L'Enfer du Roman - Richard Millet
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Sibelius, Richard Millet
Ce livre est fait pour les personnes passionnées de musique classique, et qui s'y connaissent très bien.
Toujours dans sa langue impeccable, Richard Millet raconte Sibelius, sans se livrer à l'exercice biographique. Il est question de sa création, de sa musique, de ses silences, du vol des cygnes sur des eaux gelées.
Il me manquait trop d'éléments pour y prendre vraiment plaisir, mais c'est un beau livre à conseiller aux musiciens et mélomanes.
“Il demeurait sous ses songes comme au-dessous des nuages. (…) Il fera en sorte qu’une lumière inouïe troue ces nuages.”
Toujours dans sa langue impeccable, Richard Millet raconte Sibelius, sans se livrer à l'exercice biographique. Il est question de sa création, de sa musique, de ses silences, du vol des cygnes sur des eaux gelées.
Il me manquait trop d'éléments pour y prendre vraiment plaisir, mais c'est un beau livre à conseiller aux musiciens et mélomanes.
“Il demeurait sous ses songes comme au-dessous des nuages. (…) Il fera en sorte qu’une lumière inouïe troue ces nuages.”
Kashima- Faux-monnayeur
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Le dernier écrivain, Richard Millet
Dans ce court essai, Richard Millet explique ce qu'est devenu la littérature de notre époque. Le dernier écrivain, c'est lui, et c'est aussi celui qui croit encore à la littérature, au recueillement, à la solitude, à l'absence.
Kashima- Faux-monnayeur
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Le corps politique de Gérard Depardieu, Richard Millet
La thèse est celle que Richard Millet développe dans la plupart de ses essais : la France est en train de s'éteindre, au profit d'un multiculturalisme qui lisse tout. Le culturel a remplacé la culture, l'horizontalité a remplacé la verticalité. Plus d'héritage, mais une sorte de mise sur le même plan de tout.
Depardieu incarne la France, mais aussi son reniement d'elle-même. Ces pages sont un hommage à l'acteur, à son corps et à sa présence et à sa place dans le cinéma français.
"Le dernier ouvrage de Millet est une magnifique méditation sur ce qu’est Gérard Depardieu : la France et sa négation tout à la fois. Depardieu est ce corps rabelaisien, cette voix profondément française dans toutes ses variations, dans toutes ses gammes, dans ses ondes, ses subtilités et ses sources, dans son coffre, et dans ce phrasé sublime ; il est cette voix qui nous parle et qui nous dit notre vérité à nous autres, Français ; Français-survivants qui refusons d’abandonner cette « citoyenneté dégradée par le multiculturalisme »."
http://www.bvoltaire.fr/yohannrimokh/livre-corps-politique-gerard-depardieu-richard-millet,131504
Depardieu incarne la France, mais aussi son reniement d'elle-même. Ces pages sont un hommage à l'acteur, à son corps et à sa présence et à sa place dans le cinéma français.
"Le dernier ouvrage de Millet est une magnifique méditation sur ce qu’est Gérard Depardieu : la France et sa négation tout à la fois. Depardieu est ce corps rabelaisien, cette voix profondément française dans toutes ses variations, dans toutes ses gammes, dans ses ondes, ses subtilités et ses sources, dans son coffre, et dans ce phrasé sublime ; il est cette voix qui nous parle et qui nous dit notre vérité à nous autres, Français ; Français-survivants qui refusons d’abandonner cette « citoyenneté dégradée par le multiculturalisme »."
http://www.bvoltaire.fr/yohannrimokh/livre-corps-politique-gerard-depardieu-richard-millet,131504
Kashima- Faux-monnayeur
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Cité perdue, Richard Millet
Cité perdue est un récit de voyage, d'un retour à Istanbul, la ville aux trois noms. Richard Millet a quitté le Liban en 1967. En 1995, il retourne en Turquie et visite la cité perdue dans un voyage littéraire.
Ce n'est pas la nostalgie qui l'accompagne, c'est la langue et les synesthésies.
“Pas de vert paradis, mais le désert de l’amour, déjà, le désespoir, la force du renoncement, le sombre parfum des roses dans le chant des morts, et bientôt l’écriture, le sacrifice, le frein à ronger, l’os, les orties, les ronces, le ciel trop bleu.”
