Aventure de Catherine Crachat
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Aventure de Catherine Crachat
"J'ai ung arbre de la plante d'amours enraciné en mon cœur proprement..."
(exergue de Villon)
C'est pour le titre, Aventure de Catherine Crachat, et le nom de l'héroïne, que j'ai voulu lire ce livre de Pierre Jean Jouve, surtout connu comme poète.
Les aventures de cette actrice comprennent deux livres : Hécate (1928)et Vagadu (1931.
Dans une écriture légère, belle, agréable, dans laquelle on a l'impression de voir sourire, Catherine Crachat se raconte.
Dès le troisième chapitre, elle fait la rencontre amoureuse de sa vie : Pierre Indemini :
"Mademoiselle, je suis si épris que je me sens parfaitement tranquille pour la première fois. Je ne désire pas faire un mouvement vers vous. Je désire attendre. Pour vous avoir vue et seulement vue une minute, j'ai le sentiment de l'éternité. J'éprouve une conscience absolue en vous et en moi. J'embrasse humblement vos genoux."
Leur amour sera étrange : après une séparation brutale et inattendue, ils se retrouveront, à Vienne, avec Pierre au cœur d'un trio amoureux :
"Nous sommes trois, nous sommes le fameux trois. Le chiffre trois porte malheur à l'amour.
Chacun des trois s'aime d'abord lui-même. Ensuite chacun est attiré vers le nouveau, le troisième, sans vouloir perdre le second, mais en empêchant le second et le troisième de se réunir. Il y a une jalousie tournante."
Malheureuse de sa séparation, Catherine s'était réfugiée à Vienne, dans la maison de Fanny Felicitas, baronne Hohenstein, dont les sentiments à son égard sont ambigus : cette femme a eu des amants, des amantes. Elle invite Catherine à venir vivre chez elle, par un magnifique bouquet de fleurs, et lui fait très vite sa déclaration. On apprend, par elle, femme fatale, que ses amants ou amantes finissent par se suicider...
Et, quand Pierre lui revient, c'est pour lui proposer un amour inédit, à distance, chaste... Un amour de dévotion :
"Notre amour, pour être, plus une fois ne doit faire l'amour.
(...)
Alors il saisit Catherine dans es bras et il dit sur elle qu'ils étaient un à partir de cette seconde. Qu'ils se communiqueraient la substance de tous les jours de leur vie. Qu'ils vivraient uniquement l'un à l'autre. Que l'un par rapport à l'autre, et avec le secours de l'autre, ils prépareraient la mort. Qu'il n'y avait rien en eux qui fût limite, cloison personnelle, mais tout unique, et tout se trouvant aussi renoncé, tout serait purifié. C'est pourquoi ils allaient se quitter le jour même, en pleine force d'adoration, pour ne plus se revoir."
Plus que l'intrigue, Hécate a le charme des livres poétiques, écrits pas touches, par impressions. On sent l'intensité du désir, surtout retenu...
Comme quoi il faut toujours se fier au titre d'un livre qui vous attire.
Extraits :
Catherine éprouve la jalousie :
"Mais je suis Catherine Crachat! Si je les tuais tous les deux."
Catherine a un revolver, elle fait dix pas, elle tire dans la tête de la femme. Clac! cette Fanny tombe, s'effondre comme un linge, une saleté de moins sur terre! (...)
Il ne se passe rien de ce genre."
Pour la beauté de la phrase :
"Catherine Crachat et Flore Migett se ressemblent comme deux soeurs, plus que deux soeurs, comme deux idées dont Catherine Crachat serait l'idée originale."
“C’est que la maternité est un horrible jeu de dupe puisque l’amour perd, perd peu à peu ce qu’il a créé et ce qu’il aime.”
"On peut être la statue insensible d’une émotion inouïe."
A suivre dans Vagadu...
Adapté au théâtre en 1991 :
Il existe aussi en film :
1989
Avec Fanny Ardant, Hanna Schygulla, Robin Renucci.
