La folie en tête (1970)
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La folie en tête (1970)
La Folie en tête est un livre des obsessions. Violette Leduc revient sur sa passion pour Simone de Beauvoir, ses rendez-vous avec elle tous les quinze jours, son écoute, son attention. Autour d'elle, il y a Nathalie Sarraute que fréquente aussi Violette. Alors que Simone de Beauvoir n'exige rien d'elle, Violette se comporte intérieurement comme une amoureuse exclusive : elle ne lui raconte pas ses relations avec les autres pour ne pas provoquer une jalousie qui ne peut pourtant pas exister! Aux autres, elle parle beaucoup de Simone de Beauvoir.
Première apparition, première rencontre au Flore.
“Aimes-tu revenir dans une église pour le nom d’une inconnue gravé sur un prie-Dieu? J’aime, j’aime.”
“Son prénom et son nom dans ma bouche, la pudique amande dans l’écorce.”
“Elle ose s’excuser pour cinq minutes de retard, elle ose. Ne me parlez pas d’égale à égale, vous m’offensez ; vous m’abaissez en vous abaissant.”
“C’était douillet de se croire un puceron efficace.”
“Elle me dit bonjour. Je compte les clairières dans le ciel pendant les mois d’hiver.”
“Je vis et je vois. Je vis de quoi? D’un tremblement. Je vois quoi? Le soleil, il danse dans une bourrasque de poussière.”
“Après ce sera l’indifférence des cartes de géographie sur tous les visages.”
“J’ai peur, j’aurai toujours peur de la perdre. Une seule solution : balayer les autres.”
“Les heures passent, la nuit est tombée, les rats m’attendent, les souris m’espèrent.”
“Son arrivée, une légende à qui je donnerais une poignée de main. Il y a tant de façons de faire l’amour. Je le fais avec un spectacle : un être vient vers moi. Je la tiens à ma merci, elle vient. Elle venait, elle me rendait la beauté qui m’avait fait trembler.”
“L’attente est une revanche sur l’avenir. L’avenir, je lui tordrai le cou quand elle arrivera.”
“Écrire, écrire… chirurgie. Vous disséquez, vous guérissez qui?”
“C’est vrai, je ne résiste pas à l’abscons? L’abscons, c’est mon superflu d’amour.”
“Il y a des êtres qui meurent plus que les autres.”
“Je ne désire pas un de ses ongles, pas un de ses cheveux. Qu’est-ce que je désire d’elle? Rien, oh! rien. Je ne veux pas la perdre.”
“Je peux rire et chanter, m’étourdir et m’enivrer, je peux me distraire, étudier, lire ou sombrer, je peux aimer un autre être mais elle j’habite et m’habitera toujours. Est-ce que je me tuerais si elle m’abandonnait? Ce serait pire : je languirais. (…) Notre malheur, notre grand malheur, c’est celui-ci : nous voulons nous rassasier.”
“Parler d’elle à chaque page, sans la nommer, c’était me jeter sur ses yeux comme je me serais jetée sur des phares d’auto la nuit.”
Violette ne peut s'empêcher de parler d'elle à sa mère. Deux mots de Simone de Beauvoir sont des merveilles. Elle veut entendre son éloge dans la bouche des autres, qu'on lui parle d'elle :
“- Elle est belle… tu ne trouves pas qu’elle est belle?
- Oui elle est belle.
- Comme elle a été gentille, comme elle est humaine…
- Oui, très gentille, elle a dit deux mots.”
“Je me demande où est l’instant. Le passé dévore le présent, ils glissent l’un et l’autre dans le fourreau de l’avenir.”
“On a beau se contrôler, se dominer, prospérer, soudain glissent sur vos joues des larmes noires, vous n’êtes que le plus petit des graviers sous le goudron fumant.”
Simone de Beauvoir permet à Violette Leduc de voir sa première publication, L'Asphyxie, chez Gallimard. Elle est tracassée par son peu de succès, le fait que son livre n'intéresse personne.
Elle rencontre Jean Genet, se prend de passion pour lui dès la lecture du Miracle de la Rose prêté par Simone de Beauvoir. Elle l'adore, mais une brouille va naître entre eux car elle n'a pas aimé Les Bonnes. Elle courra longtemps derrière lui et son affection.
Violette à Jean Genet :
“Pourquoi tiens-tu tant de place dans mon existence? Tu m’envahis, tu es un soleil cruel qui n’épargne rien.”
“Une étincelle, je ne vous en demande pas plus. Suis toute mouillée de peine. Recrudescence, accalmie, recrudescence. Vous voulez de moi? Je parle à qui? A tout ce qui est inerte. Je suis toute trempée de peine, je suis un entassement de peine.”
“Je n’aurai pas honte de ce que j’écrirai. Celui qui donne ne devient pas fou.”
“À genoux près de son lit, je lui demandais pardon pour ce qu’il m’avait fait.”
L'écriture occupe ses journées, trois heures environ, pas plus. Elle s'interroge beaucoup sur le fait d'écrire.
Elle entre en correspondance avec des lycéens, Patrice, et rencontre quelquefois dans un hôtel un ami à lui, Flavien, jeune homme aux migraines très étrange...
“Ne vous pressez pas d’écrire si ce désir d’écrire n’est pas irrésistible. Aimer, en crever, faire l’amour, c’est se préparer à écrire.”
“Elle travaille, je gaspille ; j’use mes forces pour mes débauches et mes orgies sentimentales. Pourquoi l’importunerais-je avec mes égarements? Elle n’est pas une amie intime, je ne la connais pas assez pour l’emmener dans mes cirques tragiques, sur mes manèges dramatiques. Elle refuserait. Je lui raconterais tout si elle n’était pas admirable.”