“L’extrême beauté des femmes a je ne sais quoi d’exténuant, de désespérant.”
Kashima- Faux-monnayeur
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Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes
Je crains que le serpent ne se morde la queue : dans ce texte, Richard Millet s'adresse, entre autres, à ceux qui ne le lisent pas et qui ont fait partie de la meute hurlante, réclamant sa tête lors de ce qu'on appelle "l'affaire Millet".
Il revient sur les faits, tente d'expliquer comment on peut arriver à une telle haine envers quelqu'un sans même l'avoir lu, en fantasmant ce qu'il aurait pu écrire, en caricaturant, en ne s'attachant qu'à une infime partie de l'oeuvre.
Il revient sur le fait qu'on l'ait accusé de faire l'apologie du tueur Anders Breivik, de ne pas faire de cas de ses victimes. Pourtant, le titre n'était qu'une antiphrase qui était là pour illustrer la mort de la littérature et qui s'inscrivait dans un projet général de réflexion sur ce thème. Langue fantôme, Le sentiment de la langue, L'enfer du Roman, etc.
Il aurait fallu miser sur l'intelligence des lecteurs, ce qui est déjà tout un programme, mais en plus, on ne lit pas, on commente à partir des on-dit.
Il y a comme un consensus dans le faux monde des lettres : Richard Millet est persona non grata. Il est catalogué : extrême-droite, fasciste, raciste, parce qu'il ose réfléchir sur des problèmes de notre siècle : la déchristianisation de l'Europe, l'immigration extra-européenne massive et le multiculturalisme.
Une "vieille femme" (entendons Annie Ernaux) est parvenue à avoir sa peau en faisant signer une pétition contre lui afin qu'il soit renvoyé du comité de lecture Gallimard.
Ce qu'il écrit est terrifiant parce qu'on se met à la place de l'écrivain qu'une fausse rumeur, que la mauvaise foi à grande échelle, teintée de bien-pensance, a réussi à mettre à la marge. Richard Millet continue d'écrire, de publier, car c'est sa seule arme. Il ne peut que tenter de nommer encore et encore les choses face au mensonge qui n'en finit pas.
Il est plus que fréquent, d'ailleurs, de croiser des gens qui font la moue ou disent : "Tu lis un réac, toi?" alors qu'ils n'ont même pas ouvert un livre de lui, et surtout pas celui qui est l'objet du crime. Ces réactions sont vraiment symptomatiques de notre époque qui baigne dans le prêt-à-penser et le ventre mou de la démocratie, où l'on aime "parler de" sans avoir vu ni lu, en s'appuyant sur la doxa.
A retenir : un livre sorti récemment et qui s'intitule : L'Affaire Richard Millet. Critique de la bien-pensance (Muriel de Rengervé).
Kashima- Faux-monnayeur
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Israël depuis Beaufort
Richard Millet est catholique. Il a combattu au Liban, dans les rangs des phalangistes. Il a connu la guerre pour l'avoir faite. Dans ce livre, il fustige le nouveau marxisme qu'est "la cause palestinienne", caution de la haine du juif, le multiculturalisme qui a remplacé la culture, et il revient aussi sur certains faits de sa vie.
Un éloge d'Israël comme il fait plaisir d'en lire, dans la pensée toute prête ambiante.
"On me pardonnera donc d'employer le verbe émigrer dans un sens absolu, c'est-à-dire dans la douleur de la séparation : celle de voir, de mon côté, les juifs français quitter la France, et celle, pour moi, de ne savoir où émigrer, sinon en moi-même, dans ce site hors territoire qu'est la littérature."
"Israël demeure pour moi le pays d'en face, et Beaufort la citadelle intérieure d'où je le contemple."
Un éloge d'Israël comme il fait plaisir d'en lire, dans la pensée toute prête ambiante.
"On me pardonnera donc d'employer le verbe émigrer dans un sens absolu, c'est-à-dire dans la douleur de la séparation : celle de voir, de mon côté, les juifs français quitter la France, et celle, pour moi, de ne savoir où émigrer, sinon en moi-même, dans ce site hors territoire qu'est la littérature."
