Le Musée Dupuytren

Ce musée d'anatomie pathologique a été fondé grâce au legs de Guillaume Dupuytren, chirurgien et anatomiste français. Il rassemble environ 6000 pièces (ossements, cires, bocaux contenant des membres, des organes ou des foetus mal formés) réunis entre 1752 et 1926. Ce musée est intéressant pour le grand public (enfin il vaut mieux éviter d'y amener les plus jeunes quand même) car il peut se rendre compte de ce à quoi ressemble les poumons d'un tuberculeux, le cerveau d'une personne morte de la méningite, un foie atteint par la cirrhose et beaucoup d'autres choses. Il est aussi très utile pour les chercheurs d'aujourd’hui car les pièces qui y sont conservées ont été et sont encore utilisées pour de nombreuses recherches en anatomie pathologique, neuropathologie, paléopathologie, égyptologie, préhistoire et anthropologie physique.
Malheureusement, la conjoncture universitaire actuelle ne permet pas au musée, qui dépend de la faculté Pierre-et-Marie-Curie à Paris, de bien fonctionner et des difficultés financières se font ressentir. Ces collections, qui ont déjà subi de nombreux dégâts (incendies, vols...) sont aujourd'hui de nouveau menacées.
Personnellement, j'ai eu la chance de visiter ce musée. Il est vrai que l'on sent bien que les moyens manquent. Les bocaux sont parfois entassés sans que l'on ait beaucoup d'explications et un grand nombres des étiquettes qui ont été collées dessus (il y a plus de cent ans pour certaines) sont illisibles soit parce que l'encre s'est effacée, soit parce que l'écriture est calligraphiée. Pour pouvoir lire, il faudrait se coller le nez contre la vitrine et, honnêtement, vu ce qu'il y a dedans, on préfère ne pas savoir plutôt que de s'approcher trop près ! Cependant, si on a la chance de croiser le médecin conservateur, la visite prend une toute autre dimension. Il connaît son sujet et a le souci de faire partager son savoir. Il a donc attiré notre attention sur des choses très intéressantes, que nous n'aurions probablement pas remarquées sans son intervention, comme un Situs Inversus (inversion de la place des organes) ou encore le cerveau le plus célèbre de la médecine: celui sur lequel Paul Broca a découvert l'aire responsable du traitement du langage qui porte son nom.

Si vous en avez la possibilité, je vous conseille vivement de visiter, vous aussi, ce musée. On voit l'Homme un peu différemment après et je pense qu'il faut l'avoir fait au moins une fois dans sa vie.

Il se situe 15 rue de l'École-de-Médecine à Paris VIème et il est ouvert au public du lundi au vendredi de 14 à 17h.

Quelques liens :

Un article du Figaro expliquant la situations du musée : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Un site ou l'on peut voir quelques photos : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Une vidéo qui montre une partie de la collection (âmes sensibles, s'abstenir ) :
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Ci-dessus, un chat janus (à deux têtes), un bébé (foetus?) qui a une ichtyose (maladie où la peau fait des écailles) et des cancers du visage.

L'après-midi de mon séjour à Paris, après les catacombes, je descends à la station Odéon et, au 15 rue de la Médecine, je vais au musée Dupuytren.

Dupuytren était un chirurgien et anatomiste français (1777-1835). Il a, entre autres, découvert la "maladie de Dupuytren" :
Il a publié un article sur la rétraction des doigts par suite d'une affection de l'aponévrose palmaire appelé dès lors maladie de Dupuytren). il fut le premier à réaliser que la lésion se trouvait dans l'aponévrose et non dans la peau ou les tendons, c'est la raison pour laquelle cette maladie porte son nom.
On peut voir son portrait dans le Musée.

Le Musée, peu connu, semble-t-il, si l'on en croit les personnes qui travaillent à la bibliothèque en face et qui ignorent son existence!

On entre dans une pièce dont les vitrines sont emplies de bocaux. Depuis 1835 sont entreposées les collections d'anatomie pathologique.

Cela a été très utile aux étudiants, à l'époque où l'on avait pas tous les moyens techniques et de reprographie pour étudier l'anatomie pathologique. Depuis, on entrepose plus rien (plus rien d'actuel) car ce n'est plus indispensable. Il peut arriver que le musée reçoive des dons qui l'enrichissent, mais il est rare qu'il recueille un fœtus malformé qu'on prendra plutôt en photo sous toutes les coutures.

Le plus impressionnant ne repose que dans une vitrine : c'est souvent ce qu'on retient de la visite, l'endroit où se trouvent les bébés monstrueux. J'en parlerai plus bas.


La première vitrine en entrant, à gauche, expose des squelettes rachitiques, d'hydrocéphales ou ayant une inflammation des os. On y voit aussi des crânes victimes de la syphilis, maladie en trois phases (celle du chancre, de l'extension sur le corps puis de la paralysie menant à la mort) dont on ne meurt plus et qui se soigne très bien de nos jours. Voici une excroissance osseuse due à la syphilis :


Un des squelettes a les os rougis, à cause justement d'une inflammation.


