Au fil des pages
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Mémoires d'Hadrien, Yourcenar
J'ai lu les premières pages il y a une dizaine d'années, puis abandonné : j'ai mis cela sur le compte de la lecture précédente qui m'avait beaucoup plu, et qui n'avait absolument rien à voir (Caresser le velours de Sarah Waters).
A force d'en entendre du bien partout, je me suis dit que je n'avais pas essayé de le lire au bon moment et j'ai réessayé cet été : même sensation dès les premières pages, sauf que je m'accroche, cette fois-ci.
L'écriture n'est pas du tout difficile à suivre, c'est bien écrit, très classique. La première partie m'ennuie à mourir si bien que je manque de laisser tomber plusieurs fois. Mais si je laisse cette fois-ci, je ne reprendrai jamais, et je veux l'avoir lu. Je me donne jusqu'à la centième page pour voir si le livre m'intéresse plus.
Pourtant, tous les ingrédients sont là : une auteur que j'aime a priori pour ce qu'elle est (rien que son engagement pour la cause animale et ses poèmes de Sapphô traduits dans La Couronne et la Lyre), l'empereur lui-même, l'antiquité romaine, le goût de la Grèce...) Eh non, ça ne prend pas. Pourquoi?
Ce serait pédant de dire que le style me déçoit car il n'y a rien à reprocher à son écriture maîtrisée. Elle n'est pas dense, elle est simple et académique. Je relève d'ailleurs plusieurs passages que je trouve jolis. Mais il me manque le souffle personnel, la poésie attendue, la fantaisie...
“Je ne suis pas sûr que la découverte de l’amour soit nécessairement plus délicieuse que celle de la poésie.”
“Je me promis de veiller sur le dieu désarmé.” (en parlant de la Grèce)
“Une nuit sans sommeil (est) une invitation à penser.”
Les voyages et travaux de construction ne parviennent pas à capter mon attention, j'attends sans doute de l'anecdote, j'en veux plus sur les personnages féminins (mais Hadrien n'est pas l'homme qu'il me faut pour cela). Je m'attache à Plotine que j'aurais aimé voir plus. Je saute quand même pas mal de passages. Enfin arrive la rencontre avec Antinoüs: c'est la partie que je préfère, elle m'intéresse davantage sans me passionner non plus, certains passages sont encore longs à mon goût. Je n'ai pas encore terminé, mais "Saeculum aureum" est peut-être la seule partie à lire pour aimer ce livre : la rencontre, puis le deuil sont de beaux passages.
“Ce beau lévrier avide de caresses et d’ordres se coucha sur ma vie. (…) Je n’ai été maître absolu qu’une seule fois, et que d’un seul être.”
“Je ne savais pas que la douleur contient d’étranges labyrinthes, où je n’avais pas fini de marcher.”
“Ce cadavre et moi partions à la dérive, emportés en sens contraire par deux courants du temps.”
“La mémoire de la plupart des hommes est un cimetière abandonné, où gisent sans honneurs des morts qu’ils ont cessé de chérir.”
Il me reste deux parties...
(...)
“J’acceptais de me livrer à cette nostalgie qui est la mélancolie du désir.”
Voilà, terminé. De la littérature, certes, mais qui m'a ennuyée souvent...
"Disciplina augusta" était assez intéressante, sur la révolte juive et sa répression. "Patientia" raconte le choix d'un successeur et les derniers instants de la vie : ceux-ci m'ont fait le même effet que les pensées du début, assez longs et ennuyeux. Mais j'ai bien aimé les moments où Hadrien choisit un successeur, ancien amant deux fois moins âgé que lui, et qu'il doit se résoudre à en désigner un autre puisqu'il meurt.
Les dernières lignes sont belles ; elle reprennent un poème d'Hadrien :
"Petite âme, âme tendre et flottante, compagne de mon corps, qui fut ton hôte, tu vas descendre dans ces lieux pâles, durs et nus, où tu devras renoncer aux jeux d'autrefois. Un instant encore, regardons ensemble les rives familières, les objets que sans doute nous ne reverrons plus... Tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts..."
Kashima- Faux-monnayeur
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Une artiste du sexe, Richard Millet
“La puanteur de l’ail me paraissant une insulte à la beauté des femmes.” (15)
“La parole est la source de nos peines, avec le sexe qui jette les coeurs dans un froid plus intense et interminable que celui de l’hiver.” (16)
“Non que je déteste ma langue maternelle : on ne se refait pas dans une autre langue ; on s'y éloigne de soi plus vite que dans sa langue natale ; on y devient une sorte de mort-vivant.” (19)
Kashima- Faux-monnayeur
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Erri De Luca, Trois chevaux
Un jardinier de cinquante ans rencontre dans un café-restaurant une femme, Làila. Lui vient alors le souvenir de son premier amour : Dvora.
“Tu es une princesse, tu portes la géographie dans ton sang.”
“Quand tu penses quelque chose de moi, retires-en un peu, descends d’un degré et je te répondrai “me voici”.”
“Ça ne durera pas ? Pourquoi le faudrait-il? Ça durera ce que ça durera, en attendant j’aime.”
“Elles me manquent, mais n’éveillent pas d’amour en moi.
Je les oublie en apprenant à escalader des montagnes.”
“Il y a des créatures destinées les unes aux autres qui n’arrivent jamais à se rencontrer et qui se résignent à aimer une autre personne pour raccommoder l’absence.”
“Attendre. C’est mon verbe à vingt ans, un infinitif sec sans trace d’angoisse, sans bavure d’espérance. J’attends à vide.”
