, édité 1 fois
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Littérature concentrationnaire - Page 2 Empty Trois ans dans une chambre à gaz d'Auschwitz, Filip Müller

Message  Kashima Dim 15 Mar 2015 - 8:58

Littérature concentrationnaire - Page 2 Muller_filip_couv

Filip Müller est né en 1922 à Serb, en Slovaquie actuelle. Le 13 avril 1942, il arrive à Auschwitz avec l’un des premiers transports de Juifs slovaques. Sur ce convoi de 1 000 personnes, 10 sortiront vivants du camp en 1945.

Littérature concentrationnaire - Page 2 107638_large

Dans les premières pages du livre, un dimanche, il a tellement soif (le kapo a pris un malin plaisir à jeter le thé par terre avant de renvoyer les prisonniers dans leur baraque) qu'il décide d'aller, avec un camarade, Maurice, boire du thé dans la cuve. C'est bien sûr interdit et il est surpris par un SS. Après leur avoir plongé la tête dans la cuve à thé au point de presque les noyer, les chefs ne les tuent pas ; ils les envoient travailler dans un lieu qu'ils ne connaissaient pas : les crématoires des chambres à gaz.

Littérature concentrationnaire - Page 2 Image09

Jusqu'aux Marches de la Mort et la libération en 1945, Filip travaillera dans ces lieux de morts, brûlant les cadavres par centaines de milliers, voyant la cruauté, l'inhumanité, le sadisme sévir autour de lui, des Juifs et Tziganes mourir gazés au "cyclon B" [zyklon B] (comme il l'écrit dans le livre...). Filip Müller parviendra à en dérober une étiquette pour la donner à deux fugitifs, afin qu'ils apportent des preuves au monde de ce qui se passe ici. Mais le monde ne réagit pas.

Littérature concentrationnaire - Page 2 Zyklon10

Comme l'écrit Lanzmann dans la préface, rares sont les Sonderkommandos qui sont revenus des camps parce que, dans le souci du secret, on les liquidait assez vite. Le hasard, la chance, ont fait que Filip Müller est sorti vivant de ces lieux. De plus, après la guerre, ces gens qui étaient revenus du fond de l'horreur préféraient se taire pour éviter de faire rejaillir à la surface les atrocités dont ils avaient été témoins. On les a forcés à être les assassins de leur peuple.

Littérature concentrationnaire - Page 2 Auschwitz_four

Parmi les épisodes marquants, il y a celui d'une scène de déshabillage. Avant de gazer les Juifs, les Allemands les faisaient se dévêtir dans un vestiaire à côté du lieu de la chambre à gaz. Une femme, très belle, attire l'attention des SS. Elle les aguiche, leur fait de l'oeil en posant ses vêtements. Soudain, avec sa chaussure à talon, elle frappe un SS, se saisit d'une arme et commence à semer le désordre. Un début de révolte se forme, mais elle est très vite arrêtée. Cette femme était une danseuse et son cadavre est exposé dans la chambre de dissection afin que les SS défilent devant lui à "titre d'avertissement et pour leur rappeler les conséquences d'un seul instant de défaillance".
Par sa mort, la danseuse a donné la preuve que la rébellion est possible : il faut tenter une opération. Malgré l'organisation de certains détenus, le signal pour la révolte se fait attendre, et n'arrivera que très tardivement, et elle échouera. Filip Müller arrive une fois encore à échapper à la mort alors que plus de 400 hommes ont péri dans cette tentative de révolte.

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On croise les noms de nazis restés célèbres, comme le docteur Mengele qui vient prélever les organes dont il a besoin sur ceux qui viennent de mourir, qui fait ses expériences inhumaines sur les déportés (castrations, brûlures, injections de maladies...), comme le SS Moll, surnommé l"ange de la mort" pour son sadisme. Il aime faire le mal pour le mal, faire souffrir. C'est lui qui donne l'idée, pour que se débarrasser des corps aillent plus vite, de faire creuser d'immenses fosses où sont brûlés les cadavres. Il invente la récupération de la graisse humaine qui sert de carburant. Il prend plaisir, par exemple, à faire mettre nues des jeunes femmes et à les forcer à regarder les corps brûler, en leur disant que ce serait elles tout à l'heure. Il fait nager des détenus dans la cuve à eau potable, jusqu'à ce qu'ils se noient car ils n'ont pas le droit de regagner le bord ("la nage des grenouilles"). Il force un détenu à marcher pieds nus dans la fosse encore brûlante de cadavres avant de l'abattre.
Un moment de faiblesse, un fléchissement, un instant où l'on manifeste de la fatigue et c'est la mort assurée.

