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Lectures de vacances, convalescence (été 2008)

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Lectures de vacances, convalescence (été 2008) Empty Lectures de vacances, convalescence (été 2008)

Message  Kashima Ven 10 Oct 2008 - 8:19

5 juillet 2008

La Passion selon Juette
Clara Dupont-Monod



Ce récit a la voix de deux jeunes gens : celle de Juette, une bourgeoise qui comprend dès son enfance que sa vie de femme ne sera pas une vie heureuse, et celle d'Hugues, un prêtre qui lui sert d'ami et de confident.


Nous sommes en 1158. La pensée contestatrice des Cathares voit le jour. Sa mère interdit à Juette de lire ou d'écrire, car une femme plaira à son mari si elle sait coudre. Cependant, elle entend au village des histoires, Hugues lui en raconte, comme le roman de la Chevalier à la Rose, homme borgne qui tomba amoureux de sa mère adoptive et se battit à mort contre son frère. Mais à quinze ans, on la marie, et tout ce feu en elle s'éteint alors qu'elle doit supporter les assauts journaliers de son mari : « Les chevaliers peuvent venir : maintenant, je sais écarter les jambes ». Elle accouche d'abord d'un enfant mort-né, car « une enfant ne peut pas faire d'enfant », puis son mari l'engrosse de nouveau d'un garçon qu'elle délaisse. Elle ne sait même plus son prénom.

Heureusement, Hugues veille sur elle, il aime Juette d'un amour pur, il n'est pas comme les autres hommes. Elle les déteste et, à la mort de son mari, mort qu'elle a tant voulue, elle se retire de leur société.

A partir de là, on voit comment son destin personnel se mêle à celui du développement de la religion vaudoise : refus du mariage, refus des intermédiaires entre l'homme et Dieu…

Juette semble être une illuminée. Bien qu'elle soit une combattante qui refuse de se soumettre, elle est poussée par la culpabilité, a peur du diable qui est en elle et qui l'a poussée à vouloir voir trépasser son mari. Son dévouement naît d'une blessure qu'elle garde depuis son enfance, la plaie jamais refermée du savoir dont on l'a privée.


Original et vite lu, ce livre met en avant une figure féminine qui aurait existé. Il montre aussi la violence déchaînée contre les Cathares par l'Eglise catholique. Mais j'avais lu et entendu que ce livre était immanquable, ce qui fait que je suis restée un peu sur ma faim, m'attendant à lire l'histoire d'une Jeanne d'Arc.


6 juillet 2008

Les Désarrois de l'élève Törless
Robert Musil



J'ai lu ce livre sans grande passion, mais j'étais intéressée quand même et, une fois refermé, il m'a laissé des impressions agréables, comme lorsqu'on a lu quelque chose qui a de la valeur.

D'abord attirée par la peinture d'Egon Schiele en couverture et par la réputation de l'écrivain, j'ai décidé de lire Les Désarrois de l'élève Törless. Je n'avais pas envie de me livrer à des lectures parlant d'amour ou de passions, de sentiments qui auraient pu raviver ce dont je souhaitais guérir. Je n'étais pas non plus portée vers la littérature de guerre que j'ai pourtant affectionnée en avril avec Les Bienveillantes. Alors, une histoire de pensionnat pouvait me convenir.

Mais on ne peut pas résumer ce livre ainsi. Dès la première page, le lecteur est dans les pensées souvent confuses de Törless, un jeune garçon que ses parents ont placé dans une école. Il est d'abord très triste de cette séparation pour finalement y prendre goût. J'avoue n'avoir pas toujours compris certains de ses désarrois ou raisonnements, mais c'est tellement bien écrit qu'on se laisse porter par le style.

Törless se lie avec Reiting et Beineberg. Tout commence avec cette phrase que s'écrie Reiting au quatrième chapitre : « Dis donc, je l'ai eu ! (…) Le voleur de casiers ! » Basini a dérobé de l'argent dans des casiers pour rembourser des dettes qu'il avait, mais il comptait le rendre. Cet événement va être le point de départ d'un chantage cruel auquel les trois camarades vont soumettre le jeune voleur. Il subira des humiliations, des sévices… et sera le révélateur de certains questionnements de Törless…

Musil s'est justifié sur les liens homosexuels qui se tissent dans ces pages :

« Je ne veux pas rendre la pédérastie compréhensible. Il n'est peut-être pas d'anomalie dont je me sente plus éloigné. Au moins sous sa forme actuelle.
On pourrait remplacer Basini par une femme, et l'homosexualité par le sadisme, le fétichisme, tout ce qui a quelque rapport avec des émotions aberrantes. »....


Présenté comme un roman de formation, c'est en effet celle de Törless qui s'opère petit à petit sous nos yeux.

Dans le Lire de l'été, un article sur Robert Musil…



7 juillet 2008


Tête d'Or
Paul Claudel


(voir "Sur scène")



8 juillet 2008

La Rêveuse d'Ostende
Eric-Emmanuel Schmitt



Ce recueil de cinq nouvelles est agréable à lire. Elles sont bien ficelées, nous présentent des caractères attachants même si elles sont parfois, comme La Guérison, faites de bons sentiments. Je vais résumer chacune d'entre elles sans en révéler la chute, par ordre de préférence, qui se trouve aussi être l'ordre de l'édition :

La Rêveuse d'Ostende

Nouvelle qui nous fait nous interroger sur la vie qu'on vit ou qu'on rêve. Une sorte de conte de fée moderne : un écrivain décide d'aller guérir un chagrin d'amour à Ostende : voilà qui n'est pas, dès le début, pour me déplaire, et j'y espère déjà une clé. Cette phrase brouille mes pistes et je décide alors d'arrêter de chercher à m'identifier :

« D'un amour essentiel, on ne se remet pas. » Mon Dieu, faites que cette phrase ne soit pas écrite pour moi !