“Elle m’appelle bashérte qui, dans une de ses six langues, signifie : personne destinée à quelqu’un. J’aime les noms de l’amour et je l’appelle aussi novia et bashérte.”
(“novia” = épouse)
“Je suis ici depuis des années pour aimer une femme et maintenant je suis en guerre.”
“Je t’aime par exclusion des autres bouts perdus.”
Au final, c'est une lecture plutôt agréable, mais pas inoubliable. L'ensemble reste assez flou, on a le style contemporain de l'écriture du vague...
“Tu es une princesse, tu portes la géographie dans ton sang.”
“Quand tu penses quelque chose de moi, retires-en un peu, descends d’un degré et je te répondrai “me voici”.”
“Ça ne durera pas ? Pourquoi le faudrait-il? Ça durera ce que ça durera, en attendant j’aime.”
“Elles me manquent, mais n’éveillent pas d’amour en moi.
Je les oublie en apprenant à escalader des montagnes.”
“Il y a des créatures destinées les unes aux autres qui n’arrivent jamais à se rencontrer et qui se résignent à aimer une autre personne pour raccommoder l’absence.”
“Attendre. C’est mon verbe à vingt ans, un infinitif sec sans trace d’angoisse, sans bavure d’espérance. J’attends à vide.”
“Elle m’appelle bashérte qui, dans une de ses six langues, signifie : personne destinée à quelqu’un. J’aime les noms de l’amour et je l’appelle aussi novia et bashérte.”
(“novia” = épouse)
“Je suis ici depuis des années pour aimer une femme et maintenant je suis en guerre.”
“Je t’aime par exclusion des autres bouts perdus.”
Au final, c'est une lecture plutôt agréable, mais pas inoubliable. L'ensemble reste assez flou, on a le style contemporain de l'écriture du vague...
Kashima- Faux-monnayeur
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Lambeaux, Charles Juliet
Je ne m'attendais pas à aimer et je me suis laissé prendre par cette lecture.
La narration est à "tu". Une petite fille qui grandit à la ferme s'intéresse à l'école et aux livres mais elle n'ira pas au lycée, elle aidera la famille. Le père est brusque, elle est incomprise, elle travaille tout le temps, s'occupe de ses trois petites soeurs, leur sert de mère (même si la mère est là). Ses journées ne sont que labeur.
Elle a trouvé une Bible au grenier, sa seule lecture. En cachette, elle prend des notes. Elle aimerait partir à la ville, avoir un métier, se marier... Un dimanche après-midi, elle rencontre un Parisien avec qui elle a rendez-vous les autres dimanches : c'est son premier amour. Elle est heureuse, elle rêve. Mais un jour, il ne revient pas...
Quel triste destin. On se dit "quelle vie de tristesse, quelle vie misérable." La fatalité s'abat sur cette jeune fille, elle est broyée petit à petit par elle qui doit suivre une voie qui n'est pas la sienne mais qui lui est tracée à la naissance. Je craignais que le "tu" soit agaçant et on s'y fait très vite ; il donne accès encore plus directement à l'esprit de cette fille malheureuse...
Dans la deuxième partie, le "tu" change d'identité : parole au dernier enfant, un garçon, qu'a eu la femme de la première partie. Par l'écriture de lambeaux, ce garçon tente de retrouver ses origines, savoir qui il est, soigner sa solitude.
Ce récite de Juliet est autobiographique :
"Charles Juliet avait, au début de l'écriture en 1983, l'intention d'écrire ce livre sous forme d'une "lettre" à sa mère. Ce livre était un projet de longue date : l'auteur a longuement enquêté et réfléchi sur la vie de sa mère biologique, qu'il n'a pas connue, et après un premier jet, l'écriture s'arrête et ne reprend qu'en 1995."
La narration est à "tu". Une petite fille qui grandit à la ferme s'intéresse à l'école et aux livres mais elle n'ira pas au lycée, elle aidera la famille. Le père est brusque, elle est incomprise, elle travaille tout le temps, s'occupe de ses trois petites soeurs, leur sert de mère (même si la mère est là). Ses journées ne sont que labeur.
Elle a trouvé une Bible au grenier, sa seule lecture. En cachette, elle prend des notes. Elle aimerait partir à la ville, avoir un métier, se marier... Un dimanche après-midi, elle rencontre un Parisien avec qui elle a rendez-vous les autres dimanches : c'est son premier amour. Elle est heureuse, elle rêve. Mais un jour, il ne revient pas...
Quel triste destin. On se dit "quelle vie de tristesse, quelle vie misérable." La fatalité s'abat sur cette jeune fille, elle est broyée petit à petit par elle qui doit suivre une voie qui n'est pas la sienne mais qui lui est tracée à la naissance. Je craignais que le "tu" soit agaçant et on s'y fait très vite ; il donne accès encore plus directement à l'esprit de cette fille malheureuse...
Dans la deuxième partie, le "tu" change d'identité : parole au dernier enfant, un garçon, qu'a eu la femme de la première partie. Par l'écriture de lambeaux, ce garçon tente de retrouver ses origines, savoir qui il est, soigner sa solitude.
Ce récite de Juliet est autobiographique :
"Charles Juliet avait, au début de l'écriture en 1983, l'intention d'écrire ce livre sous forme d'une "lettre" à sa mère. Ce livre était un projet de longue date : l'auteur a longuement enquêté et réfléchi sur la vie de sa mère biologique, qu'il n'a pas connue, et après un premier jet, l'écriture s'arrête et ne reprend qu'en 1995."
“Et de jour en jour grandit en toi une âpre révolte à l’idée qu’on peut mourir sans rien avoir vécu de ce qu’on désire si ardemment vivre.”