"Israël demeure pour moi le pays d'en face, et Beaufort la citadelle intérieure d'où je le contemple."
Kashima- Faux-monnayeur
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Province, Richard Millet
Même si je trouve toujours l'écriture de Richard Millet belle, j'ai eu l'impression que le roman s'enlisait à partir d'un moment (abandonné p.188).
Le rejet systématique de ce qui n'est pas "l'homme blanc hétérosexuel", avec des assertions tellement ridicules du type "toute lesbienne déteste les hommes", la récurrence des attaques contre le mariage pour tous, les affirmations à l'emporte-pièces ont eu raison de moi cette fois-ci.
Richard Millet s'enferme de plus en plus dans ses préjugés et cela gâche sa littérature. L'odeur de l'amertume commence à prendre le dessus sur le reste.
Son héros, encore une fois un double littéraire (appelé "Mambre", pas besoin de leçon d'onomastique) semble détenir toujours la vérité. Et à force de tiquer sur des passages, le lecteur se lasse et ne pardonne plus, quelle que soit la qualité du style (attention tout de même à l'utilisation abusive du "néanmoins").
Le rejet systématique de ce qui n'est pas "l'homme blanc hétérosexuel", avec des assertions tellement ridicules du type "toute lesbienne déteste les hommes", la récurrence des attaques contre le mariage pour tous, les affirmations à l'emporte-pièces ont eu raison de moi cette fois-ci.
Richard Millet s'enferme de plus en plus dans ses préjugés et cela gâche sa littérature. L'odeur de l'amertume commence à prendre le dessus sur le reste.
Son héros, encore une fois un double littéraire (appelé "Mambre", pas besoin de leçon d'onomastique) semble détenir toujours la vérité. Et à force de tiquer sur des passages, le lecteur se lasse et ne pardonne plus, quelle que soit la qualité du style (attention tout de même à l'utilisation abusive du "néanmoins").
Kashima- Faux-monnayeur
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Le sommeil des objets, Millet
Article pour Le Salon littéraire, novembre 2019.
Je tiens la prose de Richard Millet pour la plus belle de notre époque. Son écriture est ressassement ; par je ne sais quelle prouesse, son style change en merveilles la laideur et la puanteur. À chaque lecture, je retrouve cette sensation qu’on n’éprouve avec personne d’autre. Le désir et la mort se confondent, le passé avale le présent, qui fossoie inlassablement et joue de sa lancinance.
Par le fragment, Richard Millet compose une esthétique du rebut dans Le Sommeil des objets. Les textes se succèdent pour dire ce qu’on « réprouve » et ce qu’on « cache » ; ils se répondent et s’accumulent, racontent par bribes le quotidien, les souvenirs d’enfance ou d’amour. Certains forment un refrain ou un thème musical, tels les « Immondices » qui montrent ce qu’il y a de « plus rebutant » par l’exemple de ce rom, exclu de la société, qui se soulage dans une station du RER, s’essuie avec ses doigts contre le mur où il dépose un « infect hiéroglyphe, (…) ce signe de la misère de l’homme ». Son étron trônera des semaines sans que personne ne le fasse disparaître, jusqu’au retour des beaux jours, où le nettoyage à grande eau éclipse enfin la déjection humaine.
Richard Millet fait l’inventaire de sa corbeille de bureau, sous la forme de natures mortes qu’il nomme « Compositions ». Et la liste n’est pas fastidieuse, elle prend même des allures poétiques et étranges, car il a le don d’insuffler à la moindre chose le poids de la nostalgie.
Les rebuts ne sont pas seulement ce qu’on remise à la cave ou au grenier — l’auteur a d’ailleurs à ce propos une explication quasi métaphysique : ce qu’on monte au grenier est rarement fait pour redescendre et semble au rebut pour toujours, alors que la cave s’offre au consommable, laissant l’espoir de retrouvailles pratiques avec ses objets : « Le grenier, lui, suppose une montée qui est en vérité une chute. Il suggère la ‘mise au rebut’ définitive » (« De la cave au grenier », p.27) —, ils sont aussi ces stupéfiantes momies des catacombes de Palerme, qui se tiennent encore debout, le sourire aux lèvres ou les rubans dans la chevelure éteinte ; ils sont ces morts que les Malgaches déterrent tous les sept ans, pour les faire danser sur leurs tombes, ou la décharge libanaise de Saïda qui peu à peu s’effondre sur la mer et contribue au développement du continent de plastique, auquel est consacré aussi un texte (« Le septième continent », p.144).