Je m'étonne que ce témoignage ne soit pas plus connu, davantage lu. Même s'il raconte une indicible réalité, il est là pour qu'on sache et se souvienne, que le souvenir des horreurs nazies ne s'estompe pas avec le temps. Filip Müller témoigne aussi dans le film de Claude Lanzmann : Shoah.

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Littérature concentrationnaire - Page 2 Empty La nuit, Elie Wiesel

Message  Kashima Lun 11 Juil 2016 - 16:31

Littérature concentrationnaire - Page 2 41vIkdqVrWL._SX303_BO1,204,203,200_

Elie Wiesel est mort il y a quelques jours, le 2 juillet 2016.
La Nuit est le livre de lui le plus connu, dans lequel il raconte son expérience des camps.
Alors qu'il vivait plutôt paisiblement dans sa petite ville de Sighet (Transylvanie), il est déporté avec toute sa famille en mai 1944. Ils sont conduits à Birkenau où sa mère et sa soeur sont directement envoyées à la chambre à gaz. Ne se séparant pas de son père, il est conduit à Auschwitz et tente comme il peut de survivre. La date tardive de sa déportation est certainement un des facteurs de sa survie, même si d'autres comme le courage, la chance, etc entrent en jeu.
Au moment de l'évacuation d'Auschwitz (l'Armée rouge arrive), il vit les longues marches forcées dans la neige sous la surveillance des nazis impitoyables qui assassinent toute personne qui fléchit. Avant de parvenir à Buchenwald, il voit son père agoniser et mourir, et il exprime le remords qu'il a éprouvé en n’approchant pas à son appel, par peur des représailles allemandes.
Ce témoignage sur la Shoah, comme tous les autres que j'ai lus, est indispensable. Elie Wiesel ne rentre pas dans les détails de l'horreur indicible même s'il donne quelques exemples, comme ce jeune garçon qu'on avait pendu devant tout le monde et qui, à cause de son poids trop léger, a mis des heures à mourir tandis qu'on défilait devant lui.
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Littérature concentrationnaire - Page 2 Empty Sonderkommando, dans l'enfer des chambres à gaz, Shlomo Venezia

Message  Kashima Dim 19 Mar 2017 - 9:46

Littérature concentrationnaire - Page 2 Sonder10

Shlomo Venezia est un juif italien qui a vécu en Grèce les premières années de sa vie (né en 1923). Il est mort en 2012, mais a pu confier l'horreur de ce qu'il a vécu au sein des Sonderkommandos, ces déportés qui travaillaient dans les chambres à gaz et aux fours crématoires.
C'est un récit très complet, très poignant, qui relate parfaitement l'indicible.
J'en retiens malgré moi l'image de ce bébé qui n'était pas mort après le gazage car il était en train de téter sa mère, ce qui l'a épargné (pour être assassiné froidement l'instant d'après par un Nazi).
Shlomo explique bien le statut particulier de ces détenus : certes, ils sont mieux nourris, moins "maltraités" (si l'on peut dire!), mais ce sont eux qui sortent les corps enchevêtrés des morts, eux qui les traînent jusqu'au four ou dans les fosses, eux qui arrachent leurs dents en or, etc. Ils fréquentent la mort au plus près et, vu le secret qu'ils partagent avec les Nazis, ils sont condamnés à être éliminés régulièrement pour que rien ne sorte d'ici.
"La chance" de Shlomo est d'être arrivé à Birkenau en 1944, un peu moins d'un an avant la libération du camp. Il raconte tout, jusqu'aux marches de la mort dont il ressort vivant.

On retrouve des choses lues dans Treblinka, livre qui m'avait beaucoup marquée, très complet, terrible le SS sadique Moll, la graisse des corps qui bouillonnent dans les fosses...
Il faut lire, lire encore ces témoignages, à l'heure où les survivants se font de plus en plus rares et où les thèses révisionnistes, voire négationnistes, fleurissent.

Littérature concentrationnaire - Page 2 Avt_sh10 Littérature concentrationnaire - Page 2 Quelqu10
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Littérature concentrationnaire - Page 2 Empty Marceline Loridan-Ivens, C'était génial de vivre (2021)

Message  Kashima Lun 28 Juin 2021 - 17:09

Littérature concentrationnaire - Page 2 C-etai10



"Je suis tout à fait heureuse de parler avec vous, parce que j'ai toute confiance en vous. J'ai essayé de vous donner le meilleur de moi, en toute honnêteté. Il y a longtemps que je n'ai pas parlé comme je vous ai parlé à vous deux, car j'ai toute confiance. L'un sans l'autre, non. Ensemble, oui, absolument."