De Pierre Beuchot
Kashima- Faux-monnayeur
- Nombre de messages : 6546
Date d'inscription : 29/09/2008
Vagadu
Vagadu, la suite d'Hécate, écrite quelques années plus tard, est plus difficile à lire. Catherine a sombré, depuis la mort de son amant Pierre Indemini, dans une sorte de folie dépressive : elle fait des rêves incroyables, qu'elle raconte à Monsieur Leuven, son psychanalyste. Elle se sent souvent en présence d'une Petite, double d'elle-même. Elle dissèque un Christ, figure du père, elle se retrouve sur le flanc d'une grosse femme, figure de la mère...
Dans la réalité, elle vit toujours avec Flore. De nouveaux personnages arrivent dans l'histoire : M. Trimegiste, Noémi, drôle de jeune fille, entre la vierge et la sorcière, et un nouvel amant, rencontré lors d'un travesti : Luc Pascal, homme étrange, écrivain qui savoure le souvenir d'un meurtre qu'il aurait vu en pleine rue, en Italie.
Vagadu, c'est l'âme de l'amour qui porte la mort...
"Alors l'amour est retombé en arrière, blessé, est revenu à son origine ou s'est caché ; et l'âme de l'amour, avec la mort dedans, partie pour se cacher bien loin, on l'a appelée Vagadu.
Mais tout ce qui a été vécu demeure." (307)
On trouve beaucoup de poésie dans ce texte même si le fil est plus dur à suivre. Il faut se laisser aller au surréalisme, aux impressions des rêves, à la bizarrerie des vases communicants... Quelques phrases sont fulgurantes, par leur beauté, leur contenu. Je garde l'impression du puits de larmes rencontré au début de la lecture. Du narratif, on bascule, petit à petit dans l’impressionnisme.
"Ah, tout ce que nous donne la certitude d'être aimé! Elle permet presque de se passer de l'amour et de s'introduire dans d'autres sentiments."
“La douleur… dont vous m’avez chargée… est un bloc. La douleur… est un bloc, dont vous m’avez chargée.”
“Avant, j’avais un amour - mettons que c’était une Ombre - et je l’aimais. J’avais une amie aussi, qui m’aimait. Mais je n’aime plus personne et personne ne m’aime plus.”
“Je vous aime.”
Pourquoi ai-je dit cela? Car je ne vous aime pas. Vous êtes l’objet de ce que j’éprouve. Ce que j’éprouve est infiniment fort et n’ existerait pas sans vous. Car mon émotion a besoin d’être déposée. Je la dépose sur vous.”
Dans la réalité, elle vit toujours avec Flore. De nouveaux personnages arrivent dans l'histoire : M. Trimegiste, Noémi, drôle de jeune fille, entre la vierge et la sorcière, et un nouvel amant, rencontré lors d'un travesti : Luc Pascal, homme étrange, écrivain qui savoure le souvenir d'un meurtre qu'il aurait vu en pleine rue, en Italie.
Vagadu, c'est l'âme de l'amour qui porte la mort...
"Alors l'amour est retombé en arrière, blessé, est revenu à son origine ou s'est caché ; et l'âme de l'amour, avec la mort dedans, partie pour se cacher bien loin, on l'a appelée Vagadu.
Mais tout ce qui a été vécu demeure." (307)
On trouve beaucoup de poésie dans ce texte même si le fil est plus dur à suivre. Il faut se laisser aller au surréalisme, aux impressions des rêves, à la bizarrerie des vases communicants... Quelques phrases sont fulgurantes, par leur beauté, leur contenu. Je garde l'impression du puits de larmes rencontré au début de la lecture. Du narratif, on bascule, petit à petit dans l’impressionnisme.
"Ah, tout ce que nous donne la certitude d'être aimé! Elle permet presque de se passer de l'amour et de s'introduire dans d'autres sentiments."
“La douleur… dont vous m’avez chargée… est un bloc. La douleur… est un bloc, dont vous m’avez chargée.”
“Avant, j’avais un amour - mettons que c’était une Ombre - et je l’aimais. J’avais une amie aussi, qui m’aimait. Mais je n’aime plus personne et personne ne m’aime plus.”
“Je vous aime.”
Pourquoi ai-je dit cela? Car je ne vous aime pas. Vous êtes l’objet de ce que j’éprouve. Ce que j’éprouve est infiniment fort et n’ existerait pas sans vous. Car mon émotion a besoin d’être déposée. Je la dépose sur vous.”
Kashima- Faux-monnayeur
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