Les amantes vivent dans le souvenir érotique d’un mouchoir jeté à la corbeille. Il y a cette culotte retrouvée dans un sac dont l’auteur veut se débarrasser, et l’hommage solitaire rendu à la femme qui la portait et dont il ne se souvient plus, ou encore la conversation avec Camille, propre au style de l’auteur qui éprouve du dégoût face à la bassesse des corps. « Pourquoi n’aimes-tu pas l’ail ? » lui dit-elle. Et il ne lui révèle pas les images anti-érotiques que cette question suscite, ni cette pensée de la potentielle maîtresse en train de « délivrer ses entrailles ». Dans Lauve le Pur, le narrateur a pu quitter une femme pour une odeur. La pudeur de voiler les relents corporels est aussi un rempart contre la grossièreté.
Un de plus beaux passages sur le rebut, en lien avec l’amour, se trouve dans « Le rebuté » (p.99) :
« Rebuté par une femme, donc rebutant : me voilà dans l’absolu de la solitude, la déréliction. Être abandonné d’une femme, ou de Dieu, c’est pour ainsi dire la même chose ; c’est le défaut d’amour, une condamnation à la condition de mort-vivant : je suis le rebuté, le ténébreux, le prince déchu du vrai royaume ici-bas qu’est l’amour partagé. »
Dans Le Sommeil des objets, les rognures d’ongles font pousser les arbres, les listes de courses deviennent une litanie qui peut se muer en œuvre d’art. Le passé, « grande décharge du temps », revit dans l’écriture de certains souvenirs fugaces, comme la jambe de plâtre de l’aïeul, jambe qu’on ne voulait pas enterrer de peur d’ensevelir vivante une part de soi, le lit où le père est mort, qu’on a démonté, remisé, que nul ne veut plus occuper, la brosse de fer avec laquelle on décrottait les vaches. C’est un temps révolu, qui ne reviendra jamais et dont on sent la pudique déploration.
Par des résurgences littéraires, Richard Millet nous donne envie de lire Yoko Ogawa, son Musée du silence où s’entassent les objets dérobés à des morts. On croise l’avare des Âmes mortes, la Catherine Crachat de Pierre-Jean Jouve, héroïne capable de porter un nom qui recouvre tant de répugnance. En feuilletant un livre, le lecteur tombe sur un ticket de métro ou la photographie d’un mort. L’œuvre de Millet est ainsi : elle nous ramène à notre finitude, car tout finit toujours dans la grande Poubelle de l’existence, parmi les « débris d’os (et) les restes de couronnes mortuaires » (« La benne des morts », p.60.). Le cerveau de Talleyrand, « cette cervelle qui avait pensé tant de choses (et) inspiré tant d’hommes », n’a-t-il pas fini à l’égout… ?
Arrière-petite fille de Déchet, j’aurais voulu que le livre fût interminable.
Céline Maltère
http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/les-anciens-et-les-modernes/content/1949874-richard-millet-le-sommeil-des-objets-finitudes
Par le fragment, Richard Millet compose une esthétique du rebut dans Le Sommeil des objets. Les textes se succèdent pour dire ce qu’on « réprouve » et ce qu’on « cache » ; ils se répondent et s’accumulent, racontent par bribes le quotidien, les souvenirs d’enfance ou d’amour. Certains forment un refrain ou un thème musical, tels les « Immondices » qui montrent ce qu’il y a de « plus rebutant » par l’exemple de ce rom, exclu de la société, qui se soulage dans une station du RER, s’essuie avec ses doigts contre le mur où il dépose un « infect hiéroglyphe, (…) ce signe de la misère de l’homme ». Son étron trônera des semaines sans que personne ne le fasse disparaître, jusqu’au retour des beaux jours, où le nettoyage à grande eau éclipse enfin la déjection humaine.
