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1Q84, année uchronique

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Message  Kashima Ven 26 Aoû 2011 - 22:24

1Q84, année uchronique 10664

84, année uchronique

HARUKI MURAKAMI est un écrivain souvent boudé par l'intelligentsia française. J'ai longtemps cru que ce dédain s'expliquait par son succès planétaire. Ensuite, j'ai entendu des critiques de chez nous déclarer que son oeuvre n'était "pas assez japonaise". Les bras m'en sont tombés. Ainsi, il existe des Français capables de discerner ce qui est assez japonais de ce qui ne l'est pas. Imaginons qu'un intellectuel japonais refuse un auteur français pour ce motif qu'il ne serait pas assez français. Une si scandaleuse idiotie ne vous ferait-elle pas hurler ? Qu'on se rassure, cela ne s'est jamais produit.

Pour ma part, j'avoue une fascination sans mesure pour l'oeuvre de Haruki Murakami. En 2006, j'ai lu Kafka sur le rivage et je n'en suis pas revenue. Après, il a fallu que je lise tous ses livres. Des addictions littéraires que je connaisse, c'est la moins explicable. Avec une extraordinaire économie de moyens, dont je m'étonne que nos spécialistes hexagonaux n'aient pas vu la sobriété typiquement japonaise, Haruki Murakami crée des univers dont on est aussitôt prisonnier. La simplicité de son style ou plutôt sa méthode déconcerte : il décrit tout, de préférence ce qui n'est pas intéressant. Il le fait avec une distance phénoménologique si respectueuse et scrupuleuse qu'au lieu d'en éprouver de l'agacement ou de l'hilarité, on est captivé. L'auteur invite ainsi le lecteur à accorder la plus profonde attention au moindre élément de narration, dont chacun pourra jouer le rôle d'interface. Car la grande affaire de Haruki Murakami, c'est cela : établir des connexions entre notre monde et un autre, dont on ne sait au juste ce qu'il est, mais dont on sait qu'il est.

Au Japon, le succès des livres de Haruki Murakami est sans précédent. Je me demande comment les spécialistes en japonité dont j'ai parlé expliquent cela. Un million d'exemplaires vendus en moins d'un an pour le premier tome de son roman, 1Q84, en 2009 : bien plus que les ventes japonaises de Harry Potter. La comparaison n'est pas absurde, car le livre est autant plébiscité par les adolescents que par les adultes.

Les deux premiers tomes (sur trois) de 1Q84 paraissent en français le 25 août. En tout, plus de 1 000 pages. Une fois de plus, le charme opère : on est absorbé par cette lecture qui tient du manga et de l'uchronie, mais aussi et surtout par une atmosphère qui n'appartient qu'à Haruki Murakami.

Comme souvent, c'est l'histoire de deux mondes imbriqués, celui de 1984 et celui de 1Q84 - en japonais, Q et 9 se prononcent de la même façon. Evoluent en alternance Aomamé, 29 ans, tueuse professionnelle, et Tengo, du même âge, nègre pour un éditeur. Un pacte secret les a unis à 10 ans. Ensuite, ils se sont perdus de vue.

Les deux récits se rejoignent à travers la secte ésotérique des Précurseurs, qui s'inspire à l'évidence de la secte Aum, créée en 1984. Aomamé et Tengo finissent tous deux par l'affronter chacun à sa manière.

Comme le laisse deviner le titre, 1Q84 fait référence à 1984 de George Orwell. Le premier s'en différencie dans la mesure où il tente d'appréhender l'existence d'un mal invisible, qui aborde les gens sous un jour séduisant et raffiné, et qui contrôle et déforme leur pensée et leur conscience à leur insu.

Récemment, le cinéaste vietnamien Tran Anh Hung a adapté au cinéma un autre roman de Haruki Murakami, La Ballade de l'impossible. Au sujet de ce film, j'ai lu, dans un éminent quotidien français, ce propos d'un non moins éminent critique : "On y voit des Japonais s'efforcer de ne pas être japonais." Je suppose qu'il faut traduire ce stupéfiant commentaire par quelque chose comme : "On y voit des Japonaises vêtues autrement qu'en kimono. " J'en déduis que ce critique a découvert à cette occasion que les Japonais portaient des vêtements modernes. Je m'en réjouis pour lui.

Amélie Nothomb, Le Monde des Livres, 2011
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