Objets métalliques
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"Le cendrier Cendrillon"
Extrait que je n'avais pas encore pris le temps de mettre :
"C'est rentré chez moi qu'ayant posé la cuiller sur un meuble, je vis tout à coup s'emparer d'elle toutes les puissances associatives et interprétatives qui étaient demeurées dans l'inaction alors que je la tenais. Sous mes yeux, il était clair qu'elle changeait. De profil, à une certaine hauteur, le petit soulier de bois issu de son manche - la courbure de ce dernier aidant - prenait figure de talon et le tout présentait la silhouette d'une pantoufle à la pointe relevée comme celles des danseuses. Cendrillon revenait bien du bal! La longueur réelle de la cuiller de tout à l'heure n'avait plus rien de fixe, ne pouvait présenter aucun caractère contrariant, elle tendait vers l'infini aussi bien dans le sens de la grandeur que dans celui de la petitesse : c'est qu'en effet le petit soulier-talon présidait à l'enchantement, qu'en lui logeait le ressort même de la stéréotypie (le talon de ce soulier talon eût pu être un soulier, dont le talon lui-même... et ainsi de suite). Le bois d'abord ingrat acquérait par là la transparence du verre. Dès lors, la pantoufle au talon-soulier qui se multipliait prenait sur l'étagère un vague air de se déplacer par ses propres moyens. Ce déplacement devenait synchrone de celui de la citrouille-carrosse du conte. Plus loin encore la cuiller de bois s'éclairait, d'ailleurs, en tant que telle. Elle prenait la valeur ardente d'un des ustensiles de cuisine qu'avait dû manipuler Cendrillon avant sa métamorphose. Ainsi se trouvait spécifié complètement un des plus touchants enseignements de la vieille histoire : la pantoufle merveilleuse en puissance dans la pauvre cuiller. Sur cette idée se fermait idéalement le cycle des recoupements. Avec elle il devenait clair que l'objet que j'avais désiré contempler jadis s'était construit hors de moi, très différent, très au-delà de ce que j'eusse imaginé, et au mépris de plusieurs données immédiates trompeuses. C'était donc à ce prix, seulement à ce prix qu'en lui, encore une fois, la parfaite unité organique avait pu être atteinte."
L'Amour fou, André Breton, pp.48-50 (Folio)
Comment écrire un plus beau texte descriptif?
"C'est rentré chez moi qu'ayant posé la cuiller sur un meuble, je vis tout à coup s'emparer d'elle toutes les puissances associatives et interprétatives qui étaient demeurées dans l'inaction alors que je la tenais. Sous mes yeux, il était clair qu'elle changeait. De profil, à une certaine hauteur, le petit soulier de bois issu de son manche - la courbure de ce dernier aidant - prenait figure de talon et le tout présentait la silhouette d'une pantoufle à la pointe relevée comme celles des danseuses. Cendrillon revenait bien du bal! La longueur réelle de la cuiller de tout à l'heure n'avait plus rien de fixe, ne pouvait présenter aucun caractère contrariant, elle tendait vers l'infini aussi bien dans le sens de la grandeur que dans celui de la petitesse : c'est qu'en effet le petit soulier-talon présidait à l'enchantement, qu'en lui logeait le ressort même de la stéréotypie (le talon de ce soulier talon eût pu être un soulier, dont le talon lui-même... et ainsi de suite). Le bois d'abord ingrat acquérait par là la transparence du verre. Dès lors, la pantoufle au talon-soulier qui se multipliait prenait sur l'étagère un vague air de se déplacer par ses propres moyens. Ce déplacement devenait synchrone de celui de la citrouille-carrosse du conte. Plus loin encore la cuiller de bois s'éclairait, d'ailleurs, en tant que telle. Elle prenait la valeur ardente d'un des ustensiles de cuisine qu'avait dû manipuler Cendrillon avant sa métamorphose. Ainsi se trouvait spécifié complètement un des plus touchants enseignements de la vieille histoire : la pantoufle merveilleuse en puissance dans la pauvre cuiller. Sur cette idée se fermait idéalement le cycle des recoupements. Avec elle il devenait clair que l'objet que j'avais désiré contempler jadis s'était construit hors de moi, très différent, très au-delà de ce que j'eusse imaginé, et au mépris de plusieurs données immédiates trompeuses. C'était donc à ce prix, seulement à ce prix qu'en lui, encore une fois, la parfaite unité organique avait pu être atteinte."
L'Amour fou, André Breton, pp.48-50 (Folio)
Comment écrire un plus beau texte descriptif?
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
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