Richard Millet fait l’inventaire de sa corbeille de bureau, sous la forme de natures mortes qu’il nomme « Compositions ». Et la liste n’est pas fastidieuse, elle prend même des allures poétiques et étranges, car il a le don d’insuffler à la moindre chose le poids de la nostalgie.
Les rebuts ne sont pas seulement ce qu’on remise à la cave ou au grenier — l’auteur a d’ailleurs à ce propos une explication quasi métaphysique : ce qu’on monte au grenier est rarement fait pour redescendre et semble au rebut pour toujours, alors que la cave s’offre au consommable, laissant l’espoir de retrouvailles pratiques avec ses objets : « Le grenier, lui, suppose une montée qui est en vérité une chute. Il suggère la ‘mise au rebut’ définitive » (« De la cave au grenier », p.27) —, ils sont aussi ces stupéfiantes momies des catacombes de Palerme, qui se tiennent encore debout, le sourire aux lèvres ou les rubans dans la chevelure éteinte ; ils sont ces morts que les Malgaches déterrent tous les sept ans, pour les faire danser sur leurs tombes, ou la décharge libanaise de Saïda qui peu à peu s’effondre sur la mer et contribue au développement du continent de plastique, auquel est consacré aussi un texte (« Le septième continent », p.144).
Les amantes vivent dans le souvenir érotique d’un mouchoir jeté à la corbeille. Il y a cette culotte retrouvée dans un sac dont l’auteur veut se débarrasser, et l’hommage solitaire rendu à la femme qui la portait et dont il ne se souvient plus, ou encore la conversation avec Camille, propre au style de l’auteur qui éprouve du dégoût face à la bassesse des corps. « Pourquoi n’aimes-tu pas l’ail ? » lui dit-elle. Et il ne lui révèle pas les images anti-érotiques que cette question suscite, ni cette pensée de la potentielle maîtresse en train de « délivrer ses entrailles ». Dans Lauve le Pur, le narrateur a pu quitter une femme pour une odeur. La pudeur de voiler les relents corporels est aussi un rempart contre la grossièreté.
Un de plus beaux passages sur le rebut, en lien avec l’amour, se trouve dans « Le rebuté » (p.99) :
« Rebuté par une femme, donc rebutant : me voilà dans l’absolu de la solitude, la déréliction. Être abandonné d’une femme, ou de Dieu, c’est pour ainsi dire la même chose ; c’est le défaut d’amour, une condamnation à la condition de mort-vivant : je suis le rebuté, le ténébreux, le prince déchu du vrai royaume ici-bas qu’est l’amour partagé. »
Dans Le Sommeil des objets, les rognures d’ongles font pousser les arbres, les listes de courses deviennent une litanie qui peut se muer en œuvre d’art. Le passé, « grande décharge du temps », revit dans l’écriture de certains souvenirs fugaces, comme la jambe de plâtre de l’aïeul, jambe qu’on ne voulait pas enterrer de peur d’ensevelir vivante une part de soi, le lit où le père est mort, qu’on a démonté, remisé, que nul ne veut plus occuper, la brosse de fer avec laquelle on décrottait les vaches. C’est un temps révolu, qui ne reviendra jamais et dont on sent la pudique déploration.
Par des résurgences littéraires, Richard Millet nous donne envie de lire Yoko Ogawa, son Musée du silence où s’entassent les objets dérobés à des morts. On croise l’avare des Âmes mortes, la Catherine Crachat de Pierre-Jean Jouve, héroïne capable de porter un nom qui recouvre tant de répugnance. En feuilletant un livre, le lecteur tombe sur un ticket de métro ou la photographie d’un mort. L’œuvre de Millet est ainsi : elle nous ramène à notre finitude, car tout finit toujours dans la grande Poubelle de l’existence, parmi les « débris d’os (et) les restes de couronnes mortuaires » (« La benne des morts », p.60.). Le cerveau de Talleyrand, « cette cervelle qui avait pensé tant de choses (et) inspiré tant d’hommes », n’a-t-il pas fini à l’égout… ?
Arrière-petite fille de Déchet, j’aurais voulu que le livre fût interminable.
Céline Maltère
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Kashima- Faux-monnayeur
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