David Teboul et Isabelle Wekstein-Steg, proches de Marceline Loridan-Ivens, nous font partager des propos d’elle qu’ils ont recueillis. Ils lui donnent la parole dans ce livre.
Marceline raconte son enfance heureuse et son amour pour son père. Croyant protéger sa famille, il achète un château à Bollène (zone libre pendant la guerre). Dénoncés par des voisins, le père et la fille sont arrêtés et internés à Drancy, d’où ils prendront le train pour Auschwitz. Les autres membres de la famille ont le temps de fuir...

Marceline dit l’horreur du camp, la cruauté des kapos, la perte des êtres chers. Dès son arrivée au camp, elle ment sur son âge ; à la descente du train, elle répond « 18 ans », ce qui lui permet d’échapper à la sélection. Elle relate aussi cette scène poignante : par hasard, elle croise son père dans le camp. Elle ne peut se retenir de l’étreindre, et elle est violemment battue par un SS au point de perdre connaissance. Son père a le temps de lui glisser un oignon dans son vêtement :
"Ce légume était un luxe extraordinaire."
   
Ce sera la dernière fois qu’elle le verra : elle ne cessera d’espérer son retour et de clamer son manque de lui…

Ses amis Ginette Cherkasky (Ginette Kolinka) et Simone Jacob (Simone Veil), les filles de Birkenau, sont revenues elles aussi des camps de la mort.
Après Auschwitz et Bergen-Belsen dont elle est rescapée, Marceline parle du retour à la vie. Elle dit combien il est difficile, voir impossible de raconter ce qui a été, car personne, après la guerre, n’a envie d’écouter ni de croire. Les rapports avec sa mère sont durs, tout comme ceux avec Marie, sa belle-sœur, qui s’est mal comportée avec elle en déportation.
Elle dit :

"Dans ces années-là [après-guerre], on a posé un couvercle sur la marmite. Il ne fallait surtout pas parler des camps. (...) Aujourd'hui, alors que c'est devenu possible, on se retrouve face à des ordures antisémites et négationnistes. C'est le silence de l'après-guerre qui en est responsable."


Marceline ne se présente pas comme une héroïne. Elle dit elle-même que tout le monde a pu oublier ses mésactions tout en croyant avoir été irréprochable, et elle ne juge personne. Elle donne à voir les comportements humains, surprenants, bons ou odieux. Elle-même ne peut oublier la petite Grecque qu’elle a fait mourir en la poussant sur les ordres d’un SS.

Marceline, pleine de vie et de projets, du désir de vivre et d’aimer, disait qu’elle choisirait quand elle mourrait :
"Ça ne va pas durer longtemps parce que, à un moment, on est tous obligés de se barrer. C'est moi qui déciderai du moment. Ça, j'en suis persuadée. (...) Maintenant je fais du rabe. Rien ne peut m'empêcher d'être joyeuse."
La rabbine Delphine Horvilleur, qui a prononcé le kaddish sur sa tombe, s’amuse de son pied de nez à Dieu, en qui elle disait ne pas croire à cause de son absence dans les camps (elle qui pourtant jeûna à Auschwitz pour rester digne à Yom Kippour : Marceline est morte à 90 ans le soir de la plus importante des fêtes juives : celle du Grand Pardon.

Source : https://lemanoirdeslettres.forumactif.com/t155-marceline-loridan-ivens-c-etait-genial-de-vivre-2021#205
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Littérature concentrationnaire - Page 2 Empty "Trop d'amour" - Dieu était en vacances, Julia Wallach (2021)

Message  Kashima Sam 20 Nov 2021 - 9:53

Littérature concentrationnaire - Page 2 97822410



Julia Wallach a 96 ans. Elle a passé deux ans en déportation, internée à Auschwitz, puis subissant pendant quatre mois la marche de la Mort et l'errance avant de retourner dans son pays d'origine, la France.
Dieu était en vacances, paru chez Grasset, est son témoignage. Elle raconte la vie d'avant-guerre, la menace qui commence à peser sur les Juifs dans les années 30. Vivant à Paris avec ses parents, elle est en danger. Le bougnat de la rue, en face, est un antisémite, et des délateurs, il y en a un peu partout autour, comme cette odieuse voisine qui la verra revenir des camps et avoir du mal à récupérer son appartement, occupé par un autre.
Il est question de son combat, de sa survie, de dire, autant que possible, l'horreur d'Auschwitz : les kapos inhumains qui vous tabassent jusqu'à ce que vous perdiez connaissance et qu'à la fin, vos dents tombent dans la maigre soupe ; le SS qui attrape un nouveau-né par les pieds, le jette en l'air et le tire comme un pigeon, sa mère qui meurt quelques jours plus tard de chagrin ; la dysenterie, le typhus auquel elle a survécu, continuant tout de même le travail ; les représailles, les pendaisons, la fatigue ; les amitiés, la solidarité, l’endurcissement ; la chance aussi, le hasard, les quelques minutes de repos que vous accorde quelqu'un qui, sans le savoir, vous sauve la vie :