A Ostende, il loue un appartement. Sa locataire, Emma Van A., est une vieille dame qui semble cacher un secret. Tous deux vont très vite s'entretenir de ce qu'elle prétend garder pour elle depuis des années… Quand elle avait une vingtaine d'années, elle a découvert dans les dunes un homme tout nu, une beauté grecque, qu'elle a ramenée chez elle. Le coup de foudre les a frappés et ils ont entamé une histoire d'amour et de désir intense. Le prince, car tel était son titre qu'elle avait d'abord ignoré, doit cependant donner un descendant officiel à la couronne et Emma ne peut avoir d'enfants…



Crime parfait

L'amour conjugal peut-il résister aux années ? Dans les Alpes, elle marche derrière lui, son mari qui l'appelle « ma vieille » : elle a décidé d'en finir, de le tuer. Elle le pousse dans le vide.

Passés l'interrogatoire et les condoléances des amis, elle n'a qu'une idée en tête : pénétrer dans la pièce que son mari lui avait interdite durant des années, et découvrir ce qu'il cachait derrière les murs dans des petites boîtes de gâteaux...



La guérison

Une nouvelle sur la confiance en soi et le poids du regard que l'on porte sur soi-même. Stéphanie est infirmière. Elle est grosse et ne se sent pas belle, c'est ce que lui répète sa mère depuis toujours. Elle soigne, dans la chambre 221, Karl, un accidenté qui a perdu la vue. A-t-elle rêvé quand elle l'a entendu dire : « Quelle chance d'être soigné par une jolie femme… ». Bien qu'il ne voie pas, elle va tout faire pour plaire à ce patient dont elle est tombée amoureuse…



Les mauvaises lectures

Où mène la lecture ? Maurice Plisson est un vieux professeur d'histoire-géographie Il déteste les romans, refuse d'en lire, ne voit pas l'intérêt qu'on peut y trouver.

Il part en vacances avec sa cousine Sylvie, dans un coin reculé de l'Ardèche. Ils font les courses en arrivant et Sylvie décide d'acheter le dernier Chris Black, La Chambre des noirs Secrets (une sorte de Da Vinci Code). Il lui reproche de perdre du temps à lire ces bêtises. N'empêche qu'en lisant la quatrième de couverture, il se demande de quel manuscrit du XVIème sicle l'auteur a bien pu s'inspirer et, en cachette, le soir, il va le découvrir…



La femme au bouquet

Depuis quinze ans, à Zurich, une femme attend au même endroit sur le quai avec un bouquet de fleur, ce qui ne manque pas d'intriguer l'écrivain Eric…



8-12 juillet 2008


Le Moine
Gregory Lewis


(voir "Le manoir")


12-13 juillet

Le Montespan
Jean Teulé




Encore une fois, j'ai beaucoup aimé ce livre de Jean Teulé, j'ai envie de lire tous les autres. Le roman s'ouvre sur une scène de duels qui étaient interdits du temps de Louis XIV car ils décimaient la jeunesse noble.


Le marquis de Montespan épouse Françoise, une jeune femme qui devait se marier avec un homme condamné à mort pour avoir participé au duel. C'est l'amour fou ! Louis-Henri et Françoise font l'amour, s'adorent, ont des enfants mais très vite, le manque d'argent embrume le couple. Le marquis s'endette pour faire la guerre et retrouver la gloire perdue de sa famille auprès du roi Louis XIV, mais cela ne sert à rien. Un jour, on propose à Françoise, surnommée Athénaïs, de prétendre à être demoiselle d'honneur de la reine. Elle accepte. Très vite, le roi s'éprend d'elle et elle devient sa maîtresse. Tout au long du roman, Louis-Henri n'aura de cesse de récupérer sa femme.


Ce roman est aussi agréable à lire que Ô Verlaine et Je, François Villon. On y apprend des tas de choses sur l'époque. Les scènes de sexe sont crues, les détails sur la drôle d'hygiène qu'on avait en ce temps-là, les mœurs royaux, accrochent le lecteur mais ne sont pas mal à propos car ils contribuent à créer l'atmosphère du XVIIème siècle.


Tout est vu à travers le regard d'un homme éperdument amoureux de sa femme, l'espoir de sa reconquête, mais pourra-t-il quelque chose contre le pouvoir du roi ?

En plus, c'est très bien écrit tout en étant limpide.


14-16 juillet

Suite française
Irène Némirovsky


Prix Renaudot 2004


J'ai commencé par la préface dans laquelle j'ai appris la vie d'Irène Némirovsky assassinée à Auschwitz un mois après son arrestation (j'ai lu ailleurs qu'elle y est morte du typhus…). Le même sort a été réservé à son mari Michel. Bien qu'on n'ait pas le droit de penser comme cela, on peut se dire que résidant en France depuis des années après avoir fui le communisme, convertie au catholicisme, ne prenant part à aucun combat politique et étant un auteur déjà renommé et traduit dans le monde, elle aurait dû échapper au massacre. Les éditions Albin Michel, ses amis, son mari, ont remué ciel et terre pour la faire libérer, en vain.

Suite française se compose de deux parties : Tempête en juin et Dolce.

Tempête en juin, c'est la débâcle et l'exode. Les Allemands arrivent à Paris et les gens fuient sur les routes, à pied, en voiture, par le train quand cela est encore possible.

Cette exode est racontée à travers plusieurs personnages très différents mais dont peu dont attachants : les Français qui nous sont dépeints sont des bourgeois, des nobles égoïstes. Même les gens du peuple ont leurs petites rancœurs.

Parmi ces gens, on rencontre la famille Péricand, la mère, croyante et qui se veut charitable, le beau-père sénile dont on attend la mort et l'héritage, le père, les enfants, les domestiques. Parmi les enfans, Hubert a dix-huit ans et veut participer à la guerre, aider son pays. Il est utopiste, ne se rend pas compte de ce que veut vraiment dire combattre. L'aîné est devenu prêtre et doit accompagner un groupe d'enfants difficiles à l'abri des Allemands.