“Tourments. Fissures. Le sentiment que la vie n’a qu’une seule face et qu’elle est sombre.”
“Si tu veux avoir chance de vaincre un jour ta confusion, il importe que tu veilles à soigner la précision de ta langue.”
“Ce que tu attends, tu ne saurais rien en dire. Tu attends que ta vie change. Que cette avidité de vivre qui maintenant te possède trouve à s’assouvir.”
Kashima- Faux-monnayeur
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Se souvenir de Lampe, José Luis de Juan
Le roman commence par le crime d'un valet chez Kant. Alors que la cuisinière avance avec un couteau pour voir qui est le meurtrier caché dans la réserve, qui ne voit-elle pas? Monsieur Lampe!
Martin Lampe a servi trente ans chez le philosophe Kant. Pour on ne sait quelle raison (une broutille, on sous-entend), il a décidé de le renvoyer.
L'histoire raconte la vie bien réglée du philosophe et comment Lampe l'accompagnait dans son quotidien, le réveillant à cinq heures moins cinq, se calquant sur ses manies et habitudes.
Alors, comment congédier un tel homme...?
Martin Lampe a servi trente ans chez le philosophe Kant. Pour on ne sait quelle raison (une broutille, on sous-entend), il a décidé de le renvoyer.
L'histoire raconte la vie bien réglée du philosophe et comment Lampe l'accompagnait dans son quotidien, le réveillant à cinq heures moins cinq, se calquant sur ses manies et habitudes.
Alors, comment congédier un tel homme...?
“Que peut-on dire d’intéressant sur quelque chose qui est fini à jamais?”
“Les entrailles ont la mémoire courte.”
Peu à peu, cependant, la description qu'on a de Lampe n'est pas très reluisante : il est assez malhonnête, il semble battre sa femme, il vole son maître... Plus le livre avance et plus cet homme est détestable. Parallèlement, on apprend comment il a connu Kaufmann, l'homme assassiné dans les premières pages...
Quant à Kant, son portait se précise encore : il a acheté une maison à Königsberg (ancienne Prusse) et sa chambre donne sur la tour de Löbenicht. Mais un jour, les peupliers du voisin lui cachent cette vue et c'est le drame...
Quant à Kant, son portait se précise encore : il a acheté une maison à Königsberg (ancienne Prusse) et sa chambre donne sur la tour de Löbenicht. Mais un jour, les peupliers du voisin lui cachent cette vue et c'est le drame...
Königsberg
“L’ homme n’est jamais heureux mais il va toujours l’être.”
“Mais son élégance ne lui sauva pas la vie et les cosaques le défigurèrent à coups de cimeterre avant de lui passer sur le corps avec leurs chevaux.”
Ce livre m'a fait penser, sur le principe, aux romans de Jean Teulé : un fait historique est romancé et raconté de façon très agréable. Une lecture facile, distrayante et qui apprend des choses, que je prolongerai par le texte de Thomas de Quincey : Les derniers jours d'Emmanuel Kant.
Kashima- Faux-monnayeur
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L'identité malheureuse, Alain Finkielkraut
Quelques extraits de cet essai très intéressant.
Encore une fois, on peut s'offusquer que la désinformation et la caricature fassent de Finkielkraut un misogyne, un raciste... un "facho". Tout ce qui est dit est éclairé, argumenté et je dirais presque que cela tombe sous le sens.
Il s'interroge sur l'égalité hommes-femmes, le voile islamique, l'identité nationale, le livre et Internet... A aucun moment, la pensée n'est celle d'un réactionnaire, loin de là.
La critique qu'on a pu entendre de ce livre montre encore combien on ne lit pas* et on s'empresse de faire un résumé caricatural, outré, déformé. Belle époque du prêt-à-penser.
Réactions salutaires dès 1989 à l’interdiction d’interdire le voile à l’école (ministre de l’EN : L. Jospin)
“Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.”
Kant cité par Alain Finkielkraut dans L’identité malheureuse
“Le courage ne suffit pas : nous sommes jetés dans la mare de l’ignorance et ce n’est pas en nous tirant nous-mêmes par les cheveux (…) que nous en sortirons.”
“Chez les peuples vraiment libres, les femmes sont libres et adorées.”
Saint-Just cité par Alain Finkielkraut dans L’identité malheureuse
“Jamais l’école ne m’a fait honte de mes origines. Jamais elle ne m’a demandé de renier ma généalogie. Jamais non plus elle ne m’a invité à m’en prévaloir. Elle me demandait d’être attentif, d’apprendre mes leçons, de faire mes devoirs, et elle me classait selon mon mérite. L’origine était hors sujet.”
“L’enracinement des uns est tenu pour suspect et leur orgueil généalogique pour “nauséabond”, tandis que les autres sont invités à célébrer leur provenance et à cultiver leur altérité. Ici on dénonce tout à la fois un privilège exorbitant et un fantasme mortifère; là on encourage ardemment le sens de la continuité et de la fidélité à ses racines.”
Un terme à retenir de la lecture de ce livre : l'oikophobie, une sorte de racisme à l'envers. C'est la peur de sa propre maison, de son pays natal.
“Le grand problème contemporain, ce n’est pas la docilité de la réception, c’est la brutalité de la fin de non-recevoir opposée au contenu de l’enseignement par un nombre grandissant d’élèves. Ce n’est pas l’apathie, c’est l’agressivité. Ce n’est pas l’absence d’esprit critique, c’est la critique ignorante de la culture scolaire.”
“Ainsi on coupe le contact avec ses contemporains quand on ouvre un livre; on entre en communication avec eux quand on allume son ordinateur.”
