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Rimbaud/Verlaine - Vierge folle, Délires I

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Rimbaud/Verlaine - Vierge folle, Délires I Empty Rimbaud/Verlaine - Vierge folle, Délires I

Message  Kashima Sam 9 Avr 2011 - 9:02


Rimbaud/Verlaine - Vierge folle, Délires I Tek_Rimb_en_Verl_-Felix_R_gamey

Vierge folle, 1873 - Un des plus mouvementés et beaux textes d'une Saison en Enfer de Rimbaud. Il relate, dans ce poème, son amour tumultueux avec Verlaine, la "vierge folle" tandis que lui, Rimbaud, est "l'époux infernal". La vierge lance ces supplications de démente (Délires I) :

Écoutons la confession d'un compagnon d'enfer :

"O divin Époux, mon Seigneur, ne refusez pas la confession de la plus triste de vos servantes. Je suis perdue. Je suis saoûle. Je suis impure. Quelle vie !
"Pardon, divin Seigneur, pardon ! Ah ! pardon ! Que de larmes ! Et que de larmes encore plus tard, j'espère !
"Plus tard, je connaîtrai le divin Époux ! Je suis née soumise à Lui. - L'autre peut me battre maintenant !
"À présent, je suis au fond du monde ! O mes amies !... non, pas mes amies... Jamais délires ni tortures semblables... Est-ce bête !
"Ah ! je souffre, je crie. Je souffre vraiment. Tout pourtant m'est permis, chargée du mépris des plus méprisables cœurs.
"Enfin, faisons cette confidence, quitte à la répéter vingt autres fois, - aussi morne, aussi insignifiante !
"Je suis esclave de l'Époux infernal, celui qui a perdu les vierges folles. C'est bien ce démon-là. Ce n'est pas un spectre, ce n'est pas un fantôme. Mais moi qui ai perdu la sagesse, qui suis damnée et morte au monde, - on ne me tuera pas ! - Comment vous le décrire ! Je ne sais même plus parler. Je suis en deuil, je pleure, j'ai peur. Un peu de fraîcheur, Seigneur, si vous voulez, si vous voulez bien !
"Je suis veuve... - J'étais veuve... - mais oui, j'ai été bien sérieuse jadis, et je ne suis pas née pour devenir squelette !... - Lui était presque un enfant... Ses délicatesses mystérieuses m'avaient séduite. J'ai oublié tout mon devoir humain pour le suivre. Quelle vie ! La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde. Je sais où il va, il le faut. Et souvent il s'emporte contre moi, moi, la pauvre âme. Le Démon ! - c'est un Démon, vous savez, ce n'est pas un homme.
"Il dit : "Je n'aime pas les femmes. L'amour est à réinventer, on le sait. Elles ne peuvent plus que vouloir une position assurée. La position gagnée, cœur et beauté sont mis de côté : il ne reste que froid dédain, l'aliment du mariage aujourd'hui. Ou bien je vois des femmes, avec les signes du bonheur, dont, moi, j'aurai pu faire de bonnes camarades dévorées tout d'abord par des brutes sensibles comme des bûchers..."
"Je l'écoute faisant de l'infamie une gloire, de la cruauté un charme. "Je suis de race lointaine : mes pères étaient Scandinaves : ils se perçaient les côtes, buvaient leur sang. - Je me ferai des entailles par tout le corps, je me tatouerai, je veux devenir hideux comme un Mongol: tu verras, je hurlerai dans les rues. Je veux devenir bien fou de rage. Ne me montre jamais de bijoux, je ramperais et me tordrais sur le tapis. Ma richesse, je la voudrais tachée de sang partout. Jamais je ne travaillerai... " Plusieurs nuits, son démon me saisissant, nous nous roulions, je luttais avec lui ! - Les nuits, souvent, ivre, il se poste dans des rues ou dans des maisons, pour m'épouvanter mortellement. - "On me coupera vraiment le cou ; ce sera dégoûtant." Oh ! ces jours où il veut marcher avec l'air du crime !
"Parfois il parle, en une façon de patois attendri, de la mort qui fait repentir, des malheureux qui existent certainement, des travaux pénibles, des départs qui déchirent les cœurs. Dans les bouges où nous nous enivrions, il pleurait en considérant ceux qui nous entouraient, bétail de la misère. Il relevait les ivrognes dans les rues noires. Il avait la pitié d'une mère méchante pour les petits enfants. - Il s'en allait avec des gentillesses de petite fille au catéchisme. - Il feignait d'être éclairé sur tout, commerce, art, médecine. - Je le suivais, il le faut !
"Je voyais tout le décor dont, en esprit, il s'entourait ; vêtements, draps, meubles : je lui prêtais des armes, une autre figure. Je voyais tout ce qui le touchait, comme il aurait voulu le créer pour lui. Quand il me semblait avoir l'esprit inerte, je le suivais, moi, dans des actions étranges et compliquées, loin, bonnes ou mauvaises : j'étais sûre de ne jamais entrer dans son monde. À côté de son cher corps endormi, que d'heures des nuits j'ai veillé, cherchant pourquoi il voulait tant s'évader de la réalité. Jamais homme n'eût pareil voeu. Je reconnaissais, - sans craindre pour lui, - qu'il pouvait être un sérieux danger dans société. - Il a peut-être des secrets pour changer la vie ? Non, il ne fait qu'en chercher, me répliquais-je. Enfin sa charité est ensorcelée, et j'en suis la prisonnière. Aucune autre âme n'aurait assez de force, - force de désespoir ! - pour la supporter, - pour être protégée et aimée par lui. D'ailleurs, je ne me le figurais pas avec une autre âme : on voit son Ange, jamais l'Ange d'un autre, - je crois. J'étais dans son âme comme dans un palais qu'on a vidé pour ne pas voir une personne si peu noble que vous : voilà tout. Hélas ! je dépendais bien de lui. Mais que voulait-il avec mon existence terne et lâche ? Il ne me rendait pas meilleure, s'il ne me faisait pas mourir ! Tristement dépitée, je lui dis quelquefois : "Je te comprends." Il haussait les épaules.
"Ainsi, mon chagrin se renouvelant sans cesse, et me trouvant plus égarée à ses yeux, - comme à tous les yeux qui auraient voulu me fixer, si je n'eusse été condamnée pour jamais à l'oubli de tous ! - j'avais de plus en plus faim de sa bonté. Avec ses baisers et ses étreintes amies, c'était bien un ciel, un sombre ciel, où j'entrais, et où j'aurais voulu être laissée, pauvre, sourde, muette, aveugle. Déjà j'en prenais l'habitude. Je nous voyais comme deux bons enfants, libres de se promener dans le Paradis de tristesse. Nous nous accordions. Bien émus, nous travaillions ensemble. Mais, après une pénétrante caresse, il disait : "Comme ça te paraîtra drôle, quand je n'y serai plus, ce par quoi tu as passé. Quand tu n'auras plus mes bras sous ton cou, ni mon coeur pour t'y reposer, ni cette bouche sur tes yeux. Parce qu'il faudra que je m'en aille, très-loin, un jour. Puis il faut que j'en aide d'autres : c'est mon devoir. Quoique ce ne soit guère ragoûtant... , chère âme... " Tout de suite je me pressentais, lui parti, en proie au vertige, précipitée dans l'ombre la plus affreuse : la mort. Je lui faisais promettre qu'il ne me lâcherait pas. Il l'a faite vingt fois, cette promesse d'amant. C'était aussi frivole que moi lui disant : "Je te comprends."
"Ah ! je n'ai jamais été jalouse de lui. Il ne me quittera pas, je crois. Que devenir ? Il n'a pas une connaissance ; il ne travaillera jamais. Il veut vivre somnambule. Seules, sa bonté et sa charité lui donneraient-elles droit dans le monde réel ? Par instants, j'oublie la pitié où je suis tombée : lui me rendra forte, nous voyagerons, nous chasserons dans les déserts, nous dormirons sur les pavés des villes inconnues, sans soins, sans peines. Ou je me réveillerai, et les lois et les moeurs auront changé, - grâce à son pouvoir magique, - le monde, en restant le même, me laissera à mes désirs, joies, nonchalances. Oh ! la vie d'aventures qui existe dans les livres des enfants, pour me récompenser, j'ai tant souffert, me la donneras-tu ? Il ne peut pas. J'ignore son idéal. Il m'a dit avoir des regrets, des espoirs : cela ne doit pas me regarder. Parle-t-il à Dieu ? Peut-être devrais-je m'adresser à Dieu. Je suis au plus profond de l'abîme, et je ne sais plus prier.
"S'il m'expliquait ses tristesses, les comprendrai-je plus que ses railleries ? Il m'attaque, il passe des heures à me faire honte de tout ce qui m'a pu toucher au monde, et s'indigne si je pleure.
"- Tu vois cet élégant jeune homme, entrant dans la belle et calme maison : il s'appelle Duval, Dufour, Armand, Maurice, que sais-je ? Une femme s'est dévouée à aimer ce méchant idiot : elle est morte, c'est certes une sainte au ciel, à présent. Tu me feras mourir comme il a fait mourir cette femme. C'est notre sort à nous, coeurs charitables... " Hélas ! Il avait des jours où tous les hommes agissant lui paraissaient les jouets de délires grotesques : il riait affreusement, longtemps. - Puis, il reprenait ses manières de jeune mère, de soeur aimée. S'il était moins sauvage, nous serions sauvés ! Mais sa douceur aussi est mortelle. Je lui suis soumise. - Ah ! je suis folle !
"Un jour peut-être il disparaîtra merveilleusement ; mais il faut que je sache, s'il doit remonter à un ciel, que je voie un peu l'assomption de mon petit ami !"
Drôle de ménage !
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Message  Invité Dim 10 Avr 2011 - 14:49