Il y a l'écrivain Corte, imbuvable pour le lecteur, centré sur lui-même, un tyran pour sa maîtresse soumise à lui – il est riche et célèbre !

Charles Langelet est un homme très riche qui fuit son cher appartement en emballant soigneusement sa porcelaine. Il est encore plus détestable que l'écrivain. Il me fait penser à un vieil homosexuel égoïste même si les choses ne sont pas dites ainsi.

Enfin, la famille Michaud, un couple d'employés de banque, seuls personnages attachants de l'histoire. Leur fils n'est pas revenu de la guerre, ils n'en ont pas de nouvelles…



Dans Dolce, la construction est toute différente. On n'a plus un entrecroisement de chapitres sur ces différents destins. Tout se passe dans un village, chez les Angellier. La vieille mère attend le retour de son Gaston. Elle vit sous le même toit que sa belle-fille, Lucile. Les Allemands arrivent au village où ils vont séjourner trois mois. La famille Angellier doit héberger un officier, Bruno.

Celui-ci, petit à petit, va s'éprendre de Lucile. Elle n'aime pas Gaston à qui elle a été mariée, et lui on plus, qui la trompe allègrement, mais son devoir est de l'attendre et aimer un Allemand serait déshonorant. C'est le fil amoureux de cette deuxième partie. On retrouve l'ombre de Jean-Marie Michaud dont une paysanne, Madeleine, est amoureuse en secret : elle l'avait recueilli pendant l'exode.

On participe à cette vie au village. L'Allemand est un homme. Il n'est ni excusé, ni glorifié. On se sent pris dans le cours des événements…



Quand j'ai refermé le livre, j'ai été envahie d'un sentiment de frustration, de dégoût. A la fin du roman se trouvent des annexes très intéressantes qui montrent le projet littéraire qu'avait Irène. Son roman aurait dû être prolongé de deux autres parties où nous aurions pu suivre le destin des personnages. La guerre et la persécution contre les Juifs nous a privé d'un immense auteur. Le prix Renaudot 2004 est un hommage qui était indispensable, mais qui ne guérira pas de cette perte à la littérature.


16- 21 juillet

Les Mystères d'Udolphe
Ann Radcliff


(Voir "Le manoir")
Kashima
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Message  Kashima Ven 10 Oct 2008 - 8:32

22-24 juillet

Trois jours chez ma mère
François Weyergans


Prix Goncourt 2005


On passe à du très contemporain : Un homme de soixante ans n'arrive pas à écrire son roman. Il a des problèmes avec les impôts, se pose des questions sur son existence…


Au début, Trois jours chez ma mère n'est pas désagréable à lire, mais j'avais l'impression de lire un journal intime sans véritable écriture. Et par moments, je me suis même crue chez Beigbeder avec les narrations de coucheries de l'auteur. La construction en abîme sauve quelque peu le livre de sa platitude : il ne suffit pas d'être un écrivain en mal d'écriture pour écrire un bon livre. Comment ce livre a-t-il pu être Goncourt 2005 ? Pour aider l'auteur face à ses problèmes d'argent… ?

J'avais hâte de le finir pour passer à la suite : pas de temps à perdre…

Seul point positif : j'ai eu envie de lire Bouvard et Pécuchet.



25- 26 juillet


Histoire d'une vie
Aharon Appelfeld


Prix Médicis 2004


« Où commence ma mémoire ? », c'est la question qui ouvre Histoire d'une vie.

Le jeune Erwin a connu la Seconde Guerre mondiale alors qu'il était enfant. Sa mémoire fonctionne par bribes de sensation, elle est charnelle plus que mentale. Il ne raconte pas son expérience du camp de concentration, il évoque juste sa fuite dans les bois et comment, orphelin, il a pu survivre.

Adolescent, il part pour Israël où il va devoir tout apprendre, sa nouvelle langue, l'hébreu, oubliant malgré lui sa langue maternelle, l'Allemand, langue qui est le dernier lien qu'il a eu avec sa mère : « Comment parler à nouveau une langue baignée de sang juif ? » (p.123)


Le récit est chronologique, mais il ne répond pas à une construction linéaire. Aharon se livre au hasard de sa mémoire.

Quand il comprend que son destin est d'être écrivain, il parvient à accepter cette langue qui lui est étrangère : « A un très jeune âge, (…) l'instinct me murmura que, sans une connaissance intime de la langue, ma vie serait plate et insipide. » (p.128)


On apprend dans ce livre comment les enfants qui avaient échappé aux camps et à l'extermination nazie pouvaient être exploités par les leurs alors qu'ils attendaient d'embarquer pour Israël. On lit aussi l'horreur de l'enclos « Keffer », endroit où étaient des chiens-loups allemands et dans lequel on mettait des enfants pour qu'ils y soient dévorés.



26 juillet

Les Agneaux du Seigneur
Yasmina Khadra




J'avais beaucoup aimé Les Hirondelles de Kaboul et la lecture des Agneaux du Seigneur est passionnante. Yasmina Khadra raconte comment des Algériens basculent dans le fanatisme. Au début du livre, trois copains discutent : Kada Hilal, l'instituteur, Jafer Wahab, l'oisif, et Allal Sidhom, le policier. Allal essaie de convaincre Jafer de faire comme lui, de devenir fonctionnaire de police pour pouvoir avoir une femme et une maison.


