Violette Leduc, l'affamée
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Violette Leduc, l'affamée
Le film de Martin Provost raconte la vie de Violette Leduc entre 1942 et 1964. A travers huit chapitres, on la suit à partir du moment où elle se met à écrire son premier livre, L'Asphyxie, jusqu'à sa mort (mort non évoquée à l'écran, si ce n'est dans les passés qu'emploie Simone de Beauvoir à la radio).
Le personnage à l'écran est très attachant. Elle m'a beaucoup touchée, par sa solitude, son désir d'amour, de reconnaissance littéraire. Violette n'a pas ce qu'elle voudrait, ne l'aura jamais. Elle est obsédée par Simone de Beauvoir, amour impossible auquel se mêle l'admiration littéraire. Elle est une femme de lettres reconnue, ce que Violette n'est pas et voudrait être.
L’auteur du Deuxième Sexe la protège cependant, malgré sa froideur apparente et le recul qu'elle semble prendre parfois avec Violette. Mais on sent que, si elle la laisse faire, Violette ne saura pas se donner des limites. Au-dessus de son bureau sont épinglées des photos de celle qu'elle aime, Simone de Beauvoir.
Cette dernière tâche de lui faire comprendre que tout ce qui se détruit dans sa vie, ses obsessions à vide, ses frustrations doivent être maîtrisés par l'écriture qui construit, au contraire.
L'Affamée, Violette l'écrit pour dire son amour pour Simone de Beauvoir, et celle-ci lui répond plus tard, après l'avoir lu: "Je ne pensais pas que j'étais pour vous l'objet d'un tel amour." Elle est touchée par cet amour, mais il est lourd pour elle. On la sent attachée à Violette, mais elle ne saurait être une amante.
Violette veut être aimée, elle aime mais ne reçoit pas en retour ce qu'elle voudrait donner et ne donne pas. Elle est prise parfois de l'envie d'abandonner d'écrire, car "à quoi bon".
Les rapports avec sa mère aussi sont intéressants. La femme qu'elle décrit dans ses livres ne ressemble pas à la mère présente et aimante que l'on voit dans sa vie. Le manque est en Violette, elle attend trop des autres et de la vie pour ne pas être déçue.
On croise Jean Genet, ami de Violette Leduc ; Sartre est souvent évoqué.
Les deux actrices jouent vraiment très bien et nous offrent une belle histoire de vie d'écrivaine.
On ressort avec l'envie de la lire ou de la lire encore, tout comme Simone de Beauvoir.
Je vais lire L'Affamée, pas encore lu à ce jour. :
"Elle est belle. Elle est en Italie. Elle ne pense pas à toi. Le jour de son arrivée, elle ne te verra pas. Tu le sais. Je lui donnerai ma vie. Elle s'en fout. Elle sera dans la ville mais tu ne le sauras pas. C'est abominable. Je la tuerai. J'embrasserai ses deux mains que je rapprocherai. Elles ne sont pas plus intelligentes que moi, ses mains. Je reviendrai devant son immeuble. Le garçon de café lui parle. Le coiffeur touche ses cheveux. Ecrasez-moi, madame..."
A lire très prochainement aussi : Ravages et La Folie en tête.
Dernière édition par Kashima le Mar 21 Jan 2014 - 11:59, édité 1 fois
Kashima- Faux-monnayeur
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L'affamée
“J’ai lu L’Affamée. C’est ce que vous avez écrit de plus beau, de plus fort. Mais je ne m’attendais pas à être l’objet de tant d’amour.”
—
Simone de Beauvoir à Violette Leduc
Violette de Martin Provost
—
Simone de Beauvoir à Violette Leduc
Violette de Martin Provost
Sur la 4e de couverture, il est écrit que "l'Affamée est la description de l'Amour". On n'en saura pas plus à moins d'ouvrir le livre.
L'écriture est très simple, très rapide, les phrases sont courtes, et elle contient une fulgurance poétique. Le manque, l'obsession, l'amour et la souffrance tendent le style de Violette Leduc.
Sans la nommer, elle aime, elle attend sans cesse une femme (on sait que cette femme est Simone de Beauvoir). Elle attend les moments où elle la rencontre au café, elle redoute ses départs. Le manque d'elle est atroce, elle attend quelque chose qui n'arrivera jamais. C'est un amour fou, torturant, obsédant, irréalisé.
L'attente est insupportable, on la ressent physiquement avec elle :
Comment se faire aimer...?
“Mendier autre chose que l’argent est impossible.”
“Devenir exceptionnelle pour la retenir un peu.”
Les images sont fortes et souvent brutales. Elle se souvient des truites qu'elle a cuisinées un jour et qui font maintenant partie d'elle ; elle pense à l'animal qu'on enferme dans un sac pour le noyer, sa douleur est à l'identique de la pierre qui fera couler ce sac au fond de l'eau...
“Quand j’ai été lâche avec quelqu’un, je souhaite le faire assassiner avec tout son entourage.”
Exemple de la beauté fulgurante de certaines phrases :
“J’entends encore le chat-huant qui chahute le silence.”
Lorsqu'elle la rencontre, la douleur de l’absence s'envole et n'a jamais existé, c'est une douleur qu'on oublie aussitôt :
“Je ne rêve plus car elle est là. Son arrivée est prestigieuse. Son absence n’a jamais eu lieu. Elle est là.”
L'amour ne se raisonne pas :
“J’appartiens, malgré moi, à la race inutile des glaciers.”
“Qu’est-ce que tu veux, larve du renoncement? Prépare-toi : la dalle lourde va retomber sur ton estomac.”
Son manque s'exprime en ces mots :
Un jour, "elle" lui annonce son départ qui durera trois mois. La douleur est intenable, Violette ressent profondément le manque déjà et elle ne sait comment le faire taire. Elle se noie dans le monde d'un café, elle essaie de se laisser happer par ce qu'elle voit, par les bruits, la foule, mais toujours, en une phrase, "Madame" revient dans sa tête :
“Je ne peux pas l’empêcher de partir. Je ne serai jamais le caillou dans sa chaussure.”
“Je désire la salive de celle qui partira.”
“Elle partira. Dans ma tête se refait une aurore de condamné à mort.”
Kashima- Faux-monnayeur
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L'affamée
Simone de Beauvoir va la revoir avant son départ. Elle lui donne rendez-vous pour le déjeuner, mais Violette pense déjà à l'absence :
“Elle est là, j’ai le frisson initial des concerts symphoniques.”
“Mais les hosties sont des étoiles sur le front des fous.”
“Pendant que j’écoute l’heure et le jour du rendez-vous, c’est cosmique tellement c’est important.”
“Elle dit : “Nous déjeunerons ensemble.” Déjeuner ensemble est une punition. Je veux dîner avec elle, c’est plus long.”
“Monstre, elle a les mêmes besoins que toi mais elle les a ailleurs.”
“Pendant qu’elle secouait mon bras, j’étais la souris qui tombe dans la petite tombe creusée sa mesure.”
“Elle est dans ma ville mais la voici au-delà de l’absence.”
“Elle est là, j’ai le frisson initial des concerts symphoniques.”
“Mais les hosties sont des étoiles sur le front des fous.”
“Pendant que j’écoute l’heure et le jour du rendez-vous, c’est cosmique tellement c’est important.”
“Elle dit : “Nous déjeunerons ensemble.” Déjeuner ensemble est une punition. Je veux dîner avec elle, c’est plus long.”
“Monstre, elle a les mêmes besoins que toi mais elle les a ailleurs.”