Dans les vitrines, je commence par observer les différentes lésions qui s'entassent en vrac : certaines ont une légende, d'autres sont exposées telles quelles. Il est difficile pour quelqu'un qui n'est pas féru de médecine de s'y retrouver, même de reconnaître où se trouve la lésion. J'ai l'impression d'être dans le prolongement de l'exposition Our Body.

Je vois les mains dont la peau est incrustée de petites brindilles : ce furent les mains d'un meulier. La main, sur la droite, a été irradiée aux rayons X.


Des orteils, des mains, des doigts arrachés dont les tendons pendent dans le formol :

Des mains victimes d'arthrite chronique :



Une pince de crabe :


Il y a ces enfants anencéphales (sans encéphale), les mains et les pieds dont les ongles ont trop poussé, les poumons tuberculeux, les infarctus... Il est étrange de se retrouver face à un vrai visage, exempt de tout corps.


Au moment où je commence à regarder la vitrine la plus intéressante pour le visiteur lambda, celle où se trouvent les cyclopes, les janus, les sirènes, les siamois, les victimes d'ichtyose, les bébés et fœtus aux multiples hernies,


J'entends la voix d'un homme. Je m'empresse d'aller écouter ce qu'il dit, et je passerai deux heures en sa compagnie.
C'est un chercheur passionné et très savant. Je peux lui poser des questions, et il me guide, m'aide à comprendre des choses que seule, je n'aurais même pas vues.

J'apprends de lui qu'Ambroise Paré est très littéraire et agréable à lire, même pour des non spécialistes.
Les enfants cyclopes ne sont pas viables car leur cerveau ne se développe pas. Ils n'ont qu'un œil au milieu du front, surmonté d'un petit appendice nasal qui ressemble à une trompe :

Les enfants sirènes, dont les pieds et les jambes ne sont pas séparés, ne peuvent pas vivre non plus. Ces noms sont empruntés à la mythologie.
Il me montre les janus, que je ne dois pas confondre avec les siamois.

Certains grimacent ; d'autres semblent heureux dans cette mort éternelle :

Les animaux sont logés à la même enseigne face à la malformation congénitale :

Puis nous voyons la partie "génitale", avec des grossesses extra utérines, par exemple, le moulage d'un grand sexe fait par le major d'un concours.
Il m'emmène vers le poumon aux tubercules,

vers la femme dont les os étaient mous et qui a pourtant enfanté, on ne sait comment...


Nous retournons vers l'entrée : il me montre la tumeur du nerf olfactif en moulage (maladie qu'a eue Chantal Sébire il y a peu),

des tumeurs de l'œil, la maladie d'Elephant man, me précisant que tous ces gens se baladaient autrefois et n'avaient pas de moyen de se cacher.

Il me montre un kyste de l'ovaire énorme, gros comme un globe. Il m'explique aussi que plus la technique s'est améliorée, plus les opérations ont été longues car, sans anesthésie, on n'était pas précis, il fallait couper vite le membre malade.
Un fistule à l'anus était quelque chose d'extrêmement douloureux : Louis XIV avait été opéré sans anesthésie de cela, et le soir même, il siégeait au conseil...

Il me pointe du doigt un phocomèle, un homme qui se meut comme un phoque, privé de bras et de jambes. Il paraît que, de nos jours, un baryton célèbre est atteint de cette malformation. Elle n'est pas due au distilbène, mais à une autre substance :



D'autres personnes se joignent à nous...

Quand le chercheur nous laisse, il me reste peu de temps pour voir ce que je n'ai pas vu : des moulages sur le côté gauche de visages recouverts d'un nævus (la moitié de la peau est noire), des becs-de-lièvre, des crânes recouverts d'immenses tumeurs...


Plus loin, les sexes d'hermaphrodites...


Je recommande cette visite aux gens curieux de ces étrangetés de la nature humaine. Mais pensez bien que le chercheur s'offusque à juste titre si l'on ne perçoit cet endroit scientifique que comme un musée des horreurs!

Métro Odéon : lignes 10 et 4.

Voici un petit rappel d'une chose que j'avais oubliée dans mon article. Au musée Dupuytren, on peut voir le cerveau de Mr Tantan...
Sur son blog, Solène a écrit ceci :

"L'aire de Broca est une des principales zones du cerveau responsable du traitement du langage. Paul Broca l'a découverte lors de l'autopsie de Monsieur Leborgne souffrant d'une aphasie (impossibilité de parler). Cette aire est la zone de production des mots parlés, c'est pour cette raison que le patient n'était plus capable de prononcer que la syllabe "tan" ce qui lui avait valut le surnom de "Tantan". Il comprenait cependant parfaitement bien ce qu'on lui disait car c'est une autre aire qui est responsable de la compréhension: l'aire de Wernicke. En d'autres termes monsieur Leborgne était incapable de traduire sa pensée en mots... Effrayant non?"

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"Sur la photo, on peut observer un trou au niveau du lobe frontal gauche, c'est la lésion qui a permis d'identifier l'aire de Broca."


De plus, il était incapable de traduire par écrit sa pensée!