A Ghachimat, tous les jeunes gens sont amoureux de Sarah, la fille du maire, mais c'est Allal qu'elle aime et qu'elle épousera. La rancœur naît dans l'âme de Kada. Dans le même temps, le cheikh Abbas sort de prison. Il fait des prêches. On ne le voit pas agir, l'auteur ne lui donne jamais la parole, mais sa présence est forte. Et puis un jour, on trouve que les Anciens sont trop mous ; le FIS, Front Islamiste du Salut, peint ses slogans sur les murs. Kada ne se remet pas de sa passion meurtrie pour Sarah. Il sera moudjahidin en Afghanistan, béni par le cheikh Abbas. Quand il revient au pays, Abbas et ses hommes ont été arrêtés : il prendra sa place et sera le chef, l'émir des terroristes.

La terreur règne dans les villages. Toutes les nuits, des hommes, des femmes, des enfants sont décapités, violés, éventrés, égorgés. Les lois de la Guerre sainte sont écrites sur les murs et quiconque ne les respectera pas encourt la mort : « le bain maure, les salons de beauté, le port de la jupe, le maquillage, la musique, la pratique de a voyance, la consommation de tabac, la lecture et la vente de la presse, l'antenne parabolique, les jeux de hasards, les plages, etc. ».

Au début, les villageois ne se rendent pas tellement compte de l'horreur des événements, ils pensent même que sont châtiés des gens qui le méritaient mais, très vite, ils voient que le massacre est aveugle et n'épargnera personne depuis que la tête de l'imam Haj Salah a été exposée sur le pont.


Le récit est d'une grande vivacité, grâce aux dialogues. Les personnages sont tous dessinés de façon à ce qu'on s'y attache et qu'on s'intéresse, bons ou mauvais, à leur destin.

L'horreur de ce terrorisme éclate, par exemple, dans la description courte, mais fulgurante, de Sarah (p. 189) :

« La clairière paraît rassérénée. Malgré un soleil implacable, la pénombre des arbres y déverse une fraîcheur d'oasis. Tapi dans les branchages, un merle siffle. Sarah est là, étendue sur le sol duveteux. Elle est nue. Sa chevelure blonde, que taquine par endroits la brise, se ramifie autour d'elle comme une coulée d'or. Son dos arrondi conserve les traces du fouet. Elle a les poings ligotés avec du fil de fer et les chevilles enchaînées. »

Dans le cadre idyllique, l'auteur nous invite à une scène d'amour. J'étais un peu perdue, je ne comprenais pas comment Sarah avait pu accepter l'étreinte de Kada et puis, la parataxe nous plonge soudain dans l'inacceptable. Les terroristes sont prêts à tout.


Le comble de l'horreur, avait déjà été atteint à la page, quand toute une famille, celle de l'ancien maire, se fait assassiner. Le sadisme des rebelles est inimaginable (p.163). Smaïl, qui deviendra le bourreau attitré un peu après, s'exprime en ces termes quand il s'adresse au maire :

« Regarde ta famille. (…) Cette nuit, (…) tu vas assister à leur mort. Nous allons les égorger sous tes yeux, es uns après les autres, ensuite nous sodomiserons ta femme, puis nous lui crèverons les yeux, lui arracherons les doigts et la peau du dos, lui découperons les seins et nous l'écartèlerons avec une scie à métaux. »



Au milieu de cette terreur, on trouve le personnage du nain, Zane, un être insupportable, un traître, une anguille, espion pour les terroristes mais qui se fait passer pour une bonne âme au village, bien que personne ne l'aime.



Des voix s'élèvent pour dire que ce fanatisme n'a rien à voir avec la religion. L'interprétation du sacrifice d'Abraham est parlante : l'imam Haj Salah, cité plus haut, discute avec les fanatiques qui l'ont enlevé. Il leur demande comment ils interprètent le fait que Dieu ait demandé à Abraham de sacrifier son fils. Sans hésiter, ils répondent ce que nous répondrions : « Pour tester sa foi ! ». Mais non. En lui demandant ce geste, « il voulait faire comprendre aux hommes que la Foi a ses limites aussi, qu'elle s'arrête dès lors qu'une vie d'homme est menacée. » (p.127) Son discours résonne d'autant plus tristement dans le paragraphe d'après, où sa tête est exposée…



Deux passages que j'ai retenus encore, celui qui montre que l'homme traite son meilleur ami en le faisant dormir à la niche, et celui sur le bannissement des livres par Tej :

« Les bouquins sont les pires ennemis de l'homme. Ils te colonisent la tête. (…) On ne sauve pas l'humanité avec des mots. Pour moi, l'écriture est l'apprentissage par excellence de la figuration. (…) Le fusil ne revient jamais sur ses déclarations. » (pp. 194-196)

Un livre qui me donne envie d'en lire d'autres de cet auteur.


26 – 29 juillet


Les Feux de l'Automne
Irène Némirovsky




Ce livre en trois parties va de 1912 à 1941 et recouvre les deux guerres mondiales. Dans la famille Brun, Alphonse, veuf depuis longtemps, s'occupe de sa fille Thérèse et de son neveu Martial lui-même orphelin. Ce dernier, à 30 ans, est prêt à s'installer dans son cabinet de médecin, mais la guerre est déclarée : il est mobilisé et mourra sur le front après avoir épousé sa cousine Thérèse. Bernard, un jeune ami de la famille, de l'âge de Thérèse, a été mobilisé aussi : il part la fleur au fusil, heureux de servir son pays, persuadé que tout se terminera très vite. Après quatre ans au front, il revient totalement changé, au désespoir de ses parents. C'est un homme égoïste qui ne désire plus qu'une chose : profiter de la vie. Il a une aventure avec Renée dont il tombe passionnément amoureux et la veuve Thérèse, quant à elle, s'éprend follement de lui…


Deuxième livre que je lis d'Irène Némirovsky, enchantée par Suite française. Les Feux de l'Automne - ces feux qui brûlent les champs avant la repousse au printemps - sont tout aussi enthousiasmants. On retrouve des échos de Tempête en Juin lorsqu'on est en 1940 et que les Allemands prennent possession du pays. Les personnages sont très soignés, les caractères très travaillés. Irène Némirovsky a le goût du détail, elle saisit le souffle ou l'infime geste de la main qui donnent une allure réaliste à son récit.