“Pendant qu’elle secouait mon bras, j’étais la souris qui tombe dans la petite tombe creusée sa mesure.”
“Elle est dans ma ville mais la voici au-delà de l’absence.”
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Re: Violette Leduc, l'affamée
“C’est difficile d’abréger volontairement sa présence.”
“Quand je lui téléphone, elle continue de m’intimider. Elle déclare l’heure de notre rencontre et l’heure se noie. Je n’ose pas redemander. Le jour de la rencontre, l’heure est devenue un mythe.”
“Je danse une danse de derviche tourneur qui signifie qu’elle est heureuse.”
Et la dernière phrase du roman :
“Aimer est difficile mais l’amour est une grâce.”
Un livre sublime et qui est écrit avec le ventre.
“Quand je lui téléphone, elle continue de m’intimider. Elle déclare l’heure de notre rencontre et l’heure se noie. Je n’ose pas redemander. Le jour de la rencontre, l’heure est devenue un mythe.”
“Je danse une danse de derviche tourneur qui signifie qu’elle est heureuse.”
Et la dernière phrase du roman :
“Aimer est difficile mais l’amour est une grâce.”
Un livre sublime et qui est écrit avec le ventre.
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Ravages, Violette Leduc
Dans la première partie, Thérèse rencontre un homme au cinéma et lui fait des avances. Ils passent la soirée ensemble, mais elle refuse de se donner complètement, ne prenant l'homme qu'avec sa bouche dans un taxi.
“Je ne peux pas. Je me veux jeune fille jusqu’à la fin, je me veux séparée d’eux, je me veux hors d’atteinte. Je ne veux pas qu’ils entrent dans mon trésor. Quand Cécile sera partie, je serai seule, j’irai avec ma pieuvre assoupie dans mes entrailles, j’entrerai dans l’eau, je marcherai au devant des vagues qui me creuseront et me prendront. Je ne veux pas me joindre au troupeau, je ne veux pas me perdre, je ne veux pas m’oublier, je ne veux pas être leur carpette. Je m’aime jeune fille. Je veux être une tombe surplombant la mer. Une vierge d’ébène en moi vieille. Je veux être honnête avec elle.”
Dans la chambre, elle lui raconte qu'elle a aimé Isabelle (cf. Thérèse et Isabelle) mais qu'elles ont été séparées de force.
Depuis, elle aime Cécile, institutrice avec qui elle compte vivre.
“Quand je suis heureuse, je m’élève au-dessus de moi-même, je me durcis.”
“Que je serais désespérée si j’aimais cet arbrisseau.”
Elle ne veut pas se donner à lui.
“Je ne peux pas. Je me veux jeune fille jusqu’à la fin, je me veux séparée d’eux, je me veux hors d’atteinte. Je ne veux pas qu’ils entrent dans mon trésor. Quand Cécile sera partie, je serai seule, j’irai avec ma pieuvre assoupie dans mes entrailles, j’entrerai dans l’eau, je marcherai au devant des vagues qui me creuseront et me prendront. Je ne veux pas me joindre au troupeau, je ne veux pas me perdre, je ne veux pas m’oublier, je ne veux pas être leur carpette. Je m’aime jeune fille. Je veux être une tombe surplombant la mer. Une vierge d’ébène en moi vieille. Je veux être honnête avec elle.”
“Je ne peux pas. Je me veux jeune fille jusqu’à la fin, je me veux séparée d’eux, je me veux hors d’atteinte. Je ne veux pas qu’ils entrent dans mon trésor. Quand Cécile sera partie, je serai seule, j’irai avec ma pieuvre assoupie dans mes entrailles, j’entrerai dans l’eau, je marcherai au devant des vagues qui me creuseront et me prendront. Je ne veux pas me joindre au troupeau, je ne veux pas me perdre, je ne veux pas m’oublier, je ne veux pas être leur carpette. Je m’aime jeune fille. Je veux être une tombe surplombant la mer. Une vierge d’ébène en moi vieille. Je veux être honnête avec elle.”
Dans la chambre, elle lui raconte qu'elle a aimé Isabelle (cf. Thérèse et Isabelle) mais qu'elles ont été séparées de force.
Depuis, elle aime Cécile, institutrice avec qui elle compte vivre.
“Quand je suis heureuse, je m’élève au-dessus de moi-même, je me durcis.”
“Que je serais désespérée si j’aimais cet arbrisseau.”
Elle ne veut pas se donner à lui.
“Je ne peux pas. Je me veux jeune fille jusqu’à la fin, je me veux séparée d’eux, je me veux hors d’atteinte. Je ne veux pas qu’ils entrent dans mon trésor. Quand Cécile sera partie, je serai seule, j’irai avec ma pieuvre assoupie dans mes entrailles, j’entrerai dans l’eau, je marcherai au devant des vagues qui me creuseront et me prendront. Je ne veux pas me joindre au troupeau, je ne veux pas me perdre, je ne veux pas m’oublier, je ne veux pas être leur carpette. Je m’aime jeune fille. Je veux être une tombe surplombant la mer. Une vierge d’ébène en moi vieille. Je veux être honnête avec elle.”
Dans la deuxième partie, Thérèse a emménagé avec Cécile, mais elle ne se plaît pas dans la maison. Elle se sent dévorée par les puces, elle est insupportable avec Cécile, l'empêche de dormir. Un jour, Marc retrouve Thérèse. Il vient frapper à la porte de leur maison. Thérèse est troublée et heureuse de le revoir, elle n'avait cessé de penser à lui.
Alors qu'il tombe gravement malade, elle s'occupe de lui tout le temps. Elle devient infecte avec Cécile, allant jusqu'à lui dire qu'elle ne l'aime pas. Elle est lointaine, désagréable, ne répond pas à son désir. Elle se force, joue la comédie. Sa tête est avec Marc.
“Je veux être une tombe surplombant la mer.”
“Elles me rendent folle. J’ai peur d’une puce, j’ai peur de tout. Quelque chose va arriver.”
“Elle fendait la glace à coups de marteau. La glace s’émiettait, mes efforts pour l’aimer retombaient en miettes.”
“Elle vient, elle tombe aussi, elle m’écrase. Je l’aime honnêtement jusqu’à une heure du matin. Mes mains sont scrupuleuses. Je donne, je donne pour l’oublier. Cécile gémit, Cécile est crédule. Je m’interromps - la lune est au milieu de la fenêtre - je me dresse : c’est la face ronde de ma lucidité, c’est la pâleur des morts qui se sont aimés.”
“Je donne, je donne encore. Je donne avec l’espoir que je deviendrai folle. C’est le plaisir avec personne. Je donne et je récolte la rosée que je n’avais pas souhaitée. Cécile me croit généreuse. Je suis affligée. Il est probable que je l’aime mais je l’aime ailleurs.”
“Il y a deux privilégiés et un malheureux quand on est trois.”
“À quelle hauteur finirai-je? Quand cesserai-je de lui mettre de la glace sur le coeur?”
Et puis, quand elles se séparent, Cécile commence à vraiment lui manquer.Thérèse a quitté la maison, elle lui écrit, elle attend ses lettres qui ne viennent pas ou très peu :
“Il me semblait que je parviendrais à me jeter dans l’amour comme on se jette dans la Seine.”
“Elle jettera une épingle dans l’herbe, je me mettrai à quatre pattes dans le sentier pour une épingle que Cécile aura jetée.”
“Je l’embrasserais jusqu’à ce qu’elle en meure. Mais c’était comme si je m’embrassais moi-même sur les lèvres.”