"C’est déjà du passé. Il a vu le monstre, il l’a enjambé. Pas un réflexe, pas un mouvement, pas une expression. Il a tout gardé, quelle classe!"
Violette rencontre Patrice pour la première fois.
“J’ai dans la tête une percée de cri d’alouette, c’est l’espoir à longue portée, c’est la lucidité.”
“Venir se morfondre dans la plus belle chambre du meilleur hôtel de la ville… Je suis une rêveuse, j’ai ce que je mérite.”
“L’espoir fait vivre, qui sait… Nous allons peut-être nous dissoudre dans une étreinte.”
“Je devrais lui répondre non. J’écrirai oui. Quoi de plus éprouvant qu’un débat pour lequel nous connaissons la mauvaise solution à l’avance?”
"Je ne peux pas raisonner la femelle qui mendigote. Un enfer se disloquait sous mes paupières. J’embrassais, j’embrassais."
“Est-ce cela, l’amour qui finit à l’hôpital psychiatrique?
- Vous me troublez avec votre solitude et vos maux de tête.”
L'obsession, c'est aussi Jacques. Cet homme riche a publié L'Affamée en édition de luxe. Violette est obsédée par lui, elle l'aime, mais il est homosexuel lui aussi, comme presque tous les hommes de sa vie. C'est une torture qui ne la quitte pas, le désir de sa présence.
Elle décide de faire rejaillir ses souvenirs, d'écrire son histoire avec Isabelle, avec Gabriel (Marc de Ravages), avec Cécile.
“Tu n’en croirais pas tes yeux : j’ouvre ma boîte crânienne, je t’enferme, je baisse le couvercle.”
“Elle est entrée, ma reine débraillée, elle m’a forcée. Pourquoi l’ai-je aimée, adorée? Jusque là j’étais farouchement solitaire. (…) J’ouvrirai le sexe d’ Isabelle, j’écrirai dedans avec mon encre bleue.”
“Elle ne cède pas à mes phantasmes - elle appelle phantasme la griffe d’un tigre -, il me semble qu’elle m’abandonne.”
“Je rêve ou bien on a frappé? Je m’épouse où rien n’existe. On frappe. Impossible, mon doigt se marie. Le grand mariage pour la grande absence.”
“Fuyez-moi, je vous fuis. Un coeur gros comme une mappemonde pour les drames et les tragédies, un sexe profond comme une outre, pas le moindre espoir? Pas le moindre. A la ferraille, le coeur et le sexe.”
“Fadaises éternelles. L’amour, c’est rococo. Je vois trop.”
"Je m’assassinerai avec quoi? Avec mes nids pour toi."
“Ecrire une heure ou écrire douze heures revient au même. Ce qui compte, c’est l’envolée.”
Voyage à Camaret, où l'on croise Colette Audry (envie de lire La Statue, par la même occasion) ; voyage en Italie : Venise, Sienne, Florence, Rome, Pompéi...
Retour à Paris où la folie guette... Elle se laisse envahir par ses voisins et, peu à peu, la paranoïa. Elle se sent vampirisée, elle a l'impression que quelqu'un vient agir dans son appartement. La solitude, le manque, l'absence lui tournent la tête...
“C’est la plus grande erreur de mon existence, c’est une preuve de constance et de ténacité dont je ne me serais pas crue capable. C’est de la fidélité pour du vent.”
“J’en serai toujours aux premiers jours puisque j’attends. J’attends quoi? La Mer de Glace, qu’elle s’ouvre et se referme avec moi. Au fond, c’ est ce que j’attends.”
"Au revoir le ciel, adieu le ciel, pour ce que tu me donnais, pour ce que tu me donnes…"
“Je la veux régnant sur mon coeur. Elle exige quand même beaucoup de moi en ne me demandant rien.”
“J’ai un rendez-vous avec un maître de tortures quand je la quitte.”[/i]
Encore un grand livre, plein de souffle. Un plaisir à lire après L'Affamée, Ravages, de retrouver un côté moins romancé et plus autobiographique encore, de plonger dans ses folies. Quelle écrivaine attachante.
Kashima- Faux-monnayeur
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La folie en tête
“J’ouvrirai le sexe d’Isabelle, j’écrirai dedans avec mon encre bleue.”
Kashima- Faux-monnayeur
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La Folie en Tête
“12 octobre 1967 - Ma peine est silencieuse, ma peine est profonde : pas de nouvelles d’elle. J’ai reçu une lettre d’elle pour treize semaines d’absence. Je dois me rendre à l’évidence : c’est changé. Je ne peux pas lui écrire : je suis muette. Donc je suis douloureuse. Elle m’oublie. Pourquoi me rappellerais-je à son souvenir? Ma résignation est infinie. C’est comme si je parcourais mes champs de tristesse et de désolations avec un bâillon. Le désespoir est un carnaval comparé à ma résignation, à ma soumission. Me reverra-t-elle? Je me soumets déjà. Je vivrai sous un effondrement.”
— Violette Leduc, à propos de Simone de Beauvoir, passage inédit de La Folie en tête
— Violette Leduc, à propos de Simone de Beauvoir, passage inédit de La Folie en tête
Kashima- Faux-monnayeur
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La Folie en tête
“Elle n’avait rien à me donner. Je n’avais rien à lui demander. Mais entre le début et la fin de mes phrases, quel amour impossible j’apportais! J’ignorerai toujours ce que signifie le mot amour quand il s’agit de moi.”
Kashima- Faux-monnayeur
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La Folie en Tête
“Un craquement. Deux craquements. Le vampire de garde est à son poste. Où puis-je vivre en paix, fouine? Ils ont apporté des rats pour me détraquer, des rats travestis en vampire. Ma vie est finie, et je vivrai.”
Kashima- Faux-monnayeur
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