Sur le livre et l’écran
Dans les derniers chapitres, Alain Finkielkraut parle du "respect". Il est aussi question de la perte de l'aidos (“c’est la réserve, la modestie, la pudeur qui naissent, en nous, de l’intériorisation du regard des autres.”). Il s'appuie sur des exemples précis, des témoignages de professeurs. Les élèves laissent aller leur corps, ne se rendent plus compte de ce qui se fait ou ne se fait pas, de ce qui se dit ou ne se dit pas (commenter tout et n'importe quoi à voix haute, émettre des bruits de corps...).
“Le politiquement correct, c’est le conformisme idéologique de notre temps. La démocratie, en effet, c’est-à-dire le droit de tous à la parole, produit du conformisme. (…) L’homme démocratique pense comme tout le monde en croyant penser par lui-même.”
“Dans les temps démocratiques, toutes les autorités deviennent suspectes, sauf l’autorité de l’opinion.”
“Péguy : “Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est le plus difficile, voir ce que l’on voit.” Voir ce que l’on voit, c’est voir l’histoire ne pas se reproduire quand on est fin prêt pour la deuxième édition ; c’est voir le mal là où il est et même s’il ne correspond pas à son signalement ; c’est voir la haine de la France conjuguer avec la haine des Juifs.”
“Qu’est-ce qu’un classique? C’est un livre dont l’aura est antérieure à la lecture.”
“Avec l’abolition de la censure, ce n’est pas la créativité de chacun qui triomphe, c’est l’impudeur de tous. (…) L’aidos s’efface, le corps se lâche.”
Le constat est très juste, alarmant. Il m'a rendue très pessimiste car, à la lecture naît une forme d'impuissance. Ce sentiment s'est trouvé amplifié en écoutant par hasard une émission de radio laissant la parole aux deux Faïza : Faïza Guene et Faïza Zerouala. En pleine lecture de L'identité malheureuse, j'ai entendu en direct tout le contre-pied du livre du philosophe. Faïza Guene, c'est la "littérature de banlieue" car il faut bien que tout le monde s'exprime, j'y ai droit, j'y ai droit. A un moment, le journaliste lui demande si elle ne se sent pas un peu seule dans ce registre, et elle de répondre qu'il faut que les éditeurs soient audacieux et publient d'autres textes des cités, etc, etc. On est à cent mille lieues de la littérature. Il n'est plus question de valeur littéraire, tout le monde peut et est en droit d'écrire. On veut lire du social, des "histoires qui nous parlent'. D'ailleurs, le journaliste encense Faïza Guene pour son dernier roman où elle parvient à ne pas prendre position sur le voile, laissant chacun se faire son opinion (!). Mais elle de clamer haut et fort, ponctuant ses phrases de multiples "voilà", qu'elle pense, à titre personnel, comme sa collègue journaliste invitée sur le même plateau, qu'il y a des femmes qui se voilent librement, qu'il est discriminant d'interdire le port du voile à l'école, que c'est "excluant" ; de fustiger sans vergogne les féministes dont le combat est dépassé, dans lesquelles elles ne se reconnaissent pas et d'ajouter que de toutes façons, le fait de naître femmes fait d'elles des féministes.... On est servi. (Au passage, l'auteur de Kiffe kiffe demain est tout simplement illisible...) C'était la plus belle illustration de ce qu'il faut craindre de notre époque.
Il est recommandé d'écouter cette émission tout en lisant L'identité malheureuse : effet cocktail molotov garanti...
http://www.franceinter.fr/emission-conduite-accompagnee-faiza-guene-accompagnee-de-faiza-zerouala
Pour revenir à cet essai si juste, que faire, si ce n'est subir et regarder, abandonner le combat... La doxa et la masse sont si fortes.
L'essai se termine sur ces mots : "Le temps presse".
* A ce propos, se référer aux propos de Richard Millet et à ce qui lui est arrivé :
Richard MILLET.- Ce qui s'est passé il y a un peu plus d'un an a totalement bouleversé ma vie. À travers cette curée organisée, cette véritable chasse à l'homme, on a visé l'écrivain, et c'est l'un des éditeurs de Gallimard qui a trinqué. Certains ont voulu me faire payer ma liberté de parole sur la littérature française et sur certaines têtes d'affiche. Mais ce qui m'a le plus choqué et ébranlé, c'est qu'Éloge littéraire d'Anders Breivik n'ait pas été lu par mes détracteurs, ni même feuilleté, tout comme De l'antiracisme comme terreur littéraire, paru le même jour. J'ai été victime de l'opprobre jetée par une poignée d'écrivaillons et de journalistes, condamné au bannissement, et ce, à partir d'une non-lecture.
Pourquoi, en 2012, ne m'a-t-on pas donné la parole pour me défendre, m'expliquer, à part le magazine L'Express? Il n'y a eu aucun débat. Qu'en est-il de la défaite de la pensée? De la décadence de l'Occident? Il est devenu impossible d'évoquer ces grandes questions, tout comme les problèmes liés à l'immigration massive, sans être traité de fasciste. C'est un comble! On ne sait plus supporter le réel, sa noirceur. Il fallait une mise à mort symbolique. J'étais le coupable idéal. Finalement, cette lamentable «affaire» s'est révélée un symptôme, un révélateur de la déliquescence généralisée de notre société.
https://edencash.forumactif.org/t572p15-l-enfer-du-roman-richard-millet#9903
Kashima- Faux-monnayeur
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Les derniers jours d'Emmanuel Kant, Thomas de Quincey
Kashima a écrit:
Pour compléter cette lecture, il faut lire le texte de Thomas de Quincey :
Il est raconté les derniers jours du philosophe, sa déchéance. José Luis de Juan s'est inspiré de ce classique.
