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Stéphane Mallarmé

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Stéphane Mallarmé Empty Stéphane Mallarmé

Message  Kashima Ven 24 Oct 2008 - 17:18

Comme vous l'avez remarqué, j'ai donné, à la rubrique "écriture", le début d'un poème de Mallarmé : "Le vierge, le vivace", avec le cygne/signe perdu sur le lac/la page blanc(he).

Le poème qui me fait vraiment quelque chose est celui qui s'appelle Hérodiade. On aurait l'impression de lire du cristal.
C'est un dialogue en alexandrins entre Hérodiade et sa nourrice, une Hérodiade vierge et intouchable, qui refuse de se livrer. J'y sens peut-être quelque chose de lesbien aussi...
J'avais entrepris de l'apprendre par coeur il y a quelques années, et j'ai arrêté en chemin. C'est pour cela que parfois, il m'en revient des bribes entêtantes, comme le premier vers (je mets en gras mes préférés) ou l'"Hérodiade au clair...":


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NOURRICE
Tu vis! ou vois-je ici l’ombre d’une princesse?
À mes lèvres tes doigts et leurs bagues et cesse
De marcher dans un âge ignoré…

HÉRODIADE

Reculez.
Le blond torrent de mes cheveux immaculés
Quand il baigne mon corps solitaire le glace
D’horreur, et mes cheveux que la lumière enlace
Sont immortels. O femme, un baiser me tuerait
Si la beauté n’était la mort…
Par quel attrait
Menée et quel matin oublié des prophètes
Verse, sur les lointains mourants, ses tristes fêtes,
Le sais-je? tu m’as vue, ô nourrice d’hiver,
Sous la lourde prison de pierres et de fer
Où de mes vieux lions traînent les siècles fauves
Entrer, et je marchais, fatale, les mains sauves,
Dans le parfum désert de ses anciens rois:
Mais encore as-tu-vu quels furent mes effrois?
Je m’arrête rêvant aux exils, et j’effeuille,
Comme près d’un bassin dont le jet d’eau m’accueille
Les pâles lys qui sont en moi, tandis qu’épris
De suivre du regard les languides débris
Descendre, à travers ma rêverie, en silence,
Les lions, de ma robe écartent l’indolence
Et regardent mes pieds qui calmeraient la mer.
Calme, toi, les frissons de ta sénile chair,
Viens et ma chevelure imitant les manières
Trop farouches qui font votre peur des crinières,
Aide-moi, puisqu’ainsi tu n’oses plus me voir,
À me peigner nonchalamment dans un miroir.

NOURRICE

Sinon la myrrhe gaie en ses bouteilles closes,
De l’essence ravie aux vieillesses de roses,
Voulez-vous, mon enfant, essayer la vertu
Funèbre?

HÉRODIADE

Laisse-là ces parfums! ne sais-tu
Que je les hais, nourrice, et veux-tu que je sente
Leur ivresse noyer ma tête languissante?
Je veux que mes cheveux qui ne sont pas des fleurs
À répandre l’oubli des humaines douleurs
Mais de l’or, à jamais vierge des aromates,
Dans leurs éclairs cruels et dans leurs pâleurs mates,
Observent la froideur stérile du métal,
Vous ayant reflétés, joyaux du mur natal,
Armes, vases depuis ma solitaire enfance.


NOURRICE

Pardon! l’âge effaçait, reine, votre défense
De mon esprit pâli comme un vieux livre ou noir…

HÉRODIADE

Assez! Tiens devant moi ce miroir.
O miroir!
Eau froide par l’ennui dans ton cadre gelée

Que de fois et pendant les heures, désolée
Des songes et cherchant mes souvenirs qui sont
Comme des feuilles sous ta glace au trou profond,
Je m’apparus en toi comme une ombre lointaine
Mais, horreur! des soirs, dans ta sévère fontaine,
J’ai de mon rêve épars connu la nudité!
Nourrice, suis-je belle?

NOURRICE

Un astre, en vérité
Mais cette tresse tombe…

HÉRODIADE

Arrête dans ton crime
Qui refroidit mon sang vers sa source, et réprime
Ce geste, impiété fameuse: ah! conte-moi
Quel sûr démon te jette en le sinistre émoi,
Ce baiser, ces parfums offerts et, le dirai-je?
O mon coeur, cette main encore sacrilège,
Car tu voulais, je crois, me toucher, sont un jour
Qui ne finira pas sans malheur sur la tour…
O jour qu’Hérodiade avec effroi regarde!

