"Un nabot chez les succulentes"
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"Un nabot chez les succulentes"
Hubert Nyssen, La femme du botaniste : Un nabot chez les succulentes
Les Anciens et les Modernes
La rédaction 19/08/2017
« Mourir, dormir,
Dormir, et pourquoi pas rêver » (Hamlet, III, I, exergue de La Femme du Botaniste)
La Femme du Botaniste est une histoire de conquête amoureuse, racontée avec poésie et panache, un conte époustouflant qui commence par une interrogation sur le temps qui passe, ou qui ne passe pas selon que Shéhérazade saura ou non le retenir.
Ernest des Ombiaux est un vieil écrivain, fou amoureux autrefois d’une tragédienne qui l’a abandonné. Mais l’âge n’a pas épuisé les passions : il s’éprend de la femme du botaniste, un jour qu’il la croise au Pavillon des Succulentes. Il dépêche auprès d’elle son serviteur, Max, un nain espiègle, pour la séduire à sa place. Celui-ci s’introduit dans sa chambre quand elle dort, jusqu’au jour où il a le courage de lui murmurer un mensonge : le talipot, palmier qui ne fleurit qu’une fois centenaire et en meurt aussitôt, vient d’éclore au jardin. La belle femme se réveille en sursaut et, comme elle ne dort pas seule, prévient son époux du prodige :
« Le talipot a fleuri ! Je l’ai vu en rêve, c’est sa fin ! » (p.18)
Odile Prophète se lève, suit son mari ; dans la nuit, le nain Max se présente à elle et tombe immédiatement sous son charme :
« (Il) fut pris par l'un de ces serrements d'admiration que l'on éprouve devant la beauté des héroïnes disparues. » (p.19)
Mais il est là pour servir son maître qui lui a dispensé des conseils dignes d’une Ars amatoria, comme une annonce de ce que nous offrira le roman :
« Introduis-toi dans ses rêves, comme un talisman ou un mirage, offre-lui des prodiges. Et si, étourdie par tes paroles, elle te demande de la musique, improvise, si elle veut une corrida, descends dans l’arène, si elle exige un funambule, tends un fil entre les tours de Notre-Dame, si elle te demande de marcher sur le feu, ne crains pas la braise. » (p.13)
Conseils amoureux d’un vieillard lettré donnés à son magot… Le roman nous entraîne dans la passion de Max qui, desservi par son physique, invente mille ruses pour séduire la ravissante Odile — dont le prénom signifie « richesse » et « combat ». La trame est chevaleresque. Bel exemple de fin’amor, en dépit de certaines pensées parfois graveleuses… Le nain ne peut se permettre de toucher sa dame même si le désir le tenaille :
« Pour arriver à ses fins, il n’avait d’autre moyen que l’exploit, d’autre ressource que la prouesse. » (p.150)
Hubert Nyssen (1925-2011), fondateur des éditions Actes Sud et père de l’actuelle ministre de la culture, a publié ce texte insolite en 1993. Plein de fantaisie, de poésie, ce conte fait référence à Saint Augustin, Shakespeare, Lewis Carroll. Le lecteur accède au mystère de la création, aux ruses auxquelles l’esprit a recours pour se guérir de ses maux et pour créer la femme idéale :
« (Elle) était devenue la figure sous laquelle se retrouvaient avec désordre Électre, Eurydice, Iseult, Ophélie, Bérénice, Suzanne, Odette de Crécy. » (p.27)
Le nabot Max est une espèce de Solal, capable de faire rêver et de transporter sa sublime Ariane aux limites de la réalité. Prêt à toutes les folies pour lui plaire, on en oublie presque sa laideur :
« À combien d'exploits impossibles faut-il donc se crever pour qu'une créature comprenne que chacun d'eux est un message d'amour éperdu? » (p.95)
Ce roman se dévore, enflamme au milieu des euphorbes, des senteurs d’ilang-ilang et d’oranger ; il a sans doute été écrit pour « ceux qui sont pensifs et ceux qui sont heureux, les mécontents et les désireux, ceux qui sont joyeux et ceux qui sont troublés, tous les amants. » (Tristan et Iseult, édition de Joseph Bédier)
Céline Maltère
Hubert Nyssen, La femme du botaniste, Actes sud, 1993, 15,50 €
http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/les-anciens-et-les-modernes/content/1945722-hubert-nyssen-la-femme-du-botaniste-un-nabot-chez-les-succulentesLes Anciens et les Modernes
La rédaction 19/08/2017
« Mourir, dormir,
Dormir, et pourquoi pas rêver » (Hamlet, III, I, exergue de La Femme du Botaniste)
La Femme du Botaniste est une histoire de conquête amoureuse, racontée avec poésie et panache, un conte époustouflant qui commence par une interrogation sur le temps qui passe, ou qui ne passe pas selon que Shéhérazade saura ou non le retenir.