En Echo:
La Vierge folle , film de LUITZ - MORAT, 1928 : - D'après l'œuvre de Henry BATAILLE

Rimbaud/Verlaine - Vierge folle, Délires I Avierge-folle-film

Une jeune fille de dix huit ans, Diane ressent une grande passion partagée, pour un avocat, dont l'épouse, Fanny, est irréprochable. Les parents de Diane menace leur fille du couvent en découvrant ses intentions. L'avocat et Diane partent a Londres vivre leur amour. Mais Fanny parvient a faire revenir son mari, laissant Diane désespérée...

Rimbaud/Verlaine - Vierge folle, Délires I Aviergefollebataille

L'amour a cette exigence : ou son objet t'échappe ou tu lui échappes.
S'il ne te fuyait pas, tu fuirais l'amour.
Georges Bataille ; Le coupable - 1943.

Rimbaud/Verlaine - Vierge folle, Délires I Alaviergefolle
La Folle danseuse, dit aussi La Vierge folle, sculpteur WOUTERS, Rik, Musée des Beaux Arts de Lyon




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Message  Kashima Dim 10 Avr 2011 - 16:42

Cela rejoint le poème de Rimbaud, puisque c'est l'amour qui mène à ces extrémités...
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Message  Invité Dim 10 Avr 2011 - 17:46

Tout à fait! c'est pour cela que je l'ai mentionné....
Montherlant a rappelé dans un article publié pour le cinquantenaire de la pièce La vierge folle, la forte impression que lui a faite, à lui ainsi qu'à Aragon, son camarade d'école, la création de cette pièce en 1910.

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