Attaquer le soleil
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Attaquer le soleil
S'il y a une exposition à voir, c'est celle-ci, celle que nous a préparé Annie Le Brun autour de Sade.
Présentation par le musée d'Orsay :
Alphonse Donatien de Sade (1740-1814) a bouleversé l'histoire de la littérature comme celle des arts, de manière clandestine d'abord puis en devenant un véritable mythe.
L'oeuvre du "Divin Marquis" remet en cause de manière radicale les questions de limite, proportion, débordement, les notions de beauté, de laideur, de sublime et l'image du corps. Il débarrasse de manière radicale le regard de tous ses présupposés religieux, idéologiques, moraux, sociaux.
Suivant l'analyse d'Annie Le Brun, spécialiste de Sade et commissaire invitée, l'exposition met en lumière la révolution de la représentation ouverte par les textes de l'écrivain. Seront abordés les thèmes de la férocité et de la singularité du désir, de l'écart, de l'extrême, du bizarre et du monstrueux, du désir comme principe d'excès et de recomposition imaginaire du monde, à travers des oeuvres de Goya, Géricault, Ingres, Rops, Rodin, Picasso…
Le caractère violent de certaines oeuvres et certains documents est susceptible de heurter la sensibilité des visiteurs.
Du Rops, du Kubin à foison. Des oeuvres magnifiques de [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], comme son bouledogue de Maldoror, dont on peut retranscrire le texte pour se souvenir de ce passage (qui m'avait beaucoup marquée et troublée quand j'étais plus jeune), écrit par Lautréamont :
"Maldoror passait avec son bouledogue; il voit une jeune fille qui dort à l'ombre d'un platane, et il la prit d'abord pour une rose. On ne peut dire qui s'éleva le plus tôt dans son esprit, ou la vue de cette enfant, ou la résolution qui en fut la suite. Il se déshabille rapidement, comme un homme qui sait ce qu'il va faire. Nu comme une pierre, il s'est jeté sur le corps de la jeune fille, et lui a levé la robe pour commettre un attentat à la pudeur... à la clarté du soleil! Il ne se gênera pas, allez!... N'insistons pas sur cette action impure. L'esprit mécontent, il se rhabille avec précipitation, jette un regard être prudence sur la route poudreuse, où personne ne chemine, et ordonne au bouledogue d'étrangler avec le mouvement de ses mâchoires, la jeune fille ensanglantée. Il indique au chien de la montagne la place où respire et hurle la victime souffrante, et se retire à l'écart, pour ne pas être témoin de la rentrée des dents pointues dans les veines roses. L'accomplissement de cet ordre put paraître sévère au bouledogue. Il crut qu'on lui demanda ce qui avait été déjà fait, et se contenta, ce loup, au mufle monstrueux, de violer à son tour la virginité de cette enfant délicate. De son ventre déchiré, le sang coule de nouveau le long de ses jambes, à travers la prairie. Ses gémissements se joignent aux pleurs de l'animal. La jeune fille lui présente la croix d'or qui ornait son cou, afin qu'il l'épargne; elle n'avait pas osé la présenter aux yeux farouches de celui qui, d'abord, avait eu la pensée de profiter de la faiblesse de son âge. Mais le chien n'ignorait pas que, s'il désobéissait à son maître, un couteau lancé de dessous une manche, ouvrirait brusquement ses entrailles, sans crier gare. Maldoror (comme ce nom répugne à prononcer!) entendait les agonies de la douleur, et s'étonnait que la victime eût la vie si dure, pour ne pas être encore morte. Il s'approche de l'autel sacrificatoire, et voit la conduite de son bouledogue, livré à de bas penchants, et qui élevait sa tête au-dessus de la jeune fille, comme un naufragé élève la sienne, au-dessus des vagues en courroux. Il lui donne un coup de pied et lui fend un oeil. Le bouledogue, en colère, s'enfuit dans la campagne, entraînant après lui, pendant un espace de route qui est toujours trop long, pour si court qu'il fût, le corps de la jeune fille suspendue, qui n'a été dégagée que grâce aux mouvements saccadés de la fuite; il craint d'attaquer son maître, qui ne le reverra plus. Celui-ci tire de sa poche un canif américain, composé de dix à douze lames qui servent à divers usages. Il ouvre les pattes anguleuses de cet hydre d'acier; et, muni d'un pareil scalpel, voyant que le gazon n'avait pas encore disparu sous la couleur de tant de sang versé, s'apprête, sans pâlir, à fouiller courageusement le vagin de la malheureuse enfant. De ce trou élargi, il retire successivement les organes intérieurs; les boyaux, les poumons, le foie et enfin le coeur lui-même sont arrachés de leurs fondements et entraînés à la lumière du jour, par l'ouverture épouvantable. Le sacrificateur s'aperçoit que la jeune fille, poulet vidé, est morte depuis longtemps; il cesse la persévérance croissante de ses ravages, et laisse le cadavre redormir à l'ombre du platane. On ramassa le canif, abandonné à quelques pas. Un berger témoin du crime, dont on n'avait pas découvert l'auteur, ne le raconta que longtemps après, quand il se fut assuré que le criminel avait gagné en sûreté les frontières, et qu'il n'avait plus à redouter la vengeance certaine proférée contre lui, en cas de révélation. Je plaignis l'insensé qui avait commis ce forfait, que le législateur n'avait pas prévu, et qui n'avait pas eu de précédents. Je le plaignis, parce qu'il est probable qu'il n'avait pas gardé l'usage de la raison, quand il mania le poignard à la lame quatre fois triple, labourant de fond en comble, les parois des viscères. Je le plaignis, parce que, s'il n'était pas fou, sa conduite honteuse devait couver une haine bien grande contre ses semblables, pour s'acharner ainsi sur les chairs et les artères d'un enfant inoffensif, qui fut ma fille. J'assistai à l'enterrement de ces décombres humains, avec une résignation muette; et chaque jour je viens prier sur une tombe."