“D’autres personnes notent ce dont elles désirent se souvenir. Là, Kant avait noté ce qu’il devait oublier : Mem. - février 1802 - il ne faut plus se souvenir du nom de Lampe.”
“"C’est assez." Sufficit! Puissantes et symboliques paroles!”
Kashima- Faux-monnayeur
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Dans les rues de Londres, Virginia Woolf
"Il faut vraiment que j’achète un crayon."
Dans les rues de Londres, Virginia Woolf
(Illustration : Antoine Desailly)
Dans les rues de Londres, Virginia Woolf
(Illustration : Antoine Desailly)
La narratrice veut s'échapper quelques heures de sa vie et elle s'écrie qu'elle doit aller acheter un crayon. Là commence sa promenade dans les rues de Londres en hiver, promenade où elle croise un naine, des aveugles, où elle invente des vies dans les maisons...
Les Editions du Chemin de Fer proposent ce texte dans la traduction d'Étienne Dobenesque, qui rend bien la beauté de l'écriture de Virginia Woolf.
Les Editions du Chemin de Fer proposent ce texte dans la traduction d'Étienne Dobenesque, qui rend bien la beauté de l'écriture de Virginia Woolf.
“C’est vrai : s’échapper est le plus grand des plaisirs ; hanter les rues en hiver la plus grande des aventures.”
Kashima- Faux-monnayeur
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Re: Au fil des pages
Je me dis que, lorsqu'on se lance dans un roman qui critique les "écriveurs" et l'abondance de manuscrits qui arrivent chez les éditeurs, il faut vraiment assurer et faire un roman impeccable, avoir un sens de l'humour décapant et une grande maîtrise stylistique. C'est un sujet en or et le traitement qu'en fait Laclavetine est mauvais. J'ai abandonné Première ligne au milieu du livre : le roman tombe des mains une fois qu'on a passé le côté plaisant du début.
En quelques mots, c'est l'histoire du directeur de chez Fulmen, petite maison d'édition qui a sa réputation. Cyril Cordouan reçoit des tonnes de manuscrits et tout est à jeter, selon lui. Il n'est pas tendre avec les gens qui viennent récupérer leurs textes, jusqu'au jour où l'un d'eux se suicide dans son bureau. Il lui vient alors l'idée de créer, à l'instar des Alcooliques anonymes, un groupe pour que les mauvais écrivains se désintoxiquent, cessent d'écrire et le soulagent enfin.
Quand on a dit cela, on a tout dit : le résumé donne envie mais les personnages deviennent très vite ennuyeux ; la structure (avec ces digressions en italiques qui ne font qu'entraver le fil de l'intrigue) est peu convaincante. Anita, la copine de Cyril, est insipide, leurs disputes conjugales inintéressantes, et tout ça dans un style qui se veut sans doute vif et moderne, mais qui m'a obligée à sauter un grand nombre de pages jusqu'à ce que je ne tienne plus et décide d'abandonner.
Une grande déception... Au bout du compte, on devine que l'auteur a voulu faire passer ses idées sur la question de l'édition, faire plaisir à ses amis (Laclavetine est lecteur chez Gallimard), se gausser avec eux (il y a "nous" et les "autres".... ah ah ah) ; mais quand on a son livre entre les mains, on se dit que ce manuscrit aurait dû partir à la poubelle avec les autres : abracadabrantesque, loufoque (mais pas dans le bon sens du terme). La vengeance de la femme du suicidé (lesbienne d'un jour, manipulatrice de la bibliothèque rose) est si peu palpitante que je n'ai eu aucun regret de ne pas savoir comment les choses se terminent.
Il y aurait eu pourtant de quoi rire!
J'ai besoin d'admirer l'écriture et l'habileté de l'écrivain, surtout si celui-ci se lance dans une critique de la littérature contemporaine. Le problème, c'est qu'on tient dans les mains l'exemple parfait de ce qui n'aurait pas dû être publié. Avec ce roman, on n'en en sait pas plus sur la littérature, sur la définition que Laclavetine en a. A part dire : "lui, c'est mauvais" ; "lui, c'est pas bon" ; "moi, je sais ce qui est de bon goût", à part nous dépeindre des gens ordinaires et pitoyables qui osent prétendre à être édités, on n'en apprendra pas plus. Quand on veut donner une leçon de littérature, il faut vraiment en avoir l'étoffe.
Préférer les écrits de Richard Millet sur la question! https://edencash.forumactif.org/t572-l-enfer-du-roman-richard-millet?highlight=milletEn quelques mots, c'est l'histoire du directeur de chez Fulmen, petite maison d'édition qui a sa réputation. Cyril Cordouan reçoit des tonnes de manuscrits et tout est à jeter, selon lui. Il n'est pas tendre avec les gens qui viennent récupérer leurs textes, jusqu'au jour où l'un d'eux se suicide dans son bureau. Il lui vient alors l'idée de créer, à l'instar des Alcooliques anonymes, un groupe pour que les mauvais écrivains se désintoxiquent, cessent d'écrire et le soulagent enfin.
Quand on a dit cela, on a tout dit : le résumé donne envie mais les personnages deviennent très vite ennuyeux ; la structure (avec ces digressions en italiques qui ne font qu'entraver le fil de l'intrigue) est peu convaincante. Anita, la copine de Cyril, est insipide, leurs disputes conjugales inintéressantes, et tout ça dans un style qui se veut sans doute vif et moderne, mais qui m'a obligée à sauter un grand nombre de pages jusqu'à ce que je ne tienne plus et décide d'abandonner.