Ernest des Ombiaux est un vieil écrivain, fou amoureux autrefois d’une tragédienne qui l’a abandonné. Mais l’âge n’a pas épuisé les passions : il s’éprend de la femme du botaniste, un jour qu’il la croise au Pavillon des Succulentes. Il dépêche auprès d’elle son serviteur, Max, un nain espiègle, pour la séduire à sa place. Celui-ci s’introduit dans sa chambre quand elle dort, jusqu’au jour où il a le courage de lui murmurer un mensonge : le talipot, palmier qui ne fleurit qu’une fois centenaire et en meurt aussitôt, vient d’éclore au jardin. La belle femme se réveille en sursaut et, comme elle ne dort pas seule, prévient son époux du prodige :
« Le talipot a fleuri ! Je l’ai vu en rêve, c’est sa fin ! » (p.18)
Odile Prophète se lève, suit son mari ; dans la nuit, le nain Max se présente à elle et tombe immédiatement sous son charme :
« (Il) fut pris par l'un de ces serrements d'admiration que l'on éprouve devant la beauté des héroïnes disparues. » (p.19)
Mais il est là pour servir son maître qui lui a dispensé des conseils dignes d’une Ars amatoria, comme une annonce de ce que nous offrira le roman :
« Introduis-toi dans ses rêves, comme un talisman ou un mirage, offre-lui des prodiges. Et si, étourdie par tes paroles, elle te demande de la musique, improvise, si elle veut une corrida, descends dans l’arène, si elle exige un funambule, tends un fil entre les tours de Notre-Dame, si elle te demande de marcher sur le feu, ne crains pas la braise. » (p.13)
Conseils amoureux d’un vieillard lettré donnés à son magot… Le roman nous entraîne dans la passion de Max qui, desservi par son physique, invente mille ruses pour séduire la ravissante Odile — dont le prénom signifie « richesse » et « combat ». La trame est chevaleresque. Bel exemple de fin’amor, en dépit de certaines pensées parfois graveleuses… Le nain ne peut se permettre de toucher sa dame même si le désir le tenaille :
« Pour arriver à ses fins, il n’avait d’autre moyen que l’exploit, d’autre ressource que la prouesse. » (p.150)
Hubert Nyssen (1925-2011), fondateur des éditions Actes Sud et père de l’actuelle ministre de la culture, a publié ce texte insolite en 1993. Plein de fantaisie, de poésie, ce conte fait référence à Saint Augustin, Shakespeare, Lewis Carroll. Le lecteur accède au mystère de la création, aux ruses auxquelles l’esprit a recours pour se guérir de ses maux et pour créer la femme idéale :
« (Elle) était devenue la figure sous laquelle se retrouvaient avec désordre Électre, Eurydice, Iseult, Ophélie, Bérénice, Suzanne, Odette de Crécy. » (p.27)
Le nabot Max est une espèce de Solal, capable de faire rêver et de transporter sa sublime Ariane aux limites de la réalité. Prêt à toutes les folies pour lui plaire, on en oublie presque sa laideur :
« À combien d'exploits impossibles faut-il donc se crever pour qu'une créature comprenne que chacun d'eux est un message d'amour éperdu? » (p.95)
Ce roman se dévore, enflamme au milieu des euphorbes, des senteurs d’ilang-ilang et d’oranger ; il a sans doute été écrit pour « ceux qui sont pensifs et ceux qui sont heureux, les mécontents et les désireux, ceux qui sont joyeux et ceux qui sont troublés, tous les amants. » (Tristan et Iseult, édition de Joseph Bédier)
Céline Maltère
Hubert Nyssen, La femme du botaniste, Actes sud, 1993, 15,50 €
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
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