Ingeborg Bachmann, Re-penser l'exil
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Ingeborg Bachmann, Re-penser l'exil
EXIL
Ingeborg BACHMANN
Je suis un mort ambulant
Porté présent nulle part
Inconnu au royaume des préfets
En surnombre dans les villes dorées
Et les campagnes verdissantes
Relégué depuis longtemps
Et doté de rien
Que de vent de temps de son
Moi qui parmi les hommes ne peut vivre
Moi avec la langue allemande
Cette nuée autour de moi
Que je tiens pour maison
Parcours toutes les langues
O comme elle s’obscurcit
Les notes de pluies les sombres
Rares celles qui tombent
En haut en des zones plus claires elle porte ensuite le mort
Le poète Paul Celan rencontre à Vienne en 1948 une jeune femme, Ingeborg Bachmann. Il entretiendra avec la poétesse une relation amoureuse épistolaire sur près de 20 ans.
«Ne m’écris pas de façon trop vague, n’hésite pas à me dire que le rideau de notre fenêtre a de nouveau brûlé et que les gens nous regardent de la rue.»
Nous sommes en 1951 - la troisième année d’un échange épistolaire qui s’étendra sur presque vingt ans - lorsque l’étudiante autrichienne Ingeborg Bachmann adresse ces mots au poète Paul Celan, l’apatride qui a subi l’horreur de l’histoire.
C'est à Vienne, en 1948, que s'est nouée entre l'écrivain et Ingeborg Bachmann (1926-1973) - « la poétesse la plus intelligente et la plus importante que l'Autriche ait produite au cours de ce siècle », écrivait Thomas Bernhard - une relation amoureuse intermittente qui dura jusqu'au début des années 1960. C'est pour elle qu'au lendemain de leur rencontre il écrivit En Egypte : « Tu diras à l'oeil de l'étrangère : Sois l'eau ! / Tu chercheras dans l'oeil de l'étrangère celles que tu sais dans l'eau. / Tu les appelleras pour les faire sortir de l'eau : Ruth ! Noémi ! Myriam ! »
Grandie dans l'Autriche de l'Anschluss, hantée comme Celan par les traces perverses imprimées par le nazisme à la langue allemande, Ingeborg Bachmann est pour lui une interlocutrice tout ensemble tendre et cérébrale, bienveillante mais sans faiblesse. Leurs lettres échangées dessinent avant tout son portrait à elle : une femme endurante, intelligente et généreuse - lui porte trop de tragique, trop de tourments qui entravent et enferment. Leur relation amoureuse connaît des moments de fièvre, des phases de tension et de repli, des incompréhensions, de longs silences, mais aussi, tout au long des années, d'incessants appels à entendre la voix de l'autre (« Ecris-moi, je t'en prie », « Un mot de toi - et je peux vivre. Et que j'ai maintenant de nouveau ta voix dans l'oreille »). Lui est anxieux jusqu'au vertige, elle n'a pas toujours la force de l'empêcher de trébucher. « Tu es le fondement de ma vie, aussi pour la raison que tu es et tu resteras la justification de ma parole », lui écrit-il en octobre 1957. Lorsqu'il mourra, Bachmann dira simplement l'avoir « aimé plus que [sa] vie ».
Ingeborg BACHMANN
Je suis un mort ambulant
Porté présent nulle part
Inconnu au royaume des préfets
En surnombre dans les villes dorées
Et les campagnes verdissantes
Relégué depuis longtemps
Et doté de rien
Que de vent de temps de son
Moi qui parmi les hommes ne peut vivre
Moi avec la langue allemande
Cette nuée autour de moi
Que je tiens pour maison
Parcours toutes les langues
O comme elle s’obscurcit
Les notes de pluies les sombres
Rares celles qui tombent
En haut en des zones plus claires elle porte ensuite le mort
Le poète Paul Celan rencontre à Vienne en 1948 une jeune femme, Ingeborg Bachmann. Il entretiendra avec la poétesse une relation amoureuse épistolaire sur près de 20 ans.
«Ne m’écris pas de façon trop vague, n’hésite pas à me dire que le rideau de notre fenêtre a de nouveau brûlé et que les gens nous regardent de la rue.»
Nous sommes en 1951 - la troisième année d’un échange épistolaire qui s’étendra sur presque vingt ans - lorsque l’étudiante autrichienne Ingeborg Bachmann adresse ces mots au poète Paul Celan, l’apatride qui a subi l’horreur de l’histoire.
C'est à Vienne, en 1948, que s'est nouée entre l'écrivain et Ingeborg Bachmann (1926-1973) - « la poétesse la plus intelligente et la plus importante que l'Autriche ait produite au cours de ce siècle », écrivait Thomas Bernhard - une relation amoureuse intermittente qui dura jusqu'au début des années 1960. C'est pour elle qu'au lendemain de leur rencontre il écrivit En Egypte : « Tu diras à l'oeil de l'étrangère : Sois l'eau ! / Tu chercheras dans l'oeil de l'étrangère celles que tu sais dans l'eau. / Tu les appelleras pour les faire sortir de l'eau : Ruth ! Noémi ! Myriam ! »
Grandie dans l'Autriche de l'Anschluss, hantée comme Celan par les traces perverses imprimées par le nazisme à la langue allemande, Ingeborg Bachmann est pour lui une interlocutrice tout ensemble tendre et cérébrale, bienveillante mais sans faiblesse. Leurs lettres échangées dessinent avant tout son portrait à elle : une femme endurante, intelligente et généreuse - lui porte trop de tragique, trop de tourments qui entravent et enferment. Leur relation amoureuse connaît des moments de fièvre, des phases de tension et de repli, des incompréhensions, de longs silences, mais aussi, tout au long des années, d'incessants appels à entendre la voix de l'autre (« Ecris-moi, je t'en prie », « Un mot de toi - et je peux vivre. Et que j'ai maintenant de nouveau ta voix dans l'oreille »). Lui est anxieux jusqu'au vertige, elle n'a pas toujours la force de l'empêcher de trébucher. « Tu es le fondement de ma vie, aussi pour la raison que tu es et tu resteras la justification de ma parole », lui écrit-il en octobre 1957. Lorsqu'il mourra, Bachmann dira simplement l'avoir « aimé plus que [sa] vie ».
Invité- Invité
Re: Ingeborg Bachmann, Re-penser l'exil
Se sont-ils vus beaucoup ou surtout écrit?
Kashima- Faux-monnayeur
- Nombre de messages : 6546
Date d'inscription : 29/09/2008
Re: Ingeborg Bachmann, Re-penser l'exil
Bachmann et Paul Celan, un amour fou! qui a duré 20 ans....Cet amour est resté longtemps "secret". C'est la parution de leur correspondance qui a "dé-voilé" au public cet amour.
cf.: Paul Celan / Ingeborg Bachmann. Le Temps du cœur, Correspondance, traduite par Bertrand Badiou, Paris, Seuil, 2011.
cf.: Paul Celan / Ingeborg Bachmann. Le Temps du cœur, Correspondance, traduite par Bertrand Badiou, Paris, Seuil, 2011.
Invité- Invité
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