Moreau, Delacroix, Von Stuck, Munch, Molinier, Breton, Picasso, Bacon, du Masson à volonté, Ernst... Un seul regret : que Clovis Trouille, digne héritier de Sade, soit absent de cette exposition.
A suivre en images...
Présentation par le musée d'Orsay :
Alphonse Donatien de Sade (1740-1814) a bouleversé l'histoire de la littérature comme celle des arts, de manière clandestine d'abord puis en devenant un véritable mythe.
L'oeuvre du "Divin Marquis" remet en cause de manière radicale les questions de limite, proportion, débordement, les notions de beauté, de laideur, de sublime et l'image du corps. Il débarrasse de manière radicale le regard de tous ses présupposés religieux, idéologiques, moraux, sociaux.
Suivant l'analyse d'Annie Le Brun, spécialiste de Sade et commissaire invitée, l'exposition met en lumière la révolution de la représentation ouverte par les textes de l'écrivain. Seront abordés les thèmes de la férocité et de la singularité du désir, de l'écart, de l'extrême, du bizarre et du monstrueux, du désir comme principe d'excès et de recomposition imaginaire du monde, à travers des oeuvres de Goya, Géricault, Ingres, Rops, Rodin, Picasso…
Le caractère violent de certaines oeuvres et certains documents est susceptible de heurter la sensibilité des visiteurs.
Du Rops, du Kubin à foison. Des oeuvres magnifiques de [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], comme son bouledogue de Maldoror, dont on peut retranscrire le texte pour se souvenir de ce passage (qui m'avait beaucoup marquée et troublée quand j'étais plus jeune), écrit par Lautréamont :
"Maldoror passait avec son bouledogue; il voit une jeune fille qui dort à l'ombre d'un platane, et il la prit d'abord pour une rose. On ne peut dire qui s'éleva le plus tôt dans son esprit, ou la vue de cette enfant, ou la résolution qui en fut la suite. Il se déshabille rapidement, comme un homme qui sait ce qu'il va faire. Nu comme une pierre, il s'est jeté sur le corps de la jeune fille, et lui a levé la robe pour commettre un attentat à la pudeur... à la clarté du soleil! Il ne se gênera pas, allez!... N'insistons pas sur cette action impure. L'esprit mécontent, il se rhabille avec précipitation, jette un regard être prudence sur la route poudreuse, où personne ne chemine, et ordonne au bouledogue d'étrangler avec le mouvement de ses mâchoires, la jeune fille ensanglantée. Il indique au chien de la montagne la place où respire et hurle la victime souffrante, et se retire à l'écart, pour ne pas être témoin de la rentrée des dents pointues dans les veines roses. L'accomplissement de cet ordre put paraître sévère au bouledogue. Il crut qu'on lui demanda ce qui avait été déjà fait, et se contenta, ce loup, au mufle monstrueux, de violer à son tour la virginité de cette enfant délicate. De son ventre déchiré, le sang coule de nouveau le long de ses jambes, à travers la prairie. Ses gémissements se joignent aux pleurs de l'animal. La jeune fille lui présente la croix d'or qui ornait son cou, afin qu'il l'épargne; elle n'avait pas osé la présenter aux yeux farouches de celui qui, d'abord, avait eu la pensée de profiter de la faiblesse de son âge. Mais le chien n'ignorait pas que, s'il désobéissait à son maître, un couteau lancé de dessous une manche, ouvrirait brusquement ses entrailles, sans crier gare. Maldoror (comme ce nom répugne à prononcer!) entendait les agonies de la douleur, et s'étonnait que la victime eût la vie si dure, pour ne pas être encore morte. Il s'approche de l'autel sacrificatoire, et voit la conduite de son bouledogue, livré à de bas penchants, et qui élevait sa tête au-dessus de la jeune fille, comme un naufragé élève la sienne, au-dessus des vagues en courroux. Il lui donne un coup de pied et lui fend un oeil. Le bouledogue, en colère, s'enfuit dans la campagne, entraînant après lui, pendant un espace de route qui est toujours trop long, pour si court qu'il fût, le corps de la jeune fille suspendue, qui n'a été dégagée que grâce aux mouvements saccadés de la fuite; il craint d'attaquer son maître, qui ne le reverra plus. Celui-ci tire de sa poche un canif américain, composé de dix à douze lames qui servent à divers