“Cécile respire la rose de l’absence. Je l’ai quittée. Elle s’en fiche. “Je fais ma classe en pensant à toi.” Si tu pensais à moi, tu m’écrirais tous les jours. Je l’aime et je ne crois plus en elle.”
“Pourquoi perdu? Si vous ne recevez rien, c’est qu’on ne vous envoie rien.”
Thérèse décide d'aller la retrouver à l'école. Elle prend une chambre d'hôtel et espère tout de leur entrevue. Elle l'aime, elle veut qu'elle revienne avec elle. Mais Cécile lui avoue être amoureuse de quelqu'un d'autre. Le monde de Thérèse s'écroule...
“J’irai chercher Cécile à son école, je la ramènerai ici. Je ne veux plus de la maison dans laquelle je ne l’aimais pas. Je veux un changement. Je veux qu’elle me reconnaisse et que je lui apparaisse dans le cadre neuf. La chambre d’hôtel m’aidera, la chambre d’hôtel y mettra du sien.”
“Groom, méprisez-moi autant que vous voudrez. Moi, je prépare mes fiançailles.”
“Un être que l’on finit d’aimer ne s’évanouit pas comme une bulle. Elle accouchait de son nouvel amour pour l’autre, elle m’aimait encore en aimant ailleurs.”
“J’attendais, j’espérais. J’espérais si fort que c’était comme si tu m’avais aimée. Sinon comment l’aurais-je supporté? Il n’y a que les fous qui se contentent d’attendre.”
“Je me demandais si je l’égorgerais pour l’avoir.”
“- Il y a un cheveu sur ton épaule.
- Laisse ce cheveu, supplia Cécile.
- C’est un cheveu de toi, dis-je.
J’avais menti. Cécile me remercia avec un bon regard.
J’emportai le cheveu roux. Je le noyai dans la cuvette comme j’aurais noyé une punaise.”
“Je voudrais être assise dans un cimetière, je voudrais que le froid me prenne.”
“La cage glissait, la cage emportait la femme qui ne voulait pas se laisser aimer.”
Dans la dernière partie, trois ans ont passé. Thérèse vit avec Marc qu'elle a retrouvé. Elle veut se marier avec lui, elle est folle de lui au point qu'elle est insupportable encore. Elle le harcèle, ne veut jamais le quitter, l'envahit, l'étouffe. Elle a une peur atroce d'être quittée.
“J’eus un souvenir d’hallali dans mon ventre.”
“J’écrivais partout je ne veux pas qu’on me quitte. Dans le bas des contrats à signer, dans la marge des résumés, sur les buvards, partout où je pouvais l’écrire.”
“Viens mon miserere, viens que je te chante dans la chambre. Il vient et je retombe sur mon amour. Je suis vierge, je suis une larme qui tremble.”
“Une heure d’absence, une heure. C’est comme s’il y avait dix ans que je t’attendais, mon amour.”
“Je songeai aux rats, j’enviais les damnés à l’abri avec les ordures.”
Un jour, pourtant, à l'issue d'une nuit d'amour, il lui dit qu'il n'en peut plus : ils doivent se séparer.
Thérèse doit accepter cette absence :
“J’étais la promise de mademoiselle la solitude aux yeux de verglas. “Si je guéris, mademoiselle, nous aurons froid ensemble sur une table d’altitude. C’est là que nous nous allongerons et que nous nous serrerons.””
“Mon amour finit dans une forêt, novembre s’épanche sur les trépassés. Mon tas d’amour, mon tertre de feuilles mortes.”
“J’ai de l’indifférence dans le sang. Au rendez-vous des pigeons : c’est mon nom. Les colombes s’ aiment sur mon coeur. Moi je n’aime plus.”
J'ai espéré le retour, la réapparition de Cécile, mais elle était bel et bien perdue.
Kashima- Faux-monnayeur
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La folie en tête
La Folie en tête est un livre des obsessions. Violette Leduc revient sur sa passion pour Simone de Beauvoir, ses rendez-vous avec elle tous les quinze jours, son écoute, son attention. Autour d'elle, il y a Nathalie Sarraute que fréquente aussi Violette. Alors que Simone de Beauvoir n'exige rien d'elle, Violette se comporte intérieurement comme une amoureuse exclusive : elle ne lui raconte pas ses relations avec les autres pour ne pas provoquer une jalousie qui ne peut pourtant pas exister! Aux autres, elle parle beaucoup de Simone de Beauvoir.
Première apparition, première rencontre au Flore.
“Aimes-tu revenir dans une église pour le nom d’une inconnue gravé sur un prie-Dieu? J’aime, j’aime.”
“Son prénom et son nom dans ma bouche, la pudique amande dans l’écorce.”
“Elle ose s’excuser pour cinq minutes de retard, elle ose. Ne me parlez pas d’égale à égale, vous m’offensez ; vous m’abaissez en vous abaissant.”
“C’était douillet de se croire un puceron efficace.”
“Elle me dit bonjour. Je compte les clairières dans le ciel pendant les mois d’hiver.”
“Je vis et je vois. Je vis de quoi? D’un tremblement. Je vois quoi? Le soleil, il danse dans une bourrasque de poussière.”
“Après ce sera l’indifférence des cartes de géographie sur tous les visages.”
“J’ai peur, j’aurai toujours peur de la perdre. Une seule solution : balayer les autres.”
“Les heures passent, la nuit est tombée, les rats m’attendent, les souris m’espèrent.”
“Son arrivée, une légende à qui je donnerais une poignée de main. Il y a tant de façons de faire l’amour. Je le fais avec un spectacle : un être vient vers moi. Je la tiens à ma merci, elle vient. Elle venait, elle me rendait la beauté qui m’avait fait trembler.”
“L’attente est une revanche sur l’avenir. L’avenir, je lui tordrai le cou quand elle arrivera.”
“Écrire, écrire… chirurgie. Vous disséquez, vous guérissez qui?”
“C’est vrai, je ne résiste pas à l’abscons? L’abscons, c’est mon superflu d’amour.”
“Il y a des êtres qui meurent plus que les autres.”
“Je ne désire pas un de ses ongles, pas un de ses cheveux. Qu’est-ce que je désire d’elle? Rien, oh! rien. Je ne veux pas la perdre.”
“Je peux rire et chanter, m’étourdir et m’enivrer, je peux me distraire, étudier, lire ou sombrer, je peux aimer un autre être mais elle j’habite et m’habitera toujours. Est-ce que je me tuerais si elle m’abandonnait? Ce serait pire : je languirais. (…) Notre malheur, notre grand malheur, c’est celui-ci : nous voulons nous rassasier.”
“Parler d’elle à chaque page, sans la nommer, c’était me jeter sur ses yeux comme je me serais jetée sur des phares d’auto la nuit.”
Violette ne peut s'empêcher de parler d'elle à sa mère. Deux mots de Simone de Beauvoir sont des merveilles. Elle veut entendre son éloge dans la bouche des autres, qu'on lui parle d'elle :
“- Elle est belle… tu ne trouves pas qu’elle est belle?
- Oui elle est belle.
- Comme elle a été gentille, comme elle est humaine…
- Oui, très gentille, elle a dit deux mots.”
“Je me demande où est l’instant. Le passé dévore le présent, ils glissent l’un et l’autre dans le fourreau de l’avenir.”
“On a beau se contrôler, se dominer, prospérer, soudain glissent sur vos joues des larmes noires, vous n’êtes que le plus petit des graviers sous le goudron fumant.”
Simone de Beauvoir permet à Violette Leduc de voir sa première publication, L'Asphyxie, chez Gallimard. Elle est tracassée par son peu de succès, le fait que son livre n'intéresse personne.
