Montrer la mort ou la cacher? - photographies funéraires
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Aimeriez-vous posséder des photographies funéraires?
Montrer la mort ou la cacher? - photographies funéraires
"La mort leur va si bien" est une idée de sujet qui m'est venue en regardant les photos d'animaux morts de Nicole Garreau. Peut-être les publiera-t-elle ci-dessous?
Il y a deux choses à distinguer bien qu'elles se rejoignent :
- la photographie funéraire, qui s'est développée au XIXe
- le portrait funéraire qui consiste à représenter en peinture un mort
(il existe aussi les masques mortuaires)
Les deux techniques sont liées, car la photographie a peu à peu remplacé (plus pratique, plus rapide) le portrait.
Photographier des personnes qui viennent de mourir était une façon de vouloir leur rendre hommage, de conserver leur image. A la fin du XIXe (époque victorienne), le taux de mortalité chez les enfants est élevé (maladies comme le choléra, la tuberculose...). par exemple, aux USA, 135 enfants sur 1000 meurent.
Comment dominer cette mort qui s'abat sur l'entourage? Par la photographie qui les immortalise...
"On meurt à la maison, entouré de sa famille et de ses amis. Le corps du défunt est installé dans le salon ou dans une chambre jusqu’à son inhumation. On ne cherche pas à préserver les enfants de la vision des morts. Il n’est pas rare que dans les familles pauvres, l’enfant doive partager la chambre, et même le lit d’une sœur ou d’un frère mourant.
On veille auprès du lit de mort. Les amis, les connaissances viennent présenter leurs condoléances à la famille endeuillée.
La mère ou la veuve entame pour une durée de deux ans et demi, la période dite de « grand deuil ». Elle ne portera durant cette période que des vêtements de couleur noire et ne participera à aucune activité sociale. Durant les six derniers mois du deuil, il est permis de porter la couleur grise ou lavande. Dans la classe moyenne, les enfants sont tenus de respecter ce rituel, mais pour une durée d’un an seulement.
La photographie va prendre une place importante dans le processus de deuil et de mémoire. Les familles font appel à des photographes locaux ou itinérants pour prendre des clichés de leurs défunts. L’aspect qui pourrait nous paraître le plus morbide, réside dans la mise en scène des clichés. Parfois, il s’agit simplement du corps placé dans le cercueil, d’autres fois, on le place dans un lit pour faire croire qu’il sommeille. Plus singulier, le défunt est parfois accompagné des autres membres de la famille. Les mères portent leurs bébés dans leurs bras. L’enfant se tient à côté de son frère mort… Parfois même, c’est toute la famille qui pose prêt du défunt."
Il y a une volonté de représenter aussi la personne comme si elle était encore vivante. L'enfant mort, porté sur soi, montré, est encore là, dans la famille, en fait partie.
"Les photos ainsi prises sont précieusement conservées et placées dans l’album familial. On les envoie aux membres de la famille n’ayant pas pu se déplacer. On les encadre. On les porte en médaillon.
Il y a avait même des cartes de visite post-mortem :
Ces pratiques disparaîtront progressivement avec la fin de l’époque victorienne et l’évolution du rapport à la mort. Il ne s’agira plus de montrer la mort pour la dompter, mais bien au contraire de la cacher pour l’éloigner."
On trouve aussi quelques photos d'animaux :
Une exposition au musée d'Orsay intitulée Le dernier portrait (2002) était à ce sujet. On pouvait y voir des photographies familiales, des peintures, mais aussi le cliché par Nadar de Victor Hugo sur son lit de mort:
Qui se souvient de la polémique à propos de la mort de Mitterrand? Paris Match avait été condamné pour cette photo. La mort est le tabou de notre époque, quand le sexe s'expose.
