Des hommes et des bêtes, Fontenay/Finkielkraut
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Des hommes et des bêtes, Fontenay/Finkielkraut
L'humanisme a-t-il eu raison de séparer artificiellement l'humanité de l'animalité ? La maîtrise du vivant laisse-t-elle l'homme seul avec lui-même ? En abandonnant ses pratiques sacrificielles d'animaux, le christianisme a-t-il rendu possible l'émergence d'une mort industrielle ? Le regard animal peut-il nous apprendre quelque chose sur nous-mêmes ? Retranscription de l'émission de radio "Répliques" dirigée par Alain Finkielkraut avec une invitée : Elisabeth de Fontenay.
Kashima- Faux-monnayeur
- Nombre de messages : 6546
Date d'inscription : 29/09/2008
Re: Des hommes et des bêtes, Fontenay/Finkielkraut
Deux esprits eclairés, hâte de le lire!
interseXion- L'antichambre
- Nombre de messages : 122
Date d'inscription : 03/07/2009
Des hommes et des bêtes, Finkielkraut/Fontenay
Les éditions du Tricorne est une maison d'édition suisse créée à Genève en 19761 par Serge Kaplun, éditeur et écrivain.
Des hommes et des bêtes est le texte de la conversation qui a eu lieu entre Alain Finkielkraut, créateur de l'émission, Elisabeth de Fontenay, à propos de son livre Le Silence des bêtes, au cours de l'émission Répliques sur France culture ( 31 octobre 1998, émission intitulée "Ils dorment et nous veillons")
Il y est question du rapport de l'homme avec l'animal, et les deux philosophes définissent ce qu'ils entendent par le terme "humanisme".
L'humanisme, pour Elisabeth de Fontenay, a changé de sens après Descartes. Avant, les hommes et les bêtes étaient liés dans une sorte de philanthropia (cf. Plutarque) qui consiste en ce que l'homme éprouve de la douceur envers les animaux. Cette façon de lier l'homme et l'animal a disparu après Descartes, quand l'animal a été pensé comme une machine.
Selon Elisabeth de Fontenay, paradoxalement, l'abandon du sacrifice animal a perdu l'animal : lors des rites religieux, l'animal était choisi, était tué solennellement, quand il est maintenant en grand nombre, anonymement, abattu à la chaîne et élevé de façon industrielle. E. de Fontenay ne défend pas le sacrifice, mais elle explique en quoi la disparition du rite a desservi l'animal. Le christianisme change aussi la donne en faisant de celui qu'on adore le sacrifié. On ne fait plus de sacrifice pour lui : il est lui même la victime.
Elle s'élève contre ce qu'on appelle l'animalité de l'homme, trouvant que ce terme est inapproprié, et comme elle le dit en exemple : est-ce animal, une petite fille violée par un homme? Elle ajoute aussi qu'au nom de ce qu'a prôné le nazisme, une espèce de "brutalité" qu'on ne peut nommer animalité, on a tendance à rejeter l'homme qui aime les animaux et veut leur bien dans le rang des "inhumains", ceux qui ne sont pas capables d'aimer les hommes.
Au lieu d'animalisation, E. de Fontenay préfère qu'on emploie le terme d'"abjection", qui se rejette hors de ce qu'il croit inférieur à lui (cf. le nazi et la haine de l'autre, en particulier du juif).
On croise des noms tels que ceux d'Isaac Bashevis Singer, Plutarque, Montaigne...
Autre point qui m'a paru intéressant : l'homme oublie le "genetum, non factum" qui figure dans le Credo et fait basculer l'animal, par les manipulations génétiques, l'industrialisation, la duplication, vers un fabriqué, alors qu'il est un engendré, une créature, qu'il est du "vivant", pas un objet. En faisant changer sa nature, tout est alors permis.
Je retiens ces citations :
“L’amitié du chien pour son maître est proverbiale, et comme le dit le vieil écrivain : le chien est le seul être qui vous aime plus qu’il ne s’aime lui-même.”
— Buffon, cité par Alain Finkielkraut dans Des hommes et des bêtes
“Les vrais martyrs innocents, sur cette terre, sont les animaux, et tout particulièrement les herbivores.”
— Isaac Bashevis Singer
Le passage suivant n'est pas cité au cours de l'entretien, mais, dès le début de la conversation, Vassili Grossman fait partie des auteurs qu'on nomme à propos de la cause animale. C'est un extrait de Tiergarten :
“Comme Ramm s’approchait du bureau des abattoirs, des troupeaux descendus des wagons à bestiaux s’engouffraient par la porte grande ouverte.