Elle rencontre Jean Genet, se prend de passion pour lui dès la lecture du Miracle de la Rose prêté par Simone de Beauvoir. Elle l'adore, mais une brouille va naître entre eux car elle n'a pas aimé Les Bonnes. Elle courra longtemps derrière lui et son affection.
Violette à Jean Genet :
“Pourquoi tiens-tu tant de place dans mon existence? Tu m’envahis, tu es un soleil cruel qui n’épargne rien.”
“Une étincelle, je ne vous en demande pas plus. Suis toute mouillée de peine. Recrudescence, accalmie, recrudescence. Vous voulez de moi? Je parle à qui? A tout ce qui est inerte. Je suis toute trempée de peine, je suis un entassement de peine.”
“Je n’aurai pas honte de ce que j’écrirai. Celui qui donne ne devient pas fou.”
“À genoux près de son lit, je lui demandais pardon pour ce qu’il m’avait fait.”
L'écriture occupe ses journées, trois heures environ, pas plus. Elle s'interroge beaucoup sur le fait d'écrire.
Elle entre en correspondance avec des lycéens, Patrice, et rencontre quelquefois dans un hôtel un ami à lui, Flavien, jeune homme aux migraines très étrange...
“Ne vous pressez pas d’écrire si ce désir d’écrire n’est pas irrésistible. Aimer, en crever, faire l’amour, c’est se préparer à écrire.”
“Elle travaille, je gaspille ; j’use mes forces pour mes débauches et mes orgies sentimentales. Pourquoi l’importunerais-je avec mes égarements? Elle n’est pas une amie intime, je ne la connais pas assez pour l’emmener dans mes cirques tragiques, sur mes manèges dramatiques. Elle refuserait. Je lui raconterais tout si elle n’était pas admirable.”
"C’est déjà du passé. Il a vu le monstre, il l’a enjambé. Pas un réflexe, pas un mouvement, pas une expression. Il a tout gardé, quelle classe!"
Violette rencontre Patrice pour la première fois.
“J’ai dans la tête une percée de cri d’alouette, c’est l’espoir à longue portée, c’est la lucidité.”
“Venir se morfondre dans la plus belle chambre du meilleur hôtel de la ville… Je suis une rêveuse, j’ai ce que je mérite.”
“L’espoir fait vivre, qui sait… Nous allons peut-être nous dissoudre dans une étreinte.”
“Je devrais lui répondre non. J’écrirai oui. Quoi de plus éprouvant qu’un débat pour lequel nous connaissons la mauvaise solution à l’avance?”
"Je ne peux pas raisonner la femelle qui mendigote. Un enfer se disloquait sous mes paupières. J’embrassais, j’embrassais."
“Est-ce cela, l’amour qui finit à l’hôpital psychiatrique?
- Vous me troublez avec votre solitude et vos maux de tête.”
L'obsession, c'est aussi Jacques. Cet homme riche a publié L'Affamée en édition de luxe. Violette est obsédée par lui, elle l'aime, mais il est homosexuel lui aussi, comme presque tous les hommes de sa vie. C'est une torture qui ne la quitte pas, le désir de sa présence.
Elle décide de faire rejaillir ses souvenirs, d'écrire son histoire avec Isabelle, avec Gabriel (Marc de Ravages), avec Cécile.
“Tu n’en croirais pas tes yeux : j’ouvre ma boîte crânienne, je t’enferme, je baisse le couvercle.”
“Elle est entrée, ma reine débraillée, elle m’a forcée. Pourquoi l’ai-je aimée, adorée? Jusque là j’étais farouchement solitaire. (…) J’ouvrirai le sexe d’ Isabelle, j’écrirai dedans avec mon encre bleue.”
“Elle ne cède pas à mes phantasmes - elle appelle phantasme la griffe d’un tigre -, il me semble qu’elle m’abandonne.”
“Je rêve ou bien on a frappé? Je m’épouse où rien n’existe. On frappe. Impossible, mon doigt se marie. Le grand mariage pour la grande absence.”
“Fuyez-moi, je vous fuis. Un coeur gros comme une mappemonde pour les drames et les tragédies, un sexe profond comme une outre, pas le moindre espoir? Pas le moindre. A la ferraille, le coeur et le sexe.”
“Fadaises éternelles. L’amour, c’est rococo. Je vois trop.”
"Je m’assassinerai avec quoi? Avec mes nids pour toi."
“Ecrire une heure ou écrire douze heures revient au même. Ce qui compte, c’est l’envolée.”
Voyage à Camaret, où l'on croise Colette Audry (envie de lire La Statue, par la même occasion) ; voyage en Italie : Venise, Sienne, Florence, Rome, Pompéi...
Retour à Paris où la folie guette... Elle se laisse envahir par ses voisins et, peu à peu, la paranoïa. Elle se sent vampirisée, elle a l'impression que quelqu'un vient agir dans son appartement. La solitude, le manque, l'absence lui tournent la tête...
“C’est la plus grande erreur de mon existence, c’est une preuve de constance et de ténacité dont je ne me serais pas crue capable. C’est de la fidélité pour du vent.”
“J’en serai toujours aux premiers jours puisque j’attends. J’attends quoi? La Mer de Glace, qu’elle s’ouvre et se referme avec moi. Au fond, c’ est ce que j’attends.”
"Au revoir le ciel, adieu le ciel, pour ce que tu me donnais, pour ce que tu me donnes…"
“Je la veux régnant sur mon coeur. Elle exige quand même beaucoup de moi en ne me demandant rien.”
“J’ai un rendez-vous avec un maître de tortures quand je la quitte.”[/i]
Encore un grand livre, plein de souffle. Un plaisir à lire après L'Affamée, Ravages, de retrouver un côté moins romancé et plus autobiographique encore, de plonger dans ses folies. Quelle écrivaine attachante.
Dernière édition par Kashima le Ven 23 Mai 2014 - 17:04, édité 3 fois
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La Chasse à l'amour, Violette Leduc
Le livre s'ouvre sur une folie : la lame de rasoir coupera-t-elle les veines? Violette meurt de chagrin, et elle voudrait mourir:
La Chasse à l'amour est le dernier livre de Violette Leduc. Elle voulait écrire une suite mais elle est morte avant. L'avant-propos de Simone de Beauvoir est touchant.
La Chasse à l'amour fait suite à la Folie en tête. Violette tombait dans une folie de persécution, et c'est ce qu'on retrouve dans les premières pages de ce livre où elle croit que des gens s’introduisent chez elle, elle croit au vampire au plafond, à la présence de Jacques dans le grenier. Elle aime Jacques à la folie, comme Simone de Beauvoir.
“Tu m ennuies, miroir. Ta boucherie manque de fantaisie.”
“Elle vit dans le monde des idées. Je vis dans le monde des ressassements.”
“Le grand médecin serait celui qui me dirait le nom de mes ennemis. Je saurais enfin qui me détériore dans l’infiniment petit.”
"Je suis une fontaine publique. Je coule jour et nuit.
Je suis un saule pleureur.”
Dernière édition par Kashima le Mar 6 Mai 2014 - 16:36, édité 1 fois
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La Chasse à l'amour, documentaire Violette Leduc
Documentaire sur Violette Leduc ce soir sur Arte, annoncé par Le Monde :
Il aura fallu attendre dix-huit ans pour qu’enfin, en 1964, Violette Leduc (1907-1972) connaisse, avec La Bâtarde, premier volet d’une trilogie autobiographique préfacée par Simone de Beauvoir, un immense succès public. Dix-huit ans, pour que l’époque accepte d’entendre une voix unique, poétique, intransigeante, tendue par le désir rageur de comprendre et de se comprendre sans faux-fuyant.