"On avait notre robe, qui se détrempait et qui ne nous protégeait pas. Certaines portaient un manteau mince, d’autres avaient pris une couverture qui devenait plus lourde à mesure qu’elle s’imbibait. On ne voyait rien, le vent nous soufflait des flocons durs comme des milliers d’aiguilles dans le visage et dans les yeux, on titubait, on se cognait les unes contre les autres. Nous avons marché un jour entier. Combien de kilomètres a-t-on parcourus ? Je ne sais pas exactement où a eu lieu la première étape, sur la plaine polonaise où le vent souffle sans rencontrer jamais aucun obstacle.
La colonne s’est arrêtée près d’une ferme dont on distinguait le bâtiment. Partout autour de nous, la nuit et la tempête. J’ai pensé que c’était la fin. Instinctivement, nous nous sommes mises à genoux, nous enlaçant les unes les autres pour ne pas tomber allongées dans la neige, afin d’avoir le moins de surface en contact avec l’épaisse poudreuse qui couvrait le monde. Doba et moi embrassées dans le chœur des femmes. On se tournait et on se déplaçait petit à petit pour se protéger successivement de tous les côtés. Chaque fois que je me suis réveillée, je me suis demandé comment j’avais pu survivre. Chaque fois que je me suis endormie, j’ai cru que c’était la dernière fois."


"Je ne vois pas de beauté dans la neige", dit-elle. Avoir marché des mois entiers dans le froid, par moins vingt degrés, les pieds nus, avec une robe trempée ne peut que faire haïr le froid dont "l'expérience intime est quelque chose qui ne peut pas se partager."

Au retour, libéré, l'accueil n'est pas celui qu'on croit : personne ne veut entendre, même pas la famille. Quand on est un survivant, on est une preuve de l'inhumanité des hommes, et nul n'a envie de se regarder dans ce miroir :

"Je suis rentrée pour parler et pour me battre, pour reprendre ce qui était à moi. Je suis rentrée comme un reproche. Je suis rentrée le cœur brisé."

Julia Wallach porte son témoignage dans les écoles. 50 ans après (elle avait environ dix-huit ans au moment de sa déportation), elle était retournée à Auschwitz :

"Puis, quand mes enfants Myriam et Patrick ont été adultes, je suis retournée à Auschwitz avec mon mari et d’autres survivants. On a emporté assez de provisions pour tenir une semaine – s’ils croyaient que j’allais dépenser un centime chez eux. Après les cérémonies, mon amie Fanny Wegiweski et moi, on est allées au bout des rails, devant les wagons qui menaient au four, on a grimpé sur une pierre et on a dit : « On les a eus. » Tout le monde pleurait.
       
J’ai retrouvé ma feuille d’entrée, avec mon nom et celui de mon père et de tous ceux du convoi 55, affichée à Birkenau dans le pavillon français. Je me suis souvenue que mon père m’avait dit : « Je ne survivrai pas à ta mère. Mais toi, tu es jeune. Vis, rentre à la maison, et raconte ce qu’on nous a fait. » Alors j’ai commencé à parler. Et je n’ai jamais cessé.
J’ai parlé à ma famille, à mes amis, à des associations, dans des écoles religieuses ou laïques, et même dans les squares, aux nounous des amis de mes petits-enfants. J’ai tout raconté, autant de fois qu’on me l’a demandé. Dans les classes, souvent, des enfants au regard sérieux ont voulu savoir si je croyais encore en Dieu. « Oh non, ai-je chaque fois répondu, je ne crois pas en Dieu. Ou alors, il était en vacances. »"



Littérature concentrationnaire - Page 2 37955210


Le film Trop d'amour, réalisé et écrit par Frankie Wallach, une des petites-filles de Julia, met en scène cette grand-mère survivante. Mais Frankie ne veut plus qu'elle ne soit associée qu'à sa déportation. Elle lui écrit donc un rôle pour une adaptation de Duras, Savannah Bay. Or elle se rend vite compte que ce qu'elle a envie de filmer et de raconter, c'est vraiment sa grand-mère, dont les deux parents sont morts dans les camps, et aussi l'héritage de cette famille : comment les enfants, les petits-enfants ont dû vivre avec le souvenir de la Shoah. Frankie Wallach montre et interroge son père, sa mère, ses sœurs ; elle les fait parler dans un film qui ressemble à un documentaire, mais qui n'en est pas un. Inspirée de Kechice et de Pialat, Frankie Wallach tente de capter le réel, de faire vrai, même si les dialogues ont été écrits et que les scènes sont répétées.
Le poids de ce passé se manifeste dans des petites choses du quotidien, même à la troisième génération : la sœur, par exemple, qui ne s'assoit qu'en bout de rang au cinéma au cas où, soudain, il faudrait fuir... Le père qui porte une rancune... la tante disparue comme un secret de famille.