Une grande déception... Au bout du compte, on devine que l'auteur a voulu faire passer ses idées sur la question de l'édition, faire plaisir à ses amis (Laclavetine est lecteur chez Gallimard), se gausser avec eux (il y a "nous" et les "autres".... ah ah ah) ; mais quand on a son livre entre les mains, on se dit que ce manuscrit aurait dû partir à la poubelle avec les autres : abracadabrantesque, loufoque (mais pas dans le bon sens du terme). La vengeance de la femme du suicidé (lesbienne d'un jour, manipulatrice de la bibliothèque rose) est si peu palpitante que je n'ai eu aucun regret de ne pas savoir comment les choses se terminent.
Il y aurait eu pourtant de quoi rire!
J'ai besoin d'admirer l'écriture et l'habileté de l'écrivain, surtout si celui-ci se lance dans une critique de la littérature contemporaine. Le problème, c'est qu'on tient dans les mains l'exemple parfait de ce qui n'aurait pas dû être publié. Avec ce roman, on n'en en sait pas plus sur la littérature, sur la définition que Laclavetine en a. A part dire : "lui, c'est mauvais" ; "lui, c'est pas bon" ; "moi, je sais ce qui est de bon goût", à part nous dépeindre des gens ordinaires et pitoyables qui osent prétendre à être édités, on n'en apprendra pas plus. Quand on veut donner une leçon de littérature, il faut vraiment en avoir l'étoffe.
Kashima- Faux-monnayeur
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Le rouge et le blanc, Laclavetine
Le Rouge et le Blanc rassemble des nouvelles dont le sujet est le vin.
Les histoires s'ancrent toutes dans un quotidien contemporain mais, à chaque fois, ce qui vient enrayer la machine est le comportement humain. Dans la première nouvelles, Mouches noyées, un homme qui vient souvent pêcher dans sa petite maison de campagne se retrouve, au moment de boire sa bouteille de vin, privé de tire-bouchon. Rentrer à son appartement parisien serait trop long : il frappe à la porte d'une ferme voisine. Il est reçu par deux jeunes laids, bizarres, inquiétants. Quand il pénètre dans la maison, le vieux qui l'habite a la tête dans sa soupe. Il vient d'être tué.
Cette première nouvelle donne le ton : l'ambiance rappelle celle de certains films d'horreur où les héros tombent sur des dégénérés. Après, les autres histoires seront moins noires, mais comporteront toutes leur dose de folie humaine : on a Barnabé qui veut à tout prix épouser sa voisine (qui n'en veut pas) pour s'approprier son terrain de vignes ; l'homme qui, un jour, dans sa fameuse cave, trouve qqn (un double de lui-même?) qui descend toutes les meilleures bouteilles ; Antoine qui veut oublier les trahisons, dont celle de sa femme qui l'a escroqué et trompé, en ouvrant avec son fils une petite entreprise de vin.
Certaines histoires m'ont moins plu, m'ont semblé moins intéressantes, comme Question d'étiquette, l'histoire d'une femme qui se rend compte, dans un supermarché, qu'elle n'aime plus l'homme avec qui elle vit depuis quinze ou vingt ans. La mort par transparence, Paradis, en font partie. Je regrette que Djinn laisse un goût d'inachevé. La chute, pour moi, constituerait une bonne histoire en elle-même...
Ces nouvelles donnent quand même à voir un aspect plus reluisant de l'écriture de JM Laclavetine. Rien à voir avec le raté Première ligne : ces pages se lisent bien, même si toutes les nouvelles ne sont pas égales, et c'est, paradoxalement, une assez bonne lecture de bord de l'eau.
Les histoires s'ancrent toutes dans un quotidien contemporain mais, à chaque fois, ce qui vient enrayer la machine est le comportement humain. Dans la première nouvelles, Mouches noyées, un homme qui vient souvent pêcher dans sa petite maison de campagne se retrouve, au moment de boire sa bouteille de vin, privé de tire-bouchon. Rentrer à son appartement parisien serait trop long : il frappe à la porte d'une ferme voisine. Il est reçu par deux jeunes laids, bizarres, inquiétants. Quand il pénètre dans la maison, le vieux qui l'habite a la tête dans sa soupe. Il vient d'être tué.
Cette première nouvelle donne le ton : l'ambiance rappelle celle de certains films d'horreur où les héros tombent sur des dégénérés. Après, les autres histoires seront moins noires, mais comporteront toutes leur dose de folie humaine : on a Barnabé qui veut à tout prix épouser sa voisine (qui n'en veut pas) pour s'approprier son terrain de vignes ; l'homme qui, un jour, dans sa fameuse cave, trouve qqn (un double de lui-même?) qui descend toutes les meilleures bouteilles ; Antoine qui veut oublier les trahisons, dont celle de sa femme qui l'a escroqué et trompé, en ouvrant avec son fils une petite entreprise de vin.
Certaines histoires m'ont moins plu, m'ont semblé moins intéressantes, comme Question d'étiquette, l'histoire d'une femme qui se rend compte, dans un supermarché, qu'elle n'aime plus l'homme avec qui elle vit depuis quinze ou vingt ans. La mort par transparence, Paradis, en font partie. Je regrette que Djinn laisse un goût d'inachevé. La chute, pour moi, constituerait une bonne histoire en elle-même...
Ces nouvelles donnent quand même à voir un aspect plus reluisant de l'écriture de JM Laclavetine. Rien à voir avec le raté Première ligne : ces pages se lisent bien, même si toutes les nouvelles ne sont pas égales, et c'est, paradoxalement, une assez bonne lecture de bord de l'eau.