Une voix qui par-delà le temps continue d’exercer sa fascination auprès d’un cercle de lecteurs fidèles, mais aussi d’écrivains tels Nina Bouraoui, Annie Ernaux, Virginie Despentes ou René de Ceccatty, qui lui a consacré un merveilleux essai (Eloge de la Bâtarde, Stock, 2013), et également d’un cinéaste, Martin Provost, auteur à l’automne de Violette, qui relatait, de la rédaction de L’Asphyxie, en 1946, au triomphe de La Bâtarde, l’éclosion non sans douleur d’un écrivain.
FRILOSITÉ D’UNE ÉPOQUE
Après ce film remarquablement interprété par Emmanuelle Devos, on ne pouvait que se réjouir qu’un documentaire vienne à son tour compléter ce travail de mise en lumière d’un auteur qui a bousculé, sinon bouleversé, la littérature féminine et les écrits autobiographiques. Car sa revanche, c’est bien par l’écriture que Violette Leduc l’aura prise audacieusement, courageusement, somptueusement.
Certes, s’il n’est pas aisé de tracer le portrait d’un écrivain qui a fait de sa vie son matériau premier ; s’il faut de ce fait user sans doute d’un angle singulier pour éviter le récit platement linéaire, la singularité recherchée n’impose pas de gommer totalement les repères biographiques, comme le fait Esther Hoffenberg dans son film. Sauf à vouloir le destiner au seul cercle des lecteurs avertis. Sinon comment comprendre une démarche radicale qui confond jeu de piste et linéarité et n’offre pas le début d’un petit éclairage didactique qui aurait permis au spectateur de s’y retrouver ?
Sans doute est-ce pour ne par alourdir le caractère poétique et esthétique de son propos qu’Esther Hoffenberg ne l’encombre ni d’indications chronologiques, pourtant utiles pour comprendre la frilosité d’une époque par rapport à un auteur qui a subi la censure ; ni d’un commentaire à travers lequel elle aurait pu préciser, par exemple, qui était Maurice Sachs, grâce auquel Violette Leduc s’engagea dans l’écriture de son premier livre, Asphyxie. Ou encore indiquer d’où sont tirés les extraits lus par Dominique Reymond qui ponctuent les témoignages de proches – plutôt anecdotiques – ou les analyses des universitaires et des écrivains. Si tant est que l’objet de son film ait été de faire découvrir et donc lire l’auteur de La Chasse à l’amour.
Mais voilà, pour cela, il aurait fallu un peu plus d’ouverture, de didactisme et de vrai partage. En un mot, de générosité. Parier sur l’intelligence du spectateur est une chose, rester dans l’entre-soi en est une autre.
https://edencash.forumactif.org/t1066-violette-leduc-l-affamee#9835Il aura fallu attendre dix-huit ans pour qu’enfin, en 1964, Violette Leduc (1907-1972) connaisse, avec La Bâtarde, premier volet d’une trilogie autobiographique préfacée par Simone de Beauvoir, un immense succès public. Dix-huit ans, pour que l’époque accepte d’entendre une voix unique, poétique, intransigeante, tendue par le désir rageur de comprendre et de se comprendre sans faux-fuyant.
Une voix qui par-delà le temps continue d’exercer sa fascination auprès d’un cercle de lecteurs fidèles, mais aussi d’écrivains tels Nina Bouraoui, Annie Ernaux, Virginie Despentes ou René de Ceccatty, qui lui a consacré un merveilleux essai (Eloge de la Bâtarde, Stock, 2013), et également d’un cinéaste, Martin Provost, auteur à l’automne de Violette, qui relatait, de la rédaction de L’Asphyxie, en 1946, au triomphe de La Bâtarde, l’éclosion non sans douleur d’un écrivain.
FRILOSITÉ D’UNE ÉPOQUE
Après ce film remarquablement interprété par Emmanuelle Devos, on ne pouvait que se réjouir qu’un documentaire vienne à son tour compléter ce travail de mise en lumière d’un auteur qui a bousculé, sinon bouleversé, la littérature féminine et les écrits autobiographiques. Car sa revanche, c’est bien par l’écriture que Violette Leduc l’aura prise audacieusement, courageusement, somptueusement.
Certes, s’il n’est pas aisé de tracer le portrait d’un écrivain qui a fait de sa vie son matériau premier ; s’il faut de ce fait user sans doute d’un angle singulier pour éviter le récit platement linéaire, la singularité recherchée n’impose pas de gommer totalement les repères biographiques, comme le fait Esther Hoffenberg dans son film. Sauf à vouloir le destiner au seul cercle des lecteurs avertis. Sinon comment comprendre une démarche radicale qui confond jeu de piste et linéarité et n’offre pas le début d’un petit éclairage didactique qui aurait permis au spectateur de s’y retrouver ?
Sans doute est-ce pour ne par alourdir le caractère poétique et esthétique de son propos qu’Esther Hoffenberg ne l’encombre ni d’indications chronologiques, pourtant utiles pour comprendre la frilosité d’une époque par rapport à un auteur qui a subi la censure ; ni d’un commentaire à travers lequel elle aurait pu préciser, par exemple, qui était Maurice Sachs, grâce auquel Violette Leduc s’engagea dans l’écriture de son premier livre, Asphyxie. Ou encore indiquer d’où sont tirés les extraits lus par Dominique Reymond qui ponctuent les témoignages de proches – plutôt anecdotiques – ou les analyses des universitaires et des écrivains. Si tant est que l’objet de son film ait été de faire découvrir et donc lire l’auteur de La Chasse à l’amour.
Mais voilà, pour cela, il aurait fallu un peu plus d’ouverture, de didactisme et de vrai partage. En un mot, de générosité. Parier sur l’intelligence du spectateur est une chose, rester dans l’entre-soi en est une autre.
Kashima- Faux-monnayeur
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Les Amis de Violette Leduc
Les amis de Violette Leduc, l’association, c'est ici :
http://violetteleduc.net/membres-de-lassociation/
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Kashima- Faux-monnayeur
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Thérèse et Isabelle
“Elle foulait mon coeur, mon ventre, mon front avant d’entrer. Une ville-lumière venait vers moi. Ce sera une féerie écrasante.”
Thérèse et Isabelle, quelques années plus tard...
Le début de Ravages qui avait été censuré.
“J’écoutais ton coeur. Quelle prison!… Tu l’écoutes aussi?”
“J’entrais dans sa bouche comme on entre dans la guerre : j’espérais que je saccagerais ses entrailles et les miennes.”
“Pourquoi ne suis-je pas la chevelure du saule pour sa main qui caresse mes cheveux?”
“Isabelle était avide. Je ne l’aidais pas. Je jouissais de la convoitise d’une reine débraillée.”
“J’avais déclaré la guerre dans sa bouche, j’avais été vaincue.”
“Je veloutai le prénom d’Isabelle avant de le prononcer, j’écoutai dans mon esprit l’intonation de la phrase que je lui dirais.”
“Le mouvement se fit sans nous : nos doigts rêvaient. J’assouplis les trépassés, je suis ointe jusqu’aux os avec les huiles païennes.”
“J’avais un carambolage de nuages dans mes entrailles. Mon cerveau était fou d’avidité.
- Tu es belle…”
“Tu es belle… C’est bizarre… Je n’ose plus regarder.”
Les derniers mots :
“- Tu viendras tous les soirs?
- Tous les soirs.