On garde, après lecture et visionnage, l'image forte et tendre de cette grand-mère particulière.


Témoignage de Julia Wallach au Mémorial de la Shoah :



CM

Source : Le Manoir des lettres
https://lemanoirdeslettres.forumactif.com/t212-trop-d-amour-dieu-etait-en-vacances-julia-wallach-2021
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Littérature concentrationnaire - Page 2 Empty Nous étions des géants

Message  Kashima Jeu 20 Jan 2022 - 18:29

Littérature concentrationnaire - Page 2 71ref710

Nous étions des géants, écrit par les deux Israéliens Yehuda Koren et Eilat Negev, raconte l'histoire de la famille Ovitz.

Littérature concentrationnaire - Page 2 20220112


Juifs roumains et orthodoxes, ils forment une fratrie particulière car, sur les dix enfants de leur père, nés de deux femmes différentes, sept sont de toute petite taille. Ce sont des lilliputiens.
Avant la Seconde Guerre Mondiale, ils ont constitué un groupe de musique qui connaît beaucoup de succès. Ne souhaitant pas être remarqués pour leur particularité physique ou devenir des bêtes de foire, ils offrent des spectacles de qualité.

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Dans les premiers temps où les Juifs sont brimés, ils échappent aux rafles grâce à des papiers où le mot "juif" n'est pas inscrit. Mais, en 1944, ils ne peuvent plus éviter la déportation : les dix frères et sœurs sont transportés à Auschwitz. Quand ils arrivent sur le quai, ils échappent à la sélection qui les aurait conduits à la chambre à gaz car le docteur Mengele fait des travaux sur la gémellité et sur les malformations héréditaires. Ils sont donc amenés dans un baraquement à part : même s'ils subissent l'épreuve du tatouage, ils conservent leurs cheveux et leurs vêtements et peuvent rester tous les dix ensemble (ils ont même avec eux une autre famille, celle d'un homme qui participait et les aidait dans leurs tournées, famille qu'ils font passer pour la leur).
"Protégés" par Mengele qui dit lui-même avoir avec eux du travail pour 20 ans, ils subissent ses expériences. Elles consistent surtout en de très nombreuses prises de sang qui les épuisent, à des mesures incessantes... Perla, la femme qui a donné son témoignage aux auteurs israéliens, raconte aussi qu'il lui faisait verser de l'eau bouillante, puis glacée dans les oreilles ("à rend folle") ; on sait aussi que ses sœurs ont subi des expériences gynécologiques, mais qu'elles n'ont jamais voulu rien en dire.
À travers son témoignage, on rencontre d'autres personnages, comme cette jeune dessinatrice , Dina Gottlieb, qu'emploie Mengele pour faire des croquis de ses patients ou des portraits de lui-même. Le récit donne beaucoup d'informations sur Mengele jusqu'à sa fuite en Argentine et sa mort. On apprend aussi beaucoup de choses sur la vie de cette famille de lilliputiens, qui survécut à la guerre (sauvés par les Russes) et qui finiront leur vie en émigrant dans le nouvel état d'Israël, restant fidèle à leur passion du spectacle et à leur religion.

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Ce livre met en lumière le courage et la volonté de vivre de cette famille, dont on ne sait pas assez l'histoire et qui mérite d'être connue. Il est agrémenté de photographies diverses et donne de nombreux détails sur leur existence, nous renseignant sur plein de points parallèles, comme la place des nains dans l'Histoire. Tout en montrant l'horreur des camps, les auteurs n'insistent pas sur les tortures... au point que, dans la bouche de Perla, on a une drôle d'impression quand on entend des mots d'affection pour Mengele, mais on peut comprendre qu'ils se vivaient comme des survivants et montraient malgré eux de la reconnaissance à "Oncle Mengele". Une des soeurs a même pleuré en apprenant sa mort des années plus tard...
C'est donc une étrange histoire de survie que nous donne à lire cet ouvrage.
Kashima
Kashima
Faux-monnayeur

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