"La 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris a condamné hier (13/01/1997)Roger Thérond, directeur de Paris-Match, à 100 000 francs d'amende dans l'affaire de la publication des photos de François Mitterrand sur son lit de mort par l'hebdomadaire en janvier 1995. Pour le tribunal, «les hommes publics ne constituent pas une catégorie d'êtres à part, dont l'importance des prérogatives conduirait à la privation des droits élémentaires reconnus à tout individu», dont le respect de la vie privée."
La mort, c'est donc la vie privée. Le corps humain, comme je le disais [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], est décidément un corps saint.
En un siècle, la mort est devenue tabou au point qu'il ne viendrait plus à l'idée de quiconque de photographier ses morts. Cela passerait pour du vice, pour le fait d'une personne dérangée ou malsaine. Montrer, cacher... Chacun accepte comme il peut la mort des êtres chers, mais ce n'est plus un choix individuel, c'est un choix de société.
Diaporama :
Sources : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Dernière édition par Kashima le Jeu 11 Aoû 2011 - 22:09, édité 1 fois
Kashima- Faux-monnayeur
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Kashima- Faux-monnayeur
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Re: Montrer la mort ou la cacher? - photographies funéraires
- Spoiler:
- (Zut, on ne peut pas donner plusieurs réponses au sondage... Bon, j'ai répondu "Oui, d'inconnus pour l'esthétique", encore que ce ne soit peut-être pas la plastique proprement dite qui m'intéresse, mais les sentiments qu'elle suscite.)
A la demande de Kashima donc, et aussi parce que ça me fait plaisir qu'elle les demande, les trois p'tites photos que j'avais faites et moi aussi intitulées "La mort leur va si bien". Il n'y a aucune mise en scène et aucune intervention de ma part hein, les animaux sont tels que je les ai trouvés.
Voilà voilà voilà. J'ai sinon bricolé d'autres images autour de la mort, il doit m'en rester quelques unes, je vais vous trouver ça si vous le souhaitez.
x 1001.
Nicole.
Re: Montrer la mort ou la cacher? - photographies funéraires
Oui, on les veut! Celles-ci sont très belles.
Kashima- Faux-monnayeur
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Les Autres
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Dans le film Les Autres d'Amenabar (avec Nicole Kidman), on assiste à ce dialogue:
Grace : Sauriez-vous me dire ce que c'est, Madame Mills ?
Bertha : Ce sont des photographies.
Grace : Mais... ils sont endormis, regardez.
Bertha : Ils ne dorment pas, Madame, ils sont morts. C'est un livre des morts. Au siècle dernier, c'était l'usage de photographier les morts dans l'espoir que leur âme pourrait continuer à vivre à travers leur portrait.
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Dans le film Les Autres d'Amenabar (avec Nicole Kidman), on assiste à ce dialogue:
Grace : Sauriez-vous me dire ce que c'est, Madame Mills ?
Bertha : Ce sont des photographies.
Grace : Mais... ils sont endormis, regardez.
Bertha : Ils ne dorment pas, Madame, ils sont morts. C'est un livre des morts. Au siècle dernier, c'était l'usage de photographier les morts dans l'espoir que leur âme pourrait continuer à vivre à travers leur portrait.
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Kashima- Faux-monnayeur
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Kashima- Faux-monnayeur
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Eric Titran
Bon sang mais c'est bien sûr ! Je n'avais pas fait le rapprochement, mais c'est une évidence, il faut que je vous parle des photographies d'un mien ami, gendarme de son métier (oui, bon, j'ai UN ami gendarme, je n'en suis pas très fière, c'est un reniement total de ma part, mais c'est comme ça), le sieur Eric Titran qui lorsqu'il ne capture pas les gredins capture les images -- dont une série de saisissants autoportraits parmi lesquels nous trouvons celui-ci où l'omniprésent monsieur ne se contente pas d'être le photographe mais incarne et le flic (facile !) et le cadavre...
Du travail de pro...
x 1001.
x 1001.
Nicole.