- Nous ne nous quitterons pas?
- Nous ne nous quitterons pas.
Le mois suivant ma mère me reprit. Je ne revis jamais Isabelle.”
Pour prolonger, il existe aussi le film tiré du livre. Le principe : Thérèse revient dans l'ancien pensionnat où elle a aimé Isabelle :
Kashima- Faux-monnayeur
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La Bâtarde, Violette Leduc
Violette Leduc connaît le succès sur le tard avec La Bâtarde.
Elle raconte tout, de son enfance à ses premiers pas en écriture, poussée par Maurice Sachs. Le film Violette commence d'ailleurs aux dernières pages de La Bâtarde, avec le marché noir et les premiers écrits, quand Violette part en voyage avec l'écrivain Maurice Sachs, homosexuel dont elle est éprise (elle aimera du même amour Jean Genet et Jacques, dont elle parle tant dans La Chasse à l'amour). A force d'entendre rabâcher les histoires sur sa mère, il lui conseille de consigner tout cela par écrit.
“Je ne serais pas rassasiée s’il me parlait pendant dix mille ans, je ne serais pas écoeurée si la nuit durait vingt mille ans.”
Premiers mots échangés avec lui :
“Que pensez vous de l’amour?
- Beaucoup de bien et beaucoup de mal. Et vous?”
Sachs lui dit, un jour qu'il est alité et qu'elle s'inquiète pour lui, à Paris :
“Apprenez, ma chère enfant, que rien n’est grave. On ne peut même pas mourir de faim. Retenez-le. Ma maladie? J’aime : voilà ma maladie.”
Avant de connaître Isabelle, Violette éprouve ses premiers émois pour Aline :
Il y a eu Isabelle (avec de très beaux passages érotiques, encore plus forts que dans Thérèse et Isabelle) :
“Dès que j’avais trouvé mon nid dans le lit froid, je l’oubliais, mais si je m’éveillais, je la cherchais pour la détester.”
“Les lèvres entrouvrirent les miennes, mouillèrent mes dents. La langue trop charnue m’effraya : le sexe étrange n’entra pas. J’attendais absente et recueillie. Les lèvres se promenèrent sur mes lèvres. Mon coeur battait trop haut et je voulais retenir ce scellé de douceur, ce frôlement neuf. Isabelle m’embrasse, me disais-je. Elle traçait un cercle autour de ma bouche, elle encerclait le trouble, elle mettait un baiser frais dans chaque coin, elle déposait deux notes piquées, elle revenait, elle hivernait.”
“Je voulais que, serrée sur mon coeur béant, Isabelle y pénétrât. L’amour est une invention harassante. Isabelle, Violette, disais-je en pensée pour m’habituer à la simplicité magique des deux prénoms.”
“Je voudrai ce qu’elle voudra si les pieuvres paresseuses me quittent, si dans mes membres cesse le glissement des étoiles filantes. J’espère un déluge de rochers.”
“J’aimais : je n’avais pas d’abri. Je n’aurais que des sursis entre nos rendez-vous.”
“Elle embrassait ce qu’elle avait caressé puis, de sa main légère, elle ébouriffait, elle époussetait avec le plumeau de la perversité. La pieuvre dans mes entrailles frémissait. Isabelle buvait au sein droit, au sein gauche. Je buvais avec elle, je m’allaitais de ténèbres quand sa bouche s’éloignait. Les doigts revenaient, encerclaient, soupesaient la tiédeur du sein, les doigts finissaient dans mon ventre en épaves hypocrites. Un monde d’esclaves qui avaient même visage que celui d’Isabelle, éventaient mon front, mes mains.”
“Le doigt royal et diplomate avançait, reculait, m’étouffait, commençait à entrer, vexait la pieuvre dans mes entrailles, crevait le nuage sournois, s’arrêtait, repartait.”
“Je me refusais à la moindre pensée, ainsi elle pourrait s’endormir aussi dans ma tête vide.”
“J’étais folle d’amour pour ce nouveau visage d’Isabelle : du flou.”
“J’exigeais d’elle l’impossible. Il y a des êtres qui sont notre plus grand risque.”
Les pages qui m'ont le plus touchée sont celles où Violette raconte sa rupture avec Hermine (Hermine qui était Cécile, rencontrée dans Ravages, et qui fut Denise Hertgès, son amour après Isabelle).
Leur rencontre a lieu à l'école alors qu'Hermine est surveillante. Leur liaison va être découverte et Hermine mutée.
“Isabelle, Hermine, mes candélabres lorsque je pars dans la crypte de la folie.”
“Le nom de son village, une preuve de printemps dans les mois à venir.”
“J’ai marié mes doigts avec les cheveux d’Hermine. L’amour. Les barreaux du temps tombèrent en poussière plusieurs heures.”
“Je devais devenir une putain : elle voulait être une martyre.”
Hermine prend soin d'elle, fait tout pour la rendre heureuse mais...
“J’étais lasse. J’avais besoin d’elle et j’avais besoin de l’hiver pour le sommeil de la terre.”
“Je t’en supplie. Je ne veux rien savoir. Sois heureuse chaque fois que tu peux l’être.”
Une fois qu’elle l'a vraiment perdue, Violette voudrait la retenir... Hermine est amoureuse d'une autre.
“Je pleurais d’amour pour elle, elle me reprochait mes larmes. (…) Ses désirs ressemblaient à des adieux.”
“Toute une vie était finie. Je serrais contre moi une femme sans bras. Une aveugle, une sourde, une muette. Reconquérir. J’y croyais et croyais aussi que les larmes sont des armes. (…) J’aurais eu une chance : la gaieté, parce que la gaieté est un piège. Je ne calculais pas. Je m’élançais vers elle avec les défroques de notre passé. J’aurais voulu la perdre que je ne l’aurais pas autant perdue. Plus elle détestait mes supplications, mes lamentations, mes délectations, plus je m’y vautrais.”
“J’avais pleuré du matin au soir pour qu’elle m’aime comme elle m’avait aimée.”
“Si je la questionnais longtemps, je récoltais toujours la même réponse :
- À quoi je pense? À sa bouche.
Je maudissais sa franchise.”
“Aimer, ne plus aimer, recommencer d’aimer le même être. L’amour, ce n’est pas une usine.”
“Non, lecteur, ma douleur n’est pas fabriquée. Je m’efforce d’éclaircir cette bouillie de désespoir lorsque Hermine me quitta. Nous souffrons, après nous nous aidons du vocabulaire.”
“Partisan de la métempsycose. Hermine est sur mon buffet, Hermine est une anémone au milieu du bouquet.”
“Pour se soulager avec ce qui a été, il faut s’éterniser.”
“J’avais travaillé jour et nuit à notre rupture, maintenant j’opérais sur mes ruines.”
Il est question de ses premiers métiers en tant que secrétaire dans des maisons d'édition, la chance des rencontres, du hasard qui la mèneront à l'écriture...
Elle reprend aussi son histoire avec Gabriel (Marc dans Ravages), son mariage (raté) avec lui :
“J’ai soif d’un mariage-express dans un western.”
Ce qui est intéressant quand on a lu les autres livres, c'est cette réécriture de faits connus, vus sous d'autres angles. Elle passe sous silence des choses déjà dites ou les redit, avec d'autres prénoms, d'autres décors aussi, et on est au coeur de l'écriture romanesque autobiographique.
“- Tu le revois quand?
- Jamais. Tu seras gentil?
- Je serai comme j’étais.
- Tu me quitteras?
- Évidemment je te quitterai.
- Tu veux que je meure?