NOURRICE

Temps bizarre, en effet, de quoi le ciel vous garde!
Vous errez, ombre seule et nouvelle fureur,
Et regardant en vous précoce avec terreur;
Mais toujours adorable autant qu’une immortelle,
O mon enfant, et belle affreusement, et telle
Que…

HÉRODIADE

Mais n’allais-tu pas me toucher?

NOURRICE

… J’aimerais
Etre à qui le Destin réserve vos secrets.

HÉRODIADE

Oh! tais-toi!

NOURRICE

Viendra-t-il parfois?

HÉRODIADE

Étoiles pures,
N’entendez pas!

NOURRICE

Comment, sinon parmi d’obscures
Épouvantes, songer plus implacable encor
Et comme suppliant le dieu que le trésor
De votre grâce attend! et pour qui, dévorée
D’angoisse, gardez-vous la splendeur ignorée
Et le mystère vain de votre être?

HÉRODIADE

Pour moi.

NOURRICE

Triste fleur qui croît seule et n’a pas d’autre émoi
Que son ombre dans l’eau vue avec atonie.


HÉRODIADE

Va, garde to pitié comme ton ironie.

NOURRICE

Toutefois expliquez: oh! non, naïve enfant,
Décroîtra, quelque jour, ce dédain triomphant…

HÉRODIADE

Mais qui me toucherait, des lions respectée?
Du reste, je ne veux rien d’humain et, sculptée,
Si tu me vois les yeux perdus au paradis,
C’est quand je me souviens de ton lait bu jadis.

NOURRICE

Victime lamentable à son destin offerte!

HÉRODIADE

Oui, c’est pour moi, pour moi, que je fleuris, déserte!
Vous le savez, jardins d’améthyste, enfouis
Sans fin dans vos savants abîmes éblouis,
Ors ignorés, gardant votre antique lumière
Sous le sombre sommeil d’une terre première,
Vous, pierres où mes yeux comme de purs bijoux
Empruntent leur clarté mélodieuse, et vous
Métaux qui donnez à ma jeune chevelure
Une splendeur fatale et sa massive allure!
Quant à toi, femme née en des siècles malins
Pour la méchanceté des antres sibyllins,
Qui parles d’un mortel! selon qui, des calices
De mes robes, arôme aux farouches délices,
Sortirait le frisson blanc de ma nudité,
Prophétise que si le tiède azur d’été,
Vers lui nativement la femme se dévoile,
Me voit dans ma pudeur grelottante d’étoile,
Je meurs!
J’aime l’horreur d’être vierge et je veux
Vivre parmi l’effroi que me font mes cheveux
Pour, le soir, retirée en ma couche, reptile
Inviolé sentir en la chair inutile
Le froid scintillement de ta pâle clarté
Toi qui te meurs, toi qui brûles de chasteté
Nuit blanches de glaçons et de neige cruelle!

Et ta soeur solitaire, ô ma soeur éternelle
Mon rêve montera vers toi: telle déjà,
Rare limpidité d’un coeur qui le songea,
Je me crois seule en ma monotone patrie
Et tout, autour de moi, vit dans l’idolâtrie
D’un miroir qui reflète en son calme dormant
Hérodiade au clair regard de diamant…
O charme dernier, oui! je le sens, je suis seule.

NOURRICE

Madame, allez-vous donc mourir?

HÉRODIADE

Non, pauvre aïeule,
Sois calme et, t’éloignant, pardonne à ce coeur dur,
Mais avant, si tu veux, clos les volets, l’azur
Séraphique sourit dans les vitres profondes,
Et je déteste, moi, le bel azur!
Des ondes
Se bercent et, là-bas, sais-tu pas un pays
Où le sinistre ciel ait les regards haïs
De Vénus qui, le soir, brûle dans le feuillage:
J’y partirais.
Allume encore, enfantillage
Dis-tu, ces flambeaux où la cire au feu léger
Pleure parmi l’or vain quelque pleur étranger
Et…

NOURRICE

Maintenant?

HÉRODIADE

Adieu.
Vous mentez, ô fleur nue
De mes lèvres.
J’attends une chose inconnue
Ou peut-être, ignorant le mystère et vos cris,
Jetez-vous les sanglots suprêmes et meurtris
D’une enfance sentant parmi les rêveries
Se séparer enfin ses froides pierreries.
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Message  Kashima Lun 2 Fév 2009 - 13:52

Je me suis réveillée avec le deuxième vers de "Brise marine" dans la tête...


La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend,
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture
Lève l’ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots…
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !




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Le Moine devant la mer, Friedrich
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Stéphane Mallarmé Empty Hérodiade: Mallarmé

Message  Invité Ven 13 Aoû 2010 - 23:38

Un poème que j'avais lu dans ma jeunesse sans en saisir la profondeur que tu m'as fait "dé-couvrir" rapidement.
Peut-être, qu'à l'époque je n'étais pas consciente de l'"ouverture" mallarmienne que j'entends-à présent- dans la dimension musicale de "sa" langue.