Clichés couleur
Autres photos données par Maurice que je cite :
"Voici d'autres clichés de personnes décédées, qui finalement sont la preuve que la photographie funéraire a encore de beaux jours devant elle, et que cette pratique ne s'est pas éteinte sociologiquement parlant".
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"Voici d'autres clichés de personnes décédées, qui finalement sont la preuve que la photographie funéraire a encore de beaux jours devant elle, et que cette pratique ne s'est pas éteinte sociologiquement parlant".
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Kashima- Faux-monnayeur
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Re: Montrer la mort ou la cacher? - photographies funéraires
Nicole a écrit:il faut que je vous parle des photographies d'un mien ami, le sieur Eric Titran
Mise en scène de sa mort. Elle a sa place ici.
Les clichés en couleur ne sont pas faits dans les mêmes conditions, dans le même but que ceux en noir et blanc, plus anciens. On photographie le mort sur son lit, dans son cercueil, mais on ne le fait plus paraître vivant, comme autrefois, au sein de la famille. La mise en scène est absente, cette fois, bien qu'on voie, ça et là, un bouquet ou une croix placés sur le cadavre.
Il y a donc cette différence essentielle : les anciens clichés nient la mort en l'intégrant parmi les vivants ; sur les photos récentes, le mort n'est "immortalisé" que par le cliché, mais on ne se leurre plus sur sa disparition. Il est déjà ailleurs.
Les clichés en couleur ne sont pas faits dans les mêmes conditions, dans le même but que ceux en noir et blanc, plus anciens. On photographie le mort sur son lit, dans son cercueil, mais on ne le fait plus paraître vivant, comme autrefois, au sein de la famille. La mise en scène est absente, cette fois, bien qu'on voie, ça et là, un bouquet ou une croix placés sur le cadavre.
Il y a donc cette différence essentielle : les anciens clichés nient la mort en l'intégrant parmi les vivants ; sur les photos récentes, le mort n'est "immortalisé" que par le cliché, mais on ne se leurre plus sur sa disparition. Il est déjà ailleurs.
Kashima- Faux-monnayeur
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Double suicide de Stefan Zweig et de Lotte Altmann
Le 22 février 1942, Stefan Zweig, 60 ans, se suicide en avalant des barbituriques. Il le fait avec sa compagne, Lotte, plus jeune de trente ans. Elle était atteinte d'asthme et il est parvenu à la convaincre de se tuer avec lui :
«Tant pis si je n'ai pas été la femme de sa vie ici-bas. Moi, je serai sa compagne pour l'éternité.»
Cela rappelle la future fin de Solal et d'Ariane, écrite par Cohen dans Belle du Seigneur.
"Les domestiques les ont trouvés le lendemain matin, couchés l’un contre l’autre, les mains jointes, la tête de la dame appuyée sur l’épaule du mari, les corbeilles de la maison remplies de papiers déchirés. Zweig avait envoyé plusieurs lettres d’adieu à des amis et laissait une déclaration publique en allemand, ainsi qu’un mot d’excuse à l’adresse de la propriétaire de la maison et une somme d’argent pour la dédommager."
Dans leur chambre, au Brésil, à Petropolis...
«Tant pis si je n'ai pas été la femme de sa vie ici-bas. Moi, je serai sa compagne pour l'éternité.»
Cela rappelle la future fin de Solal et d'Ariane, écrite par Cohen dans Belle du Seigneur.
"Les domestiques les ont trouvés le lendemain matin, couchés l’un contre l’autre, les mains jointes, la tête de la dame appuyée sur l’épaule du mari, les corbeilles de la maison remplies de papiers déchirés. Zweig avait envoyé plusieurs lettres d’adieu à des amis et laissait une déclaration publique en allemand, ainsi qu’un mot d’excuse à l’adresse de la propriétaire de la maison et une somme d’argent pour la dédommager."
Dans leur chambre, au Brésil, à Petropolis...
Kashima- Faux-monnayeur
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