- Je n’ai pas le temps.”
La première fois qu'on la lit, c'est parce qu'elle a écrit des textes pour des journaux. Premières palpitations d'écrivain (le bonheur, la fierté, la peur d'être lue). L'inquiétude de ne pas savoir s'y prendre aussi :
“On me lit, donc on me lira. On me sort, on me promène, on me serre près de la chaleur de l’aisselle. O morsure lorsque je m’approchai.”
“A la rigueur je pourrai me jeter dans la Seine si je ne peux pas inventer la première phrase.”
Et toujours de beaux éclats de poésie dans sa prose :
“Quand rencontrerai-je un cyclope? Je l’aimerai. Je lui présenterai un miroir, je lui dirai : Je vois deux roses dans le miroir. Je t’en prie, regarde : c’est toi, c’est moi.”
“Soulier, je t’enseignerai la ferveur.”
“Je ne me marierai pas! Je serai libraire!”
“Je vivotais pour l’ascension d’un moucheron sur la vitre, pour la débandade solitaire d’une araignée.”
“Quels élancements
j’ai trente-deux dents malades sur le coeur”
“Tête de veau, coloris de la flanelle claire, toute languide tête de veau couchée sur la verdure du tripier, prête-moi ton sommeil, prête-moi l’extase de ta bouche fendue.”
“Ce soir je me désole, ce soir je me désolerai parce que je ne comprends pas la philosophie.”
“Les mots, les idées entrent et sortent comme des papillons. Ma cervelle… graine de pissenlit au gré du vent.”
“Je suis ainsi : un frisson dans les feuillages, une anémone qui s’effeuillait, un insecte qui se débattait pattes en l’air, un corbeau qui sautillait dans un désordre de labour et de fumier, un crépuscule incendié, tout cela prophétisait plus sûrement que les journaux.”
“Je plantais un mort, j’arrosais un mort, je surveillais un mort, je couvrais un mort les soirs de gelée… Qu’est-ce que j’ai récolté? Un homme-fleur. Il y a de l’amour dans chacun de ses pétales, c’est une vibration de lumière même si tout à coup le soleil prend sa retraite.”
“Notre idylle est publique. Nous n’avons rien à nous dire, rien à nous confier, rien à déclarer.”
“J’avais des astres pour doigts de pied.”
“Va, mésange, va becqueter ma prose à l’ombre du siphon.”
“Je vieillis donc je vis : mes linceuls sont argentés dans l’écorce de l’arbre qui meurt.”
“Est-ce qu’on demande à une ordure si elle a honte?”
“Le poème qui gonflera ma gorge jusqu’à la grosseur d’un goitre sera mon poème préféré. Que je ne meure pas avant que la musique des astres me suffise.”
“Salut la nuit, encore une journée bien remplie. Et la Violette s’en va se coucher dans sa robe de statue.”
“La discussion philosophique est la terre promise que je n’attendrai pas. Ce que je ne comprends pas me fascine.”
“"Vous irez de guêpier en guêpier", m’a dit une amie en tirant les cartes. Voyance de qualité.”
“Le dimanche je me promènerai seule, je puiserai mes larmes aux sources, aux rivières, je mordrai au fruit de mes désolations.”
Elle raconte tout, de son enfance à ses premiers pas en écriture, poussée par Maurice Sachs. Le film Violette commence d'ailleurs aux dernières pages de La Bâtarde, avec le marché noir et les premiers écrits, quand Violette part en voyage avec l'écrivain Maurice Sachs, homosexuel dont elle est éprise (elle aimera du même amour Jean Genet et Jacques, dont elle parle tant dans La Chasse à l'amour). A force d'entendre rabâcher les histoires sur sa mère, il lui conseille de consigner tout cela par écrit.
“Je ne serais pas rassasiée s’il me parlait pendant dix mille ans, je ne serais pas écoeurée si la nuit durait vingt mille ans.”
Premiers mots échangés avec lui :
“Que pensez vous de l’amour?
- Beaucoup de bien et beaucoup de mal. Et vous?”
Sachs lui dit, un jour qu'il est alité et qu'elle s'inquiète pour lui, à Paris :
“Apprenez, ma chère enfant, que rien n’est grave. On ne peut même pas mourir de faim. Retenez-le. Ma maladie? J’aime : voilà ma maladie.”
Avant de connaître Isabelle, Violette éprouve ses premiers émois pour Aline :
Il y a eu Isabelle (avec de très beaux passages érotiques, encore plus forts que dans Thérèse et Isabelle) :
“Dès que j’avais trouvé mon nid dans le lit froid, je l’oubliais, mais si je m’éveillais, je la cherchais pour la détester.”
“Les lèvres entrouvrirent les miennes, mouillèrent mes dents. La langue trop charnue m’effraya : le sexe étrange n’entra pas. J’attendais absente et recueillie. Les lèvres se promenèrent sur mes lèvres. Mon coeur battait trop haut et je voulais retenir ce scellé de douceur, ce frôlement neuf. Isabelle m’embrasse, me disais-je. Elle traçait un cercle autour de ma bouche, elle encerclait le trouble, elle mettait un baiser frais dans chaque coin, elle déposait deux notes piquées, elle revenait, elle hivernait.”
“Je voulais que, serrée sur mon coeur béant, Isabelle y pénétrât. L’amour est une invention harassante. Isabelle, Violette, disais-je en pensée pour m’habituer à la simplicité magique des deux prénoms.”
“Je voudrai ce qu’elle voudra si les pieuvres paresseuses me quittent, si dans mes membres cesse le glissement des étoiles filantes. J’espère un déluge de rochers.”
“J’aimais : je n’avais pas d’abri. Je n’aurais que des sursis entre nos rendez-vous.”
“Elle embrassait ce qu’elle avait caressé puis, de sa main légère, elle ébouriffait, elle époussetait avec le plumeau de la perversité. La pieuvre dans mes entrailles frémissait. Isabelle buvait au sein droit, au sein gauche. Je buvais avec elle, je m’allaitais de ténèbres quand sa bouche s’éloignait. Les doigts revenaient, encerclaient, soupesaient la tiédeur du sein, les doigts finissaient dans mon ventre en épaves hypocrites. Un monde d’esclaves qui avaient même visage que celui d’Isabelle, éventaient mon front, mes mains.”
“Le doigt royal et diplomate avançait, reculait, m’étouffait, commençait à entrer, vexait la pieuvre dans mes entrailles, crevait le nuage sournois, s’arrêtait, repartait.”
“Je me refusais à la moindre pensée, ainsi elle pourrait s’endormir aussi dans ma tête vide.”
“J’étais folle d’amour pour ce nouveau visage d’Isabelle : du flou.”
“J’exigeais d’elle l’impossible. Il y a des êtres qui sont notre plus grand risque.”
Les pages qui m'ont le plus touchée sont celles où Violette raconte sa rupture avec Hermine (Hermine qui était Cécile, rencontrée dans Ravages, et qui fut Denise Hertgès, son amour après Isabelle).
Leur rencontre a lieu à l'école alors qu'Hermine est surveillante. Leur liaison va être découverte et Hermine mutée.
“Isabelle, Hermine, mes candélabres lorsque je pars dans la crypte de la folie.”
“Le nom de son village, une preuve de printemps dans les mois à venir.”
“J’ai marié mes doigts avec les cheveux d’Hermine. L’amour. Les barreaux du temps tombèrent en poussière plusieurs heures.”
“Je devais devenir une putain : elle voulait être une martyre.”
Hermine prend soin d'elle, fait tout pour la rendre heureuse mais...