"Pour moi, me voici résolument à l'œuvre. J'ai enfin commencé mon "Hérodiade". Avec terreur , car j'invente une langue qui doit nécessairement jaillir d'une poétique très nouvelle , que je pourrais définir en ces deux mots : peindre non la chose, mais l'effet qu'elle produit.( "regard" phénoménologique!) Le vers ne doit donc pas, là, se composer de mots, mais d'intentions, et toutes les paroles s'effacer devant les sensations…Je veux - pour la première fois de ma vie - réussir. Je ne toucherais plus jamais à une plume si j'étais terrassé".
Mallarmé, lettre à Cazalis d'octobre 1864

Ce poème, s'inscrit pour moi, dans une triade: vie, mort, beauté...triade que je pourrais décliner à l'allemande: Rilke, Brentano, Heine... j'y reviendrai.


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Stéphane Mallarmé Empty Brise Marine: Mallarmé

Message  Invité Sam 14 Aoû 2010 - 0:04

Quel magnifique poème que je ne connaissais pas! merci pour la découverte!...Une sorte d'"Odyssée du vent"...
L'Odyssée du vent- au coeur du Pacifique de Raphaela le Gouvello que je suis en train de lire...une "folle" navigatricre qui a battu tous les records de la voile...en planche à voile! Un Voyage/ une odyssée par procuration ( pour moi, car jamais je n'oserai ce qu'elle a osé) . J'entends ses mots qui résonnent avec la poétique mallarmienne...

Contre une vie monotone et du désespoir dans lequel plonge le poète, j'en appelle à l'action! Si fuite, alors, sans points de fuites mais la fuite, à voile...

"Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut encore prendre un voilier: la cape ( le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l'arrière avec un minimum de toile. la fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l'horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qu'ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies de transport maritime.
Vous connaissez sans doute un voilier nommé Désir".


Eloge de la fuite de Henri Laborit


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Message  Invité Sam 14 Aoû 2010 - 0:31

Enigma a écrit:L'Odyssée du vent- au coeur du Pacifique de Raphaela le Gouvello que je suis en train de lire...une "folle" navigatricre qui a battu tous les records de la voile...en planche à voile! Un Voyage/ une odyssée par procuration ( pour moi, car jamais je n'oserai ce qu'elle a osé) . J'entends ses mots qui résonnent avec la poétique mallarmienne...

Raphaela le Gouvello...
J'ai lu "Vent debout" d'elle, écrit après sa traversée de l'Atlantique.
Je l'avais rencontrée juste avant cette traversée : navigatrice d'exception, très brillante...

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Message  Invité Sam 14 Aoû 2010 - 0:44

Tu l'as rencontrée?! Je t'envie!
Quelle navigatrice! Si j'étais capable d'"admirer", cette femme qui a réalisé mes rêves...

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Message  Kashima Sam 14 Aoû 2010 - 10:22

Enigma a écrit: Avec terreur , car j'invente une langue qui doit nécessairement jaillir d'une poétique très nouvelle , que je pourrais définir en ces deux mots : peindre non la chose, mais l'effet qu'elle produit.( "regard" phénoménologique!)

On est dans une pensée rimbaldienne, proche de la synesthésie. Mallarmé cisèle le poème, c'est une matière pleine et belle, et de cette beauté jaillit le sens gardé jalousement.
Brise marine est un poème qui te va à merveille! Je comprends qu'il te touche. Il vaut mieux écouter le chant des matelots que celui de la Sirène...
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Message  Invité Sam 14 Aoû 2010 - 10:47

Enigma a écrit:Tu l'as rencontrée?! Je t'envie!
Quelle navigatrice! Si j'étais capable d'"admirer", cette femme qui a réalisé mes rêves...
C'est une amie d'amie...
A l'époque, je pensais qu'elle ne reviendrait pas vivante de cette aventure - il y avait une telle exaltation en elle, une telle quête d'absolu...

Kashima a écrit:
Enigma a écrit: Avec terreur , car j'invente une langue qui doit nécessairement jaillir d'une poétique très nouvelle , que je pourrais définir en ces deux mots : peindre non la chose, mais l'effet qu'elle produit.( "regard" phénoménologique!)
On est dans une pensée rimbaldienne, proche de la synesthésie. Mallarmé cisèle le poème, c'est une matière pleine et belle, et de cette beauté jaillit le sens gardé jalousement.
Illustration pour les nuls (comme moi!) :

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Message  Kashima Sam 14 Aoû 2010 - 10:50

"Je peins les lettres, je les sculpte." ca pourrait ressembler à ça!
J'ai toujours aimé cette caricature de Rimbaud.
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Message  Kashima Lun 27 Déc 2010 - 20:33


Le Cygne

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui!

Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.

Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.

Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.



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Ils étaient 5 il y a quelques jours...
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Stéphane Mallarmé Empty Re: Stéphane Mallarmé

Message  Invité Lun 27 Déc 2010 - 20:53

C'est au cygne baudelairien que je pensais. Mais Mal-(l) armé est ce cygne qui nous fait signe, blanc et noir (n'oublions pas notre gamme chromatique!). Blanc, pur, il symbolise la métamorphose. Il est ridicule sur terre, hors de son élément naturel (à comparer à L'Albatros). Il est également antithétique (« ridicule et sublime »). Et le Noir? Pas le Rouge et le Noir mais le Blanc et le Noir.....

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Message  Kashima Lun 27 Déc 2010 - 21:01

Le cygne, le signe de ces poètes, et surtout dans la poésie de marbre de Mallarmé...
Je me souviens que j'avais fait une analyse stylistique de ce poème autrefois, mais nulle trace, il faudrait recommencer.

Noir-blanc-rouge, couleur d'un drapeau?
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Message  Invité Lun 27 Déc 2010 - 21:14

Je connais si peu Mallarmé...encore un à dé-douvrir.
C'est dans la boue baudelairienne que j'ai puisé pour en extraire "le signe d'or", mon PHI.
Le drapeau noir-blanc-rouge mais c'est l'ancien drapeau allemand!
Le drapeau allemand n'a pas toujours utilisé les couleurs noir, rouge et or.
"Après la guerre austro-prussienne de 1866, la Confédération de l'Allemagne du Nord, dominée par la Prusse, adopte un drapeau tricolore noir-blanc-rouge, qui devient le drapeau de l'Empire allemand après l'achèvement de l'unité allemande en 1871. Ce drapeau reste en usage jusqu'en 1918. Les couleurs noir-blanc-rouge sont réintroduites avec la fondation du Troisième Reich en 1933."
Donc constellation à mau-dire!


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Message  Invité Lun 27 Déc 2010 - 21:17

Le Cygne

A VICTOR HUGO

I


Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve,
Pauvre et triste miroir où jadis resplendit
L'immense majesté de vos douleurs de veuve,
Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit,

A fécondé soudain ma mémoire fertile,
Comme je traversais le nouveau Carrousel.
Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
Change plus vite, hélas! que le coeur d'un mortel) ;

Je ne vois qu'en esprit tout ce camp de baraques,
Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,
Les herbes, les gros blocs verdis par l'eau des flaques,
Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus.

Là s'étalait jadis une ménagerie ;
Là je vis, un matin, à l'heure où sous les cieux
Froids et clairs le Travail s'éveille, où la voirie
Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux,

Un cygne qui s'était évadé de sa cage,
Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,
Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.
Près d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec

Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,
Et disait, le coeur plein de son beau lac natal :
« Eau, quand donc pleuvras-tu? quand tonneras-tu, foudre ? »
Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,

Vers le ciel quelquefois, comme l'homme d'Ovide,
Vers le ciel ironique et cruellement bleu,
Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,
Comme s'il adressait des reproches à Dieu!



II

Paris change ! mais rien dans ma mélancolie
N'a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,
Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.

Aussi devant ce Louvre une image m'opprime :
Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous,
Comme les exilés, ridicule et sublime,
Et rongé d'un désir sans trêve ! et puis à vous,

Andromaque, des bras d'un grand époux tombée,
Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus,
Auprès d'un tombeau vide en extase courbée ;
Veuve d'Hector, hélas ! et femme d'Hélénus !

Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique,
Piétinant dans la boue, et cherchant, l'oeil hagard,
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derrière la muraille immense du brouillard ;

A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais, jamais ! à ceux qui s'abreuvent de pleurs
Et tettent la Douleur comme une bonne louve !
Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs !

Ainsi dans la forêt où mon esprit s'exile
Un vieux Souvenir sonne à plein souffle du cor!
Je pense aux matelots oubliés dans une île,
Aux captifs, aux vaincus !... à bien d'autres encor !


Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal (1857)

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Message  Kashima Lun 27 Déc 2010 - 21:39

Beau poème de l'exil!
(la forme d'une ville
Change plus vite, hélas! que le cœur d'un mortel)
Dans cette simple remarque resplendit la force de la mélancolie et de l'exil peut-être amoureux.

Pour le drapeau allemand, je ne savais pas...
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