(…) Un veau agita sa tête, fit quelques sauts espiègles, heureux de cette matinée ; soudain il s’arrêta net, pétrifié par le pressentiment. Il baissa sa tête ébouriffée au gros front, pointant ses petites cornes de bébé contre le destin inéluctable. Il poussa un petit meuglement, une plainte, demandant à être rassuré et aimé. Une vieille vache fauve qui traînait ses jambes le regarda de ses yeux larmoyants, s’arrêta près de lui, posa sa tête sur son cou chaud et court, lécha sa tête de bébé. Leur manège retarda le mouvement du troupeau et le vacher, dans une rage froide, frappa le veau sur son nez rose tout doux et la vieille vache sur les tendons de ses jambes de derrière.”
Des hommes et des bêtes est le texte de la conversation qui a eu lieu entre Alain Finkielkraut, créateur de l'émission, Elisabeth de Fontenay, à propos de son livre Le Silence des bêtes, au cours de l'émission Répliques sur France culture ( 31 octobre 1998, émission intitulée "Ils dorment et nous veillons")
Il y est question du rapport de l'homme avec l'animal, et les deux philosophes définissent ce qu'ils entendent par le terme "humanisme".
L'humanisme, pour Elisabeth de Fontenay, a changé de sens après Descartes. Avant, les hommes et les bêtes étaient liés dans une sorte de philanthropia (cf. Plutarque) qui consiste en ce que l'homme éprouve de la douceur envers les animaux. Cette façon de lier l'homme et l'animal a disparu après Descartes, quand l'animal a été pensé comme une machine.
Selon Elisabeth de Fontenay, paradoxalement, l'abandon du sacrifice animal a perdu l'animal : lors des rites religieux, l'animal était choisi, était tué solennellement, quand il est maintenant en grand nombre, anonymement, abattu à la chaîne et élevé de façon industrielle. E. de Fontenay ne défend pas le sacrifice, mais elle explique en quoi la disparition du rite a desservi l'animal. Le christianisme change aussi la donne en faisant de celui qu'on adore le sacrifié. On ne fait plus de sacrifice pour lui : il est lui même la victime.
Elle s'élève contre ce qu'on appelle l'animalité de l'homme, trouvant que ce terme est inapproprié, et comme elle le dit en exemple : est-ce animal, une petite fille violée par un homme? Elle ajoute aussi qu'au nom de ce qu'a prôné le nazisme, une espèce de "brutalité" qu'on ne peut nommer animalité, on a tendance à rejeter l'homme qui aime les animaux et veut leur bien dans le rang des "inhumains", ceux qui ne sont pas capables d'aimer les hommes.
Au lieu d'animalisation, E. de Fontenay préfère qu'on emploie le terme d'"abjection", qui se rejette hors de ce qu'il croit inférieur à lui (cf. le nazi et la haine de l'autre, en particulier du juif).
On croise des noms tels que ceux d'Isaac Bashevis Singer, Plutarque, Montaigne...
Autre point qui m'a paru intéressant : l'homme oublie le "genetum, non factum" qui figure dans le Credo et fait basculer l'animal, par les manipulations génétiques, l'industrialisation, la duplication, vers un fabriqué, alors qu'il est un engendré, une créature, qu'il est du "vivant", pas un objet. En faisant changer sa nature, tout est alors permis.
Je retiens ces citations :
“L’amitié du chien pour son maître est proverbiale, et comme le dit le vieil écrivain : le chien est le seul être qui vous aime plus qu’il ne s’aime lui-même.”
— Buffon, cité par Alain Finkielkraut dans Des hommes et des bêtes
“Les vrais martyrs innocents, sur cette terre, sont les animaux, et tout particulièrement les herbivores.”
— Isaac Bashevis Singer
Le passage suivant n'est pas cité au cours de l'entretien, mais, dès le début de la conversation, Vassili Grossman fait partie des auteurs qu'on nomme à propos de la cause animale. C'est un extrait de Tiergarten :
“Comme Ramm s’approchait du bureau des abattoirs, des troupeaux descendus des wagons à bestiaux s’engouffraient par la porte grande ouverte.
(…) Un veau agita sa tête, fit quelques sauts espiègles, heureux de cette matinée ; soudain il s’arrêta net, pétrifié par le pressentiment. Il baissa sa tête ébouriffée au gros front, pointant ses petites cornes de bébé contre le destin inéluctable. Il poussa un petit meuglement, une plainte, demandant à être rassuré et aimé. Une vieille vache fauve qui traînait ses jambes le regarda de ses yeux larmoyants, s’arrêta près de lui, posa sa tête sur son cou chaud et court, lécha sa tête de bébé. Leur manège retarda le mouvement du troupeau et le vacher, dans une rage froide, frappa le veau sur son nez rose tout doux et la vieille vache sur les tendons de ses jambes de derrière.”
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