“J’étais lasse. J’avais besoin d’elle et j’avais besoin de l’hiver pour le sommeil de la terre.”
“Je t’en supplie. Je ne veux rien savoir. Sois heureuse chaque fois que tu peux l’être.”
Une fois qu’elle l'a vraiment perdue, Violette voudrait la retenir... Hermine est amoureuse d'une autre.
“Je pleurais d’amour pour elle, elle me reprochait mes larmes. (…) Ses désirs ressemblaient à des adieux.”
“Toute une vie était finie. Je serrais contre moi une femme sans bras. Une aveugle, une sourde, une muette. Reconquérir. J’y croyais et croyais aussi que les larmes sont des armes. (…) J’aurais eu une chance : la gaieté, parce que la gaieté est un piège. Je ne calculais pas. Je m’élançais vers elle avec les défroques de notre passé. J’aurais voulu la perdre que je ne l’aurais pas autant perdue. Plus elle détestait mes supplications, mes lamentations, mes délectations, plus je m’y vautrais.”
“J’avais pleuré du matin au soir pour qu’elle m’aime comme elle m’avait aimée.”
“Si je la questionnais longtemps, je récoltais toujours la même réponse :
- À quoi je pense? À sa bouche.
Je maudissais sa franchise.”
“Aimer, ne plus aimer, recommencer d’aimer le même être. L’amour, ce n’est pas une usine.”
“Non, lecteur, ma douleur n’est pas fabriquée. Je m’efforce d’éclaircir cette bouillie de désespoir lorsque Hermine me quitta. Nous souffrons, après nous nous aidons du vocabulaire.”
“Partisan de la métempsycose. Hermine est sur mon buffet, Hermine est une anémone au milieu du bouquet.”
“Pour se soulager avec ce qui a été, il faut s’éterniser.”
“J’avais travaillé jour et nuit à notre rupture, maintenant j’opérais sur mes ruines.”
Il est question de ses premiers métiers en tant que secrétaire dans des maisons d'édition, la chance des rencontres, du hasard qui la mèneront à l'écriture...
Elle reprend aussi son histoire avec Gabriel (Marc dans Ravages), son mariage (raté) avec lui :
“J’ai soif d’un mariage-express dans un western.”
Ce qui est intéressant quand on a lu les autres livres, c'est cette réécriture de faits connus, vus sous d'autres angles. Elle passe sous silence des choses déjà dites ou les redit, avec d'autres prénoms, d'autres décors aussi, et on est au coeur de l'écriture romanesque autobiographique.
“- Tu le revois quand?
- Jamais. Tu seras gentil?
- Je serai comme j’étais.
- Tu me quitteras?
- Évidemment je te quitterai.
- Tu veux que je meure?
- Je n’ai pas le temps.”
La première fois qu'on la lit, c'est parce qu'elle a écrit des textes pour des journaux. Premières palpitations d'écrivain (le bonheur, la fierté, la peur d'être lue). L'inquiétude de ne pas savoir s'y prendre aussi :
“On me lit, donc on me lira. On me sort, on me promène, on me serre près de la chaleur de l’aisselle. O morsure lorsque je m’approchai.”
“A la rigueur je pourrai me jeter dans la Seine si je ne peux pas inventer la première phrase.”
Et toujours de beaux éclats de poésie dans sa prose :
“Quand rencontrerai-je un cyclope? Je l’aimerai. Je lui présenterai un miroir, je lui dirai : Je vois deux roses dans le miroir. Je t’en prie, regarde : c’est toi, c’est moi.”
“Soulier, je t’enseignerai la ferveur.”
“Je ne me marierai pas! Je serai libraire!”
“Je vivotais pour l’ascension d’un moucheron sur la vitre, pour la débandade solitaire d’une araignée.”
“Quels élancements
j’ai trente-deux dents malades sur le coeur”
“Tête de veau, coloris de la flanelle claire, toute languide tête de veau couchée sur la verdure du tripier, prête-moi ton sommeil, prête-moi l’extase de ta bouche fendue.”
“Ce soir je me désole, ce soir je me désolerai parce que je ne comprends pas la philosophie.”
“Les mots, les idées entrent et sortent comme des papillons. Ma cervelle… graine de pissenlit au gré du vent.”
“Je suis ainsi : un frisson dans les feuillages, une anémone qui s’effeuillait, un insecte qui se débattait pattes en l’air, un corbeau qui sautillait dans un désordre de labour et de fumier, un crépuscule incendié, tout cela prophétisait plus sûrement que les journaux.”
“Je plantais un mort, j’arrosais un mort, je surveillais un mort, je couvrais un mort les soirs de gelée… Qu’est-ce que j’ai récolté? Un homme-fleur. Il y a de l’amour dans chacun de ses pétales, c’est une vibration de lumière même si tout à coup le soleil prend sa retraite.”
“Notre idylle est publique. Nous n’avons rien à nous dire, rien à nous confier, rien à déclarer.”
“J’avais des astres pour doigts de pied.”
“Va, mésange, va becqueter ma prose à l’ombre du siphon.”
“Je vieillis donc je vis : mes linceuls sont argentés dans l’écorce de l’arbre qui meurt.”
“Est-ce qu’on demande à une ordure si elle a honte?”
“Le poème qui gonflera ma gorge jusqu’à la grosseur d’un goitre sera mon poème préféré. Que je ne meure pas avant que la musique des astres me suffise.”
“Salut la nuit, encore une journée bien remplie. Et la Violette s’en va se coucher dans sa robe de statue.”
“La discussion philosophique est la terre promise que je n’attendrai pas. Ce que je ne comprends pas me fascine.”
“"Vous irez de guêpier en guêpier", m’a dit une amie en tirant les cartes. Voyance de qualité.”
“Le dimanche je me promènerai seule, je puiserai mes larmes aux sources, aux rivières, je mordrai au fruit de mes désolations.”
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Je hais les dormeurs
Je hais les dormeurs est un court texte de Violette Leduc, publié en 1948 et jamais réédité jusqu'à ce que les Editions du chemin de fer l'éditent à 100 exemplaires.
On plonge dans une nuit d'insomnie sous la forme d'un texte en prose poétique.
Il a été écrit durant la rédaction de Ravages, son 3e roman. Il figure d'ailleurs dans ce livre sous une autre forme. Parallèlement, le texte a été publié par L'Arbalète, une revue littéraire à l'été 1948.
Violette arrache 15 feuillets de son manuscrit et les donne à une amie, Adriana Salem : c'est une version intermédiaire entre celle de l'Arbalète (qu'on trouve rééditée aux Editions du Chemin de Fer) et celle de Ravages.
Le dormeur, c'est Marc, c'est un homme, dans ce texte, mais cela pourrait être aussi Cécile que Violette ne cesse de tenter d’arracher au sommeil...
L'image du balancier, de l'acrobate est très présente dans ce texte poétique.
Extraits :
“Je veux que l’on se place sous les corbeaux qui abritent les terres de minuit avec leurs ailes ouvertes.”
— Je hais les dormeurs, Violette Leduc
“Vive l’héroïsme en boudoir de tous les rossignols de nuit…”
“Effeuillez-vous dans ma bouche, tombez sur mes yeux, branches étoilées des automnes finis. Vous êtes les responsables de ma bave de désir.”
“J’ai vu qu’un désordre de rat est de la stratégie diabolique.”
“Il faut trouver le nom du singe qui mourra à la même minute que moi.”
“J’ai eu la nostalgie du balancier qui est la chose la plus humaine dans le monde de l’acrobatie.”
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Violette, l'affamée
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