29 – 31 juillet


Le Diable amoureux
Cazotte




Alvare est un jeune cavalier espagnol qui fait partie de la garde royale de Naples. Lors d'une discussion de caserne, le sujet se porte sur la cabale. Le jeune homme, intrigué, demande à Soberano de l'initier. Avant la fin de cet apprentissage, il dit qu'il se sent prêt à invoquer les esprits. Soberano le met en garde contre ce danger, mais le jeune homme répond qu'il n'a pas peur du diable et que, « s'il le voit, il lui tirera les oreilles ».

Un soir, Soberano, Alvare et quelques compagnons se rendent dans une grotte. Soberano trace un pentacle au sol et donne la formule à son « élève » pour qu'il fasse venir Belzébuth : il apparaît sous la forme d'une immense tête de chameau en lui criant : « Che vuoi ? »…



Classique du XVIIIème siècle écrit par un homme mort sur l'échafaud pour s'être opposé aux Jacobins, Le Diable amoureux est écrit dans le beau style de l'époque et se lit vite. On y voit comment le diable peut s'amuser à séduire une âme trop sûre d'elle…




31 juillet – 1er août


Mémoire de Porc-épic
Alain Mabanckou


Prix Renaudot 2006



Le récit, sans aucun point, est fait par un porc-épic : il est le double nuisible de Kibandi car, selon la tradition africaine, les hommes ont des doubles sous la forme d'animaux : des inoffensifs pour la plupart, des nuisibles pour d'autres. A dix ans, Papa Kibandi transmet son savoir à son fils, mais cet homme, dédoublé sous la forme d'un rat, était un meurtrier. Le même instinct de tueur, d'homme « mangeur » d'hommes, est donné à Kibandi.



Avant de lire ce livre, je pensais que l'absence de points allait être arbitraire. J'ai eu du mal à trouver le rythme au début, perturbée par cette absence de ponctuation forte. Finalement, la forme sert bien son sujet, car le porc-épic, exceptionnellement doué de parole, s'exprime dans un seul souffle.

Ce livre se lit très vite et on se prend à vouloir savoir ce qui pourra encore pousser Kibandi à tuer et quel sera le meurtre de trop…






Dernière édition par Kashima le Ven 13 Fév 2009 - 11:35, édité 1 fois
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Message  Kashima Ven 10 Oct 2008 - 8:40

2 août – 3 août


Le Mystérieux Locataire (et autres histoires d'esprits forts)
Le Fanu




Depuis la lecture de Carmilla et de Comment ma cousine a été assassinée, Le Fanu fait partie de ces auteurs que je range auprès d'Edgar Poe.



Dans Le Mystérieux Locataire (The Mysterious Lodger), un homme raconte comment, sa femme et lui, en sont venus à héberger un homme étrange qui porte un foulard qui lui cache la bouche et le menton, de grosses lunettes vertes (comme des lunettes de moto) et un respirateur. Le narrateur est un athée, sa femme une fervente croyante. Le locataire jette un étrange malaise dans la demeure. Des phénomènes bizarres se produisent, comme l'apparition régulière d'un gros chat fauve et le bruit de pas à l'étage sans qu'il n'y ait personne. Cet homme étrange vit reclus dans son appartement mais, depuis qu'il est dans la maison, la foi de l'épouse du narrateur est ébranlée…

Je retiendrai quelques beaux passages sur la mort…


« Je dois avouer que peu de choses ne me semblent plus belle qu'un jeune enfant dans son linceul. Le visage, innocent, paraît si sublime dans sa simplicité, si confiant parmi les terreurs glacées de la mort – sans souillure, sans crainte, un petit être mortel est passé, tout seul, dans l'ombre éternelle, et explore le mystère du néant. » (p.49)

« Le lendemain fut la pire des journées : entrepreneur des pompes funèbres, menuisier, capitonneur, et autres modistes de la mort. Pourquoi la civilisation n'a-t-elle pas encore aboli ces formalités aussi choquantes que douloureuses et répugnantes ? Pourquoi un infortuné cadavre doit-il supporter ces papillotes, ces soieries, ces lingeries et tout le cérémonial au milieu duquel il accomplit son dernier voyage ? Je ne connais aucune intrusion aussi discordante par rapport à la douleur d'une affection toujours vivace, aucune pantomime plus dérisoire vis-à-vis de la mort. » (p.70)



… et cette citation :

« la transition entre l'amour et la haine est plus simple que celle qui sépare l'amour et l'indifférence. » (p 57)

Cette nouvelle avait paru en deux parties dans le Dublin University Magazine en 1850, sans nom d'auteur. Ce journal appartenait à Le Fanu.



Le Pacte de Sir Domincik (Sir Dominick's Bargain), sous-titré « Une Légende de Dunoran »

Comme pratiquement toutes les nouvelles de ce recueil, il est question d'étranges phénomènes dans des maisons d'Irlande.

Le narrateur s'arrête dans une maison surplombant une vallée. Tandis qu'il médite et se demande quelle est cette tache de rouille sur le mur, un être lui apparaît, « un petit bossu au visage basané et aux traits durs, qui (tient) une canne à la main. » (p 84). Il va lui raconter l'histoire de Sir Dominick et sa tentation de faire un pacte avec le diable.



La Vision de Tom Chuff (The Vision of Tom Chuff)

Tom Chuff est un ivrogne qui bat sa femme et qui braconne, c'est un être mauvais. Un jour qu'il revient à la maison, il s'immobilise devant le feu. On fait venir le docteur qui constate qu'il est mort mais, au moment où le médecin s'éloigne, il semble reprendre vie. C'est alors qu'on apprend ce qui s'est passé dans ce laps de temps entre la mort et la résurrection…


Étranges manifestations dans la rue Aungier (An Account of some strange disturbances in Aungier street)

Deux étudiants décident d'emménager en ville, dans la maison achetée récemment par le père d'un des deux. Dès les premières nuits, un étrange phénomène se produit : l'apparition d'un homme menaçant qui porte une corde au cou.