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Le Mort vivant, Stevenson
Ce livre commençait bien : il est écrit dans un style très drôle. Stevenson se moque de ses personnages et parvient à dresser des portraits loufoques. C'est l'histoire d'une tontine, c'est-à-dire que plusieurs personnes mettent de l'argent dans un pot commun et le dernier vivant héritera de la somme totale. Le personnage principal de ce roman est Joseph Finsbury : il adore faire des conférences sur tout et ennuie profondément les gens qui l'écoutent. En plus d'être ennuyeux, il est très prétentieux. Il se retrouve, avec son frère, le seul survivant qui peut prétendre à la tontine. Par malchance, il se retrouve tuteur de ses neveux car son frère cadet décède, et il ruine Maurice qui, devenu plus âgé, décide de se rembourser en récupérant l'argent de la tontine. Pour cela,il ne faut pas que l'oncle Joseph meure. Il le fait surveiller de près par le docteur, ne le quitte pas d'une semelle, jusqu'au jour où le train qu'ils empruntent a un accident...
Malgré le propos qui m'intéressait et le style très plaisant (on rit beaucoup), j'ai abandonné à la moitié du livre. Ce qui est un roman aurait pu être une longue nouvelle, ce qui aurait servi cette histoire. Au lieu de cela, on se perd dans des anecdotes secondaires qui font penser que le roman aurait pu paraître en feuilleton. En fait, c'est la première de trois oeuvres coécrites par R.-L. Stevenson et son beau-fils, Lloyd Osbourne.
Et attention : le titre peut être trompeur...
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Quand les livres tombent des mains...
Voir ci-dessous amour. Tout pour plaire : un beau titre, un auteur israélien, un sujet qui m'attire (Israël, la Shoah), un bon style... Et pourtant. Je n'ai pas dépassé la cinquantaine de pages, pas réussi à accrocher à l'histoire de cet enfant. L'histoire n'avançait pas, et cela n'est pas une condition sine qua non à l'intérêt que je porte à un livre. Le jeune Momik cherche à résoudre le mystère (on lui cache depuis toujours ce qu'ont été les camps et la déportation) et il invente, se fait un monde, entouré de quelques rescapés dont le bras est tatoué pour toujours.
Je saute quelques pages, passe à la deuxième partie, et toujours pas. Je renonce.
Petit Piment de Mabanckou : abandonné aussi, je n'entre pas dans le livre. Ce qui me plaît d'ordinaire dans ses récits est absent.
Profession du père de Sorj Chalandon : abandonné à plus de la moitié du livre. On est dans le témoignage, pas dans la littérature, et on se lasse très vite. Je n'ai pas eu envie de savoir la suite, je trouvais que le récit piétinait. L'histoire a beau être vraie et horrible, elle ne suffit pas à faire un bon roman.
Il y a des périodes où toute lecture tombe des mains.
Abandon de L'Appel du crapaud de Günter Grass (assez vite, pas intéressée) et de Jouir de Catherine Cusset (aucun intérêt avec tous ces prénoms réduits à une initiale, catalogue de séduction et de sexe hétérosexuels très lassant).
Espérons que 2016 commencera sous de meilleurs auspices.
Je saute quelques pages, passe à la deuxième partie, et toujours pas. Je renonce.
Petit Piment de Mabanckou : abandonné aussi, je n'entre pas dans le livre. Ce qui me plaît d'ordinaire dans ses récits est absent.
Profession du père de Sorj Chalandon : abandonné à plus de la moitié du livre. On est dans le témoignage, pas dans la littérature, et on se lasse très vite. Je n'ai pas eu envie de savoir la suite, je trouvais que le récit piétinait. L'histoire a beau être vraie et horrible, elle ne suffit pas à faire un bon roman.
Il y a des périodes où toute lecture tombe des mains.
Abandon de L'Appel du crapaud de Günter Grass (assez vite, pas intéressée) et de Jouir de Catherine Cusset (aucun intérêt avec tous ces prénoms réduits à une initiale, catalogue de séduction et de sexe hétérosexuels très lassant).
Espérons que 2016 commencera sous de meilleurs auspices.
Kashima- Faux-monnayeur
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Le Matrimoine, Hervé Bazin
Alors que j'ai adoré ce qu'on pourrait appeler la trilogie autobiographique Vipère au poing - La mort du petit cheval et Le cri de la chouette, j'ai été très déçue par Le Matrimoine qui m'est tombé des mains. J'avais l’impression que le narrateur s'écoutait écrire (avec, en quelques pages, des tournures assez rebutantes, des jeux vieillots sur les sonorités).
Le sujet m’intéressait pourtant, mais l'atmosphère surannée ne m'a pas charmée du tout, et la narration est diluée dans des détails ennuyeux.
Le sujet m’intéressait pourtant, mais l'atmosphère surannée ne m'a pas charmée du tout, et la narration est diluée dans des détails ennuyeux.
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Le sang noir, Louis Guilloux
Dès les premières pages de ce livre, on sait que l'on pénètre dans un grand roman : le style, les personnages, l'ironie permanente, le goût du détail, le foisonnement, la construction...
Cripure (M. Merlin) est un professeur qui porte une peau de bique. Il est chahuté par ses élèves qui le surnomment ainsi car il est philosophe et c'est la contraction de "Critique de la raison pure". Il vit avec une femme du peuple, Maïa, qui cause mal mais prend bien soin de lui (la scène où elle lui époussette les poils sur sa veste est d'un réalisme qui prête à sourire... ce que j'appelais le goût du détail). Il aime ses chiens, est un original, un peu fou (quand il a trop bu, il parle à son double), et reste dans le souvenir d'un ancien amour, Toinette. D'une souillon, il a eu un fils, Amédée, qui vient le voir pour la première fois alors qu'il s'apprête à partir à la guerre, parce que tout se passe autour de la Grande Guerre : les fils sont partis ; beaucoup reviennent mutilés, ou ne reviennent pas...
Autour de Cripure gravite tout un monde. Les personnages sont décrits avec des images croustillantes. On aime à être dans la tête de chacun, être au coeur de leur hypocrisie, témoins de leurs vices... L'un est ambitieux et fait des mines pour plaire au Général ; une autre est une femme sur le retour, qui s'est amourachée d'un jeune locataire, un autre se croit poète, etc.
Cripure (M. Merlin) est un professeur qui porte une peau de bique. Il est chahuté par ses élèves qui le surnomment ainsi car il est philosophe et c'est la contraction de "Critique de la raison pure". Il vit avec une femme du peuple, Maïa, qui cause mal mais prend bien soin de lui (la scène où elle lui époussette les poils sur sa veste est d'un réalisme qui prête à sourire... ce que j'appelais le goût du détail). Il aime ses chiens, est un original, un peu fou (quand il a trop bu, il parle à son double), et reste dans le souvenir d'un ancien amour, Toinette. D'une souillon, il a eu un fils, Amédée, qui vient le voir pour la première fois alors qu'il s'apprête à partir à la guerre, parce que tout se passe autour de la Grande Guerre : les fils sont partis ; beaucoup reviennent mutilés, ou ne reviennent pas...
Autour de Cripure gravite tout un monde. Les personnages sont décrits avec des images croustillantes. On aime à être dans la tête de chacun, être au coeur de leur hypocrisie, témoins de leurs vices... L'un est ambitieux et fait des mines pour plaire au Général ; une autre est une femme sur le retour, qui s'est amourachée d'un jeune locataire, un autre se croit poète, etc.
“Et quel nom donnerait-on au Hasard après le Hasard?”
“Quelle nuit! “Das ist deine Welt. Das heisst eine Welt.””
“Je voudrais que tout le monde fût heureux. (…) Il faudrait entreprendre dans le monde une grande croisade pour révéler aux hommes la lumière, la pure, la sainte lumière du soleil, que personne ne sait voir. La lumière!”
Quand Cripure a bu, il pense...
“Se sauver - siroter un verre de vin d’Anjou, deux, trois, sans rien faire d’autre que boire, sans penser à rien, oublier, comme le plus quelconque des hommes, c’était peut-être le bon sens. Peut-être! Il n’y avait peut-être pas autre chose à faire dans ce monde dont ils n’avaient rien fait.”
“Amor fati : que cela soit dorénavant mon amour.”
“L’amour conjugal est une belle chose, cet amour dont ils ne parlaient jamais entre eux, bien sûr, mais qui était sous-entendu “comme il est sous-entendu que le mort gît sous la dalle”. Qu’est-ce qui faisait qu’ils restaient ensemble toute la vie? - La fascination.”
“Mentir, quelle joie profonde! Quelle belle corde pour se pendre!”
“In deinem Tau gesund mich baden!”
— (“Et me baigner rajeuni dans la fraîcheur de ta rosée!”)
Faust, Goethe (cité par Cripure)
“Traîner son coeur en laisse sous la forme d’un petit chien jaune et hagard…”
La vieille amoureuse supplie le jeune homme :
Excédé par Nabucet, Cripure, sans le prémiditer, lui donne une grande gifle en pleine rue. Nabucet veut réparation et lui réclame un duel.
Le Sang noir est un livre foisonnant, qui met en scène les bassesses humaines.
Le Sang noir est un livre foisonnant, qui met en scène les bassesses humaines.
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
L'amour conjugal, Moravia
En lisant les premières pages, où le narrateur fait le portrait de sa femme et le sien, j'ai craint pour la suite. Et finalement, j'ai bien aimé ce roman qui raconte comment un homme, très amoureux de Léda qu'il vient d'épouser, et qui décide d'être écrivain, se met en tête de ne plus perdre ses forces dans les étreintes physiques. Tous les soirs, ils font l'amour, et il se rend compte qu'il n'avance pas beaucoup dans son travail le lendemain.
Comme Léda rêve qu'il écrive et fasse son œuvre, elle est d'accord pour qu'ils mettent un terme à leurs ébats amoureux jusqu'à ce que le roman soit terminé. Sa "libido" est donc entièrement consacrée à l'écriture, au point qu'il se centre sur lui-même, écrit comme un fou et se persuade d'être en train de créer un chef-d’œuvre.
Il y a aussi la présence d'Antonio, paysan et barbier, d'une grande laideur et dégoûtant, qui vient tous les jours à domicile le raser avant le repas. Alors qu'il a coiffé Léda, celle-ci se plaint à son mari de son attitude déplacée en envers elle. Il ne veut pas la croire et ne prend pas au sérieux son caprice lorsqu'elle lui demande de le renvoyer.
Ce court roman se lit bien, surtout que c'est celui qu'est en train d'écrire le narrateur. Cela crée un certain relief, d'autant plus qu'on ne sait pas quelle version nous tenons entre les mains puisque, déçu par ce qu'il a écrit, le narrateur se promet de le refaire quand les choses seront apaisées entre sa femme et lui. "Tu m'as trop idéalisée", lui dit-elle. La question de l'écriture et de la transposition de la réalité est au cœur de ce texte. Mon premier Moravia, plutôt plaisant.
Kashima- Faux-monnayeur
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