usages. Il ouvre les pattes anguleuses de cet hydre d'acier; et, muni d'un pareil scalpel, voyant que le gazon n'avait pas encore disparu sous la couleur de tant de sang versé, s'apprête, sans pâlir, à fouiller courageusement le vagin de la malheureuse enfant. De ce trou élargi, il retire successivement les organes intérieurs; les boyaux, les poumons, le foie et enfin le coeur lui-même sont arrachés de leurs fondements et entraînés à la lumière du jour, par l'ouverture épouvantable. Le sacrificateur s'aperçoit que la jeune fille, poulet vidé, est morte depuis longtemps; il cesse la persévérance croissante de ses ravages, et laisse le cadavre redormir à l'ombre du platane. On ramassa le canif, abandonné à quelques pas. Un berger témoin du crime, dont on n'avait pas découvert l'auteur, ne le raconta que longtemps après, quand il se fut assuré que le criminel avait gagné en sûreté les frontières, et qu'il n'avait plus à redouter la vengeance certaine proférée contre lui, en cas de révélation. Je plaignis l'insensé qui avait commis ce forfait, que le législateur n'avait pas prévu, et qui n'avait pas eu de précédents. Je le plaignis, parce qu'il est probable qu'il n'avait pas gardé l'usage de la raison, quand il mania le poignard à la lame quatre fois triple, labourant de fond en comble, les parois des viscères. Je le plaignis, parce que, s'il n'était pas fou, sa conduite honteuse devait couver une haine bien grande contre ses semblables, pour s'acharner ainsi sur les chairs et les artères d'un enfant inoffensif, qui fut ma fille. J'assistai à l'enterrement de ces décombres humains, avec une résignation muette; et chaque jour je viens prier sur une tombe."
Moreau, Delacroix, Von Stuck, Munch, Molinier, Breton, Picasso, Bacon, du Masson à volonté, Ernst... Un seul regret : que Clovis Trouille, digne héritier de Sade, soit absent de cette exposition.
A suivre en images...
Dernière édition par Kashima le Dim 21 Déc 2014 - 17:04, édité 1 fois
Kashima- Faux-monnayeur
- Nombre de messages : 6546
Date d'inscription : 29/09/2008
Attaquer le soleil
Attaquer le soleil est une exposition exceptionnelle qui réunit six-cents œuvres autour du marquis de Sade: ses héritiers sont de toutes les époques et de tous les courants. Parmi eux, on trouve ces noms :
Francisco de Goya, Théodore Géricault, Alfred Kubin, Jean-Honoré Fragonard, Félicien Rops, Odilon Redon, Auguste Rodin, Gustave Moreau, Pablo Picasso, Hans Bellmer, Franz von Stuck, Pierre Molinier, Aubrey Beardsley, Man Ray, André Masson, Paul Cézanne, Victor Hugo, Johann Heinrich Füssli, Edvard Munch, Francis Bacon, Jacques Gautier d’Agoty…
L'illustrateur britannique Aubrey Beardsley :
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Un article avec quelques photos sur ce blog :
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Francisco de Goya, Théodore Géricault, Alfred Kubin, Jean-Honoré Fragonard, Félicien Rops, Odilon Redon, Auguste Rodin, Gustave Moreau, Pablo Picasso, Hans Bellmer, Franz von Stuck, Pierre Molinier, Aubrey Beardsley, Man Ray, André Masson, Paul Cézanne, Victor Hugo, Johann Heinrich Füssli, Edvard Munch, Francis Bacon, Jacques Gautier d’Agoty…
L'illustrateur britannique Aubrey Beardsley :
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Kashima- Faux-monnayeur
- Nombre de messages : 6546
Date d'inscription : 29/09/2008
Re: Attaquer le soleil
Sade,Annie le Brun,
Que du bon!D'ici janvier, j'espère pouvoir y aller.
Moreau, Delacroix, Von Stuck, Munch, Molinier, Breton, Picasso, Bacon, du Masson à volonté, Ernst...
Que du bon!D'ici janvier, j'espère pouvoir y aller.
interseXion- L'antichambre
- Nombre de messages : 122
Date d'inscription : 03/07/2009
Re: Attaquer le soleil
Je ne sais pas si tu l'as déjà partagée,je la mets là en complément:
interseXion- L'antichambre
- Nombre de messages : 122
Date d'inscription : 03/07/2009
Sade à Orsay
Tu as bien fait de la mettre...
Moi, je suis prête à y retourner une troisième fois, quand tu veux...
Moi, je suis prête à y retourner une troisième fois, quand tu veux...
Kashima- Faux-monnayeur
- Nombre de messages : 6546
Date d'inscription : 29/09/2008
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