Le narrateur, seul dans la maison, essaie de surmonter sa peur :

« J'avais en effet décrété que, pour lutter contre les mauvais esprits, il était encore préférable d'adopter la méthode que préconisaient mes ancêtres, dans toute leur sagesse, et qui consistait à « se dégorger l'esprit en s'engorgeant le foie. » (p 127)



Mort d'un sacristain (The dead sexton)

L'auberge George & Dragon reçoit une nuit, après la mort du sacristain, une étrange visite. Est-ce le diable ?

La nouvelle s'ouvre sur cette belle phrase :

« Les couchers de soleil rougeoyaient, les nuits s'allongeaient, et l'hiver offrait un délicieux froid sec. Noël, le glorieux héraut de l'An Neuf, était à portée de main… » (p 147)


Le Familier (The Familiar)....

Nouvelle en neuf chapitres où il est question du capitaine Barton, un homme sceptique, qui ne croit ni en Dieu, ni aux phénomènes étranges. Pourtant, un jour, il entend dans la rue des bruits de pas derrière lui, puis il reçoit des lettres de « celui qui observe » avant de voir apparaître un horrible petit homme qui le persécute.

Il s'agit de savoir si les phénomènes sont pures hallucinations de l'esprit malade de Barton, ou s'il a vraiment fait quelque chose de mal auparavant dont la victime se vengerait.


A lire prochainement : L'Oncle Silas.

3 août

Ida
Irène Némirovsky



Une vedette du music-hall se remémore son passé. Elle a soixante ans, a toujours du succès, mais sent qu'il ne va pas tarder à la quitter. Malgré elle, les souvenirs ressurgissent, ceux de ses amours, de sa famille… jusqu'à la première représentation de Femmes 100% où elle a accepté que se produise, juste avant elle, Cynthia, une danseuse de vingt ans.


Cette nouvelle montre comment la vieillesse petit à petit se fait sentir et ravit le succès acquis :

« Est-ce qu'elles savent, ces filles ?... Est-ce qu'elles se doutent de la somme de travail et d'effort qu'elle a dû fournir pour arriver à un but dérisoire, mais qui, malgré tout, est un sommet pour elle, un triomphe ?... La lutte épuisante contre le temps, contre les hommes. Ces hommes qui si durement, si chèrement, ont vendu chacun sa faveur, son appui, un mot d'encouragement, une aide, elle les revoit dans sa mémoire. » (p 19)


La comédie bourgeoise
Irène Némirovsky



Cette nouvelle m'a laissé dans une espèce d'état d'angoisse. Le style est rapide, l'histoire est organisée comme au cinéma, par plans. On fait la connaissance de Madeleine adolescente et on la suit, en une trentaine de pages, jusqu'à la fin de sa vie. L'existence, fade et monotone, passe à une vitesse incroyable. Le destin de Madeleine est bien ordinaire : un mari qui la trompe, des enfants qui, plus grands, ne lui montreront pas beaucoup d'amour…


Je viens de voir que ces deux nouvelles sont tirées du recueil Films parlés (1934). C'est justement écrit à la manière de scénarios littéraires.


3 août – 5 août

Bouvard et Pécuchet
Flaubert




Flaubert a passé « tout un après-midi de torture » pour trouver la célèbre première phrase de son roman :

« Comme il faisait une chaleur de trente-trois degrés, le boulevard Bourdon se trouvait absolument déserté »

On voit apparaître deux hommes arrivant chacun d'un côté, un grand et un plus petit. Ils s'assoient tous deux sur un banc et commencent à discuter. Ils se trouvent tellement de points communs que très vite, ils deviennent les meilleurs amis du monde. Bouvard hérite de son père naturel qu'il prenait pour son oncle et tous deux décident d'acheter une ferme à Chavignolles pour y passer leur retraite de copistes.



Les deux hommes se lancent dans l'agriculture, le jardinage et, se croyant d'excellents agronomes, vont d'échec en échec ! Leurs mésaventures, et l'entêtement qu'ils mettent à toujours reporter la faute sur autre chose que sur eux-mêmes, est très drôle.


Flaubert envisageait de faire un « roman moderne », une « encyclopédie de la bêtise humaine ». Combien de fois, dans les seuls deux premiers chapitres, j'ai pu rire !

P 53 : « Bouvard, en passant près de la charmille, découvrit sous les branches une dame en plâtre. Avec deux doigts, elle écartait sa jupe, les genoux pliés, la tête sur l'épaule, comme craignant d'être surprise. – « Ah ! pardon ! ne vous gênez pas ! » - et cette plaisanterie les amusa tellement que vingt foi par jour pendant plus de trois semaines, ils se la répétèrent. ».



Quand tout est mort, a pourri sous l'excès de compost ou a été détruit par les intempéries, ils décident d'appliquer ce qu'ils ont lu dans L'Architecte des jardins. Fiers de ce qu'ils ont réalisés – même si le narrateur nous fait comprendre ironiquement que c'est affreux », ils invitent les notables du village à admirer leur œuvre :



P 86 : « Le rideaux s'ouvrirent, et le jardin apparut.

(alors que lecteur et spectateur attendent de voir quelque chose de magnifique…)

C'était dans le crépuscule quelque chose d'effrayant. Le rocher comme une montagne occupait le gazon, le tombeau faisait un cube au milieu des épinards, le pont vénitien un accent circonflexe parme les haricots – et la cabane, au-delà, une grande tache noire ; car ils avaient incendié son toit pour la rendre plus poétique. »


Leurs conserves moisissent, l'alambic explose quand ils sont persuadés de réaliser un délicieux breuvage. Au lieu d'admettre qu'ils n'y connaissent rien, ils décrètent, à la fin du chapitre II : « C'est que, peut-être, nous ne savons pas la chimie ! » Et ils se lancent dans cette science.



