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L'art rescapé des camps nazis

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Message  Kashima Sam 24 Mai 2014 - 9:32

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Le film de Christophe Cognet, Parce que j'étais peintre, fait témoigner des artistes qui ont été enfermés dans des camps.
A l'écran apparaissent leurs dessins qui se superposent aux images des camps aujourd'hui. Pas d'images d'archives : il ne s'agit pas de parler du passé, mais du présent, afin de montrer que rien n'est oublié.
Le réalisateur a été marqué très jeune par Nuit et brouillard d'Alain Resnais, projeté dans la classe d'allemand, sans préparation, sans explication, en punition. Christophe Cognet a donc éprouvé un double choc : un choc historique et un choc cinématographique. Son film documentaire suit la même démarche que celle de Resnais : montrer au présent.
Depuis 2005, il recueille son fond documentaire, lit, se renseigne sur ce thème des oeuvres faites dans les camps.
Il fréquente de très près l'artiste Boris Taslitzsky, qu'il considère comme son troisième grand-père, un proche d'Aragon, des artistes communistes de cette époque. Une de ses aquarelles faite en février 1945 à Buchenwald est d’ailleurs montrée à l'écran :

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La question de départ est la suivante : peut-on faire du beau avec l'horreur? Au début du film, on nous fait entendre deux idées qui s'opposent. Celle de Walter Spitzer : oui, le beau est la condition impérative à une oeuvre. Si l'objet est laid, personne ne s'y intéressera. Celle de Samuel Willenberg : non, il n'y a aucune beauté, aucune "esthetica" (beauté en hébreu) à tirer de ces expériences inhumaines.
Le film s'ouvre sur une lecture d'un texte de Zoran Music :

"Ce n'est pas que je voulais témoigner. Mais la chose était tellement énorme. (...) Monumentale, d'une beauté atroce, terrible. (...) Alors un peintre qu'est-ce qu'il peut faire? (...) C'était une nécessité absolue de reproduire, de représenter ça, de garder ça pour la suite."

On regarde toujours les dessins faits en camps comme des oeuvres faites pour témoigner. Selon Christophe Cognet, l'élan créateur dépasse l'envie du témoignage. Dessiner, reproduire ce qui était devant soi, était une impulsion d'artiste. Comme le dit l'un des témoins du film, il n'arrive jamais d'avoir devant soi des monceaux de cadavres dans la vie de tous les jours.

Walter Spitzer commente un de ses tableaux fait de nos jours (car le réalisateur le rencontre dans son atelier). Il représente une femme enceinte, prise dans un tout petit espace (une chambre à gaz). Les femmes autour d'elle n'en sont pas d'autres : ce sont les différents états par lesquels elle passe avant la mort, prise au piège dans cette chambre.

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Walter Spitzer

On nous montre aussi un dessin dont l'original est perdu. Il représente des femmes en train d'être gazées. Le dessinateur, Wiktor Siminski, n'a pu assister à cette scène et pourtant, il la dessine. Il n'était pas question pour Christophe Cognet de montrer à l'écran des oeuvres d'imagination, et là est aussi une des questions du film : les scènes les plus horribles ne sont souvent pas dessinées car les circonstances ne le permettaient pas (ce qui fait qu'on a beaucoup de dessins de déportés mangeant leur soupe, par exemple, à Buchenwald, et peu d'exécutions). Les seules personnes capables de dessiner une scène de chambre à gaz seraient les victimes ou les bourreaux, et la représentation qu'aurait pu faire un nazi de ces instants terribles n'intéresse pas Christophe Cognet :

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De la même façon, beaucoup de portraits de codétenus étