Les animaux dénaturés
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Les animaux dénaturés
Les Animaux dénaturés (1952) raconte comment Douglas, un journaliste britannique, se retrouve dans une expédition en Nouvelle-Guinée parmi un groupe de scientifiques. Sur place, ils rencontrent des animaux, parents du singe ou de l'homme, qu'ils nomment tropis.
Afin de définir si on peut les rallier à l'espèce humaine, ils décident de se livrer à l'expérience suivante : inséminer artificiellement des femelles tropis et voir si elles peuvent avoir des enfants de l'homme...
Douglas rentre en Angleterre et descend de l'avion avec Derry, la femelle enceinte de lui. Quand le bébé va naître, il prend la décision de lui injecter un produit mortel et de le tuer, après l'avoir fait baptiser et enregistrer à l'état civil. La question que le tribunal devra trancher est : Douglas est-il coupable de meurtre et, par la même, les tropis sont-ils des êtres humains?
Malgré la thématique, je n'ai pas été passionnée par ce livre que j'avais pourtant très envie de lire. J'attendais peut-être un plaidoyer pour l'animal là où je n'ai vu qu'un plaidoyer pour l'espèce humaine et sa prétendue exception. Je trouve que la question qu'il pose, de la frontière de l'humanité, est intéressante, mais les débats sont faussés, pour ma part, dès le départ, car je ne partage pas la logique du tribunal, disant qu'il ne peut y avoir meurtre que si l'on a tué un être humain. Je crois qu'on n'en est plus là et que la notion de meurtre devrait être applicable à partir du moment où a tué un être vivant, en tout cas à redéfinir elle aussi parce qu'elle n'est pas simple. Mais on devrait pouvoir dépasser cette unicité et cette sacralisation de l'humain.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le sujet du livre, mais il a le mérite de mettre les jurés face à un dilemme : comment juger une affaire comme celle-ci si l'on n'a même pas une définition de l'être humain?
La complexité est la suivante : il semble que Douglas se condamne car il veut que les tropis soient reconnus comme appartenant à l’espèce humaine mais, en même temps, son meurtre du tropiot en ferait un criminel. Et accorder aux tropis l'humanité, ce sera aussi les vouer à servir de main-d’œuvre dans les industries. Les défenseurs des tropis risquent aussi de faire leur malheur.
On en arrivera à cette définition, qui ne pourra être reconnue comme officielle car trop lourde à digérer pour les peuples :
"Confondu avec la nature, l'animal ne peut l'interroger. Voilà, il me semble, le point que nous cherchons. L'animal fait un avec la nature. L'homme fait deux. Pour passer de l'inconscience passive à la conscience interrogative, il a fallu ce schisme, ce divorce, il a fallu cet arrachement. N'est-ce point la frontière justement? Animal avant l'arrachement, homme après lui? Des animaux dénaturés, voilà ce que nous sommes." (p 280)
Pour le grand public, on se contentera cependant de dire que "l'homme se distingue de l’animal par son esprit religieux".
A côté de cela, j'ai retenu ce passage où Sir Arthur, le juge, se pose ces questions sur la justice et le bien public et souligne une contradiction concernant les circonstances atténuantes qu'on accorde aux fous ou aux malades :
"La notion fondamentale de culpabilité, comment la définir? Sonder les reins et les cœurs, quelle incroyable rétention! Et quelle absurdité : qu'une faiblesse mentale diminue la responsabilité d'un délinquant, elle excuse en partie son acte et nous le condamnons moins durement. Or, pourquoi l'excuse-t-elle? Parce qu'il est moins capable qu'un autre de résister à ses impulsions : mais par conséquent il récidivera. Il eût donc fallu au contraire plus qu'un autre hors d'état de nuire ; lui appliquer la peine la plus forte et plus durable qu'à celui qui n'a pas d'excuse : puisque celui-ci ensuite trouvera, dans sa raison et le souvenir de la peine encourue, la force de se surmonter. Mais un sentiment nous dit que ce ne serait pas humain, ni équitable. Ainsi le bien public et l'équité s'opposent implacablement." (p 198)
Afin de définir si on peut les rallier à l'espèce humaine, ils décident de se livrer à l'expérience suivante : inséminer artificiellement des femelles tropis et voir si elles peuvent avoir des enfants de l'homme...
Douglas rentre en Angleterre et descend de l'avion avec Derry, la femelle enceinte de lui. Quand le bébé va naître, il prend la décision de lui injecter un produit mortel et de le tuer, après l'avoir fait baptiser et enregistrer à l'état civil. La question que le tribunal devra trancher est : Douglas est-il coupable de meurtre et, par la même, les tropis sont-ils des êtres humains?
Malgré la thématique, je n'ai pas été passionnée par ce livre que j'avais pourtant très envie de lire. J'attendais peut-être un plaidoyer pour l'animal là où je n'ai vu qu'un plaidoyer pour l'espèce humaine et sa prétendue exception. Je trouve que la question qu'il pose, de la frontière de l'humanité, est intéressante, mais les débats sont faussés, pour ma part, dès le départ, car je ne partage pas la logique du tribunal, disant qu'il ne peut y avoir meurtre que si l'on a tué un être humain. Je crois qu'on n'en est plus là et que la notion de meurtre devrait être applicable à partir du moment où a tué un être vivant, en tout cas à redéfinir elle aussi parce qu'elle n'est pas simple. Mais on devrait pouvoir dépasser cette unicité et cette sacralisation de l'humain.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le sujet du livre, mais il a le mérite de mettre les jurés face à un dilemme : comment juger une affaire comme celle-ci si l'on n'a même pas une définition de l'être humain?
La complexité est la suivante : il semble que Douglas se condamne car il veut que les tropis soient reconnus comme appartenant à l’espèce humaine mais, en même temps, son meurtre du tropiot en ferait un criminel. Et accorder aux tropis l'humanité, ce sera aussi les vouer à servir de main-d’œuvre dans les industries. Les défenseurs des tropis risquent aussi de faire leur malheur.
On en arrivera à cette définition, qui ne pourra être reconnue comme officielle car trop lourde à digérer pour les peuples :
"Confondu avec la nature, l'animal ne peut l'interroger. Voilà, il me semble, le point que nous cherchons. L'animal fait un avec la nature. L'homme fait deux. Pour passer de l'inconscience passive à la conscience interrogative, il a fallu ce schisme, ce divorce, il a fallu cet arrachement. N'est-ce point la frontière justement? Animal avant l'arrachement, homme après lui? Des animaux dénaturés, voilà ce que nous sommes." (p 280)
Pour le grand public, on se contentera cependant de dire que "l'homme se distingue de l’animal par son esprit religieux".
A côté de cela, j'ai retenu ce passage où Sir Arthur, le juge, se pose ces questions sur la justice et le bien public et souligne une contradiction concernant les circonstances atténuantes qu'on accorde aux fous ou aux malades :
"La notion fondamentale de culpabilité, comment la définir? Sonder les reins et les cœurs, quelle incroyable rétention! Et quelle absurdité : qu'une faiblesse mentale diminue la responsabilité d'un délinquant, elle excuse en partie son acte et nous le condamnons moins durement. Or, pourquoi l'excuse-t-elle? Parce qu'il est moins capable qu'un autre de résister à ses impulsions : mais par conséquent il récidivera. Il eût donc fallu au contraire plus qu'un autre hors d'état de nuire ; lui appliquer la peine la plus forte et plus durable qu'à celui qui n'a pas d'excuse : puisque celui-ci ensuite trouvera, dans sa raison et le souvenir de la peine encourue, la force de se surmonter. Mais un sentiment nous dit que ce ne serait pas humain, ni équitable. Ainsi le bien public et l'équité s'opposent implacablement." (p 198)
Sur Vercors et ce livre : http://vercorsecrivain.pagesperso-orange.fr/animauxdenatures.html
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