« Pour savoir la chimie, ils se procurèrent le cours de Regnault – et apprirent d'abord que « les corps simples peuvent être composés » (p 96).

Lassés de la chimie parce qu'ils n'y comprennent rien, ils s'intéressent à la médecine, puis à l'anatomie (p 104) :
Ils s'autoproclament médecins, prescrivent aux gens du village, se disputent avec le médecin du village.

Enfin, c'est à la géologie qu'ils se consacrent dans ce chapitre III.


Et puis, ils deviennent archéologues, font un muséum chez eux qu'ils font visiter, s'intéressent à l'histoire, la littérature, jusqu'à vouloir devenir écrivains. Un des passages comiques est celui où Bouvard joue Phèdre, faisant sa déclaration à Thésée-Pécuchet, sous les yeux de Mme Bordin ébahie. (p 198) Après avoir joué aussi la scène où Tartuffe tente de séduire Elmire, Bouvard raccompagne au portail Mme Bordin et se sent une âme de séducteur :

« Il était encore ému de sa déclaration ; - et elle éprouvait au fond de l'âme comme une surprise, un charme qui venait de la Littérature. L'Art, en de certaines occasions, ébranle les esprits médiocres ; » (p 200)

Pour leur roman, ils cherchent en vain l'inspiration :

« Parfois, ils sentaient un frisson et comme le vent d'une idée ; au moment de la saisir, elle avait disparu. »

Bouvard en attrape un jaunisse ; le médecin lui diagnostique : « Trop de nerfs, trop artiste ! » (p 214)


Le chapitre VI, qui traite des événements politiques entre 1848 et 1851 est assez dur à suivre, sauf si l'on veut se référer aux nombreuses notes développées. Je retiens cette tentative de Pécuchet pour haranguer le peuple, tel Lamartine :


« Citoyens !
- Est-ce que vous êtes ouvrier ?
- Non
- Patron, alors ?
- Pas davantage !
- Eh bien, retirez-vous !
- Pourquoi ? » reprit fièrement Pécuchet
Et aussitôt, il disparut dans l'embrasure, empoigné par le mécanicien.
(p 230)




Le chapitre VII montre les deux amis d'éloigner l'un de l'autre peu à peu car ils se sont mis en tête l'amour, mais ils se le cachant. Bouvard veut épouser Mme Bordin, Pécuchet (vierge à 52 ans) n'a plus d'yeux soudain que pour la petite bonne, Mélie.

Cela se solde par une duperie de Mme Bordin qui ne visait qu'un terrain de Bouvard, et par une maladie sexuelle de Pécuchet, « et ils dissertent sur les femmes.
- Étrange besoin, est-ce un besoin ? – Elles poussent au crime, à l'héroïsme, et à l'abrutissement ! L'enfer sous un jupon, le paradis dans un baiser – ramage de tourterelle, ondulations de serpent, griffe de chat ; - perfidie de la mer, variété de la lune – ils dirent tous les lieux communs qu'elles firent répandre.

( …) Plus de femmes, n'est-ce pas ? Vivons sans elles ! – Et ils s'embrassèrent avec attendrissement. »
(p 269)


C'est l'un des chapitres que je préfère, avec les deux premiers, qui ne ressemble pas à des articles d'encyclopédie.


Pour se remettre, ils se livrent à la gymnastique… Ils se rendent compte qu'ils sont trop vieux pour parvenir à ce qu'ils veulent quand Pécuchet, perché sur des échasses…

« La nature semblait l'y avoir destiné ; car il employa tout de suite le grand modèle, ayant des palettes à quatre pieds du sol ; et tranquille là-dessus, il arpentait le jardin, pareil à une gigantesque cigogne qui se fût promenée.

Bouvard à la fenêtre le vit tituber – puis s'abattre d'un bloc sur les haricots… »
(p 273)


Ils deviennent magnétiseurs et soignent les gens du village, puis se mettent en tête de devenir magiciens. Ils passent ensuite à la gymnastique de l'esprit, la philosophie, qui les lasse. Ils décident de se suicider… Mais n'ayant pas fait leur testament, ils y renoncent et la religion se révèle à eux. (IX)

A la fin du chapitre IX, ils décident de s'occuper des enfants d'un bagnard, Victor et Victorine. Malgré tous leurs efforts, il n'y aura rien à tirer de cette mauvaise graine.


Le roman n'est pas achevé, il paraîtra posthume. On peut quand même savoir quelle suite envisageait Flaubert grâce au scénario.



6 août – 10 août


Crime et châtiment
Dostoïevski





Je n'avais lu que Le Joueur de cet auteur, et il y a longtemps. Avec Crime et Châtiment, c'est une véritable découverte, un attachement au personnage principal, un antihéros, Raskolnikov qui s'est mis en tête de tuer une vieille usurière exécrable pour lui prendre son argent. Sera-t-il capable ou non de commettre ce crime ? Si oui, aura-t-il la force de le porter en silence ?

Autour de ce jeune homme attachant quoiqu'antipathique, on trouve Razoumikhine, un garçon dévoué à cet ami pourtant peu aimable, quelqu'un d généreux et de spontané ; sa sœur et sa mère, venues à Pétersbourg pour voir Raskolnikov après cinq ans ; une jeune prostituée, Sonia, qui se vend pour aider son père, sa belle-mère et les enfants de celle-ci.


La folie de Raskolnikov tient à la théorie qu'il a développée et qu'il veut tenter d'appliquer en se donnant le « droit de tuer »

« Je crois seulement que le fond de ma pensée est juste. Elle consiste à affirmer que les hommes peuvent être divisés en général, selon l'ordre de la nature même, en deux catégories : l'une inférieure (individus ordinaires) ou encore le troupeau dont la seule fonction consiste à reproduire des êtres semblables à eux, et les autres, les vrais hommes, qui jouissent du don de faire résonner dans leur milieu des mots nouveaux. » (p. 277)

Il justifie ainsi la possibilité du crime pour certains hommes.


Pris dans la conscience de Raskolnikov, on ne peut pas tenir le livre fermé longtemps. C'est superbement mené, écrit, un chef d'œuvre, un classique. Raskolnikov est devenu un héros pour moi.
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Message  Kashima Ven 10 Oct 2008 - 8:41

13 août - 16 août

Asile de fous
Régis Jauffret



Eh ben, ces contemporains... Pff. Pourquoi j'ai voulu lire un livre de Régis Jauffret? Parce que dans le dernier 'Lire', on dit qu'il vient de sortir encore un chef d'oeuvre, alors je me dis : 'Il faudrait peut-être que je voie ce que c'est...'

J'ai sauté des pages vers la fin. Je ne comprends pas que les 'couilles', 'bites' et 'vagin' donnent de nos jours de la consistance à un livre.

C'est l'histoire d'une rupture entre Gisèle et Damien. Le père de ce dernier vient lui annoncer. Ce qui est bien fait, c'est le système narratif, où l'on glisse, l'air de rien, d'un point de vue à un autre. Sinon, le reste, c'est du déjà-lu, du 'moi je avec mes névroses'.

16 août

Serons-nous vivantes le 2 janvier 1950?
Françoise Verny




'Serons-nous vivantes le 2 janvier 1950?' Nicole Alexandre, amie de lycée de Françoise Verny, a été internée en 1942 à Drancy, et elle finit sa dernière lettre par cette question. Elle sera gazée à Auschwitz avec sa mère.

Françoise a enfoui Nicole pendant des années au fond de sa mémoire, n'y a plus pensé, jusqu'à ce que Patrick Modiano lui adresse un de ses livres, Dora Bruder, qui la fait ressurgir. Elle revient sur ces années d'insouciance, où ni elle, ni Nicole ne se rendaient compte de la gravité de ce qu'elles encouraient. Nicole était juive assimilée, se croyait hors de danger, Françoise juive par sa mère, convertie au catholicisme.

Elle rend hommage à cette amie qui lui a fait prendre conscience de l'horreur :

'J'admire Etty Hillesum [Sylvie Germain] qui, au fond des ténèbres, chante le Credo. J'admire ce Juif qui passe toutes les années de guerre caché dans une cave à Cologne et qui écrit sur l'un des murs du cachot :
'Je crois au soleil même quand il ne brille pas
Je crois à l'amour, même quand il ne m'entoure pas
Je crois en Dieu même quand il se tait.''
(pp.88-89)


18 août

La Nuit des Rois
Shakespeare


(voir "Sur scène")



18 août

La femme d'un autre et le mari sous le lit : Une aventure peu ordinaire, extrait de Récits, chroniques et polémiques
Dostoïevski



Court récit sur la jalousie : un homme parcourt dans tous les sens la ville, s'imaginant que sa femme le trompe. Un soir, il se retrouve par erreur dans un appartement où il croit trouver celle qu'il cherche en compagnie d'un amant, mais, se rendant compte de sa méprise, à l'entrée du mari dans la chambre, il se cache sous le lit : il se retrouve à côté d'un autre homme, caché là lui aussi...

Ce récit n'a rien à voir avec Crime et Châtiment. On a un autre aspect du style de Dostoïevski, vif et théâtral, bien que je préfère celui du roman.
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Message  Invité Ven 6 Aoû 2010 - 17:49

Une tombe en Toscane - Maurice Denuzière

Je retiens deux passages de ce livre - un poème et un dialogue (court).

Le poème :

Inès d'éternité docilement gisante
Attentive espérance du suprême réveil
Au sang du seul diadème
Pour le royal amour
S'est fondue la ferveur de l'étreinte
Accablante
La raison des poignards
Et ta mortelle cour
Et le sceptre
Sondé à ta main de sommeil.
Majesté enfouie au creux des pierres douces
Les anges serviteurs
Patients thuriféraires
Que le silence émousse
Guettent en Alcobaça
ton regard vertical
Et l'instant triomphant et brutal
Où viendra ton royaume
Sur des mondes noyés.

Et Lui,
Te faisant face
En sa chair fidèle
Scrutateur impatient du signe absolutoire
Prouvera
La foi du regard échangé
Mêlera
Le destin cruel des parallèles
Et vous serez rendus à l'axe péremptoire
L'un
Par
l'autre
Reflet d'amour inébranlé.

Le dialogue :

"Maintenant, je sais que la seule découverte valable est de savoir comment on s'attache l'éternité. Car, dit-il enfin, la Mort ne gagne que si elle saisit un vaincu et celui qui sait y voir la grâce inéluctable d'une naissance peut l'attendre comme une révélation.

- Le paradis ou l'enfer, le néant ou la réincarnation, répondit Agnès, nous avons encore d'autres choix.

- C'est là qu'est l'erreur, nous n'avons pas de choix à faire pour le lendemain de la mort. On ne nous demande que de choisir la vie jusqu'au bout."




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Message  Kashima Ven 6 Aoû 2010 - 18:03

Ca m'a l'air d'être une jolie convalescence, ce livre...
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Message  Invité Ven 6 Aoû 2010 - 18:40

Kashima, en plus de la plume, je vois que vous avez de l'esprit!

Charmante...

En fait, ce livre est tout simplement délicieux, il a la désuétude des années 60, c'est une sorte de "Bonjour tristesse" façon "série B".

La maladresse de son auteur lui donne une authenticité insoupsonnée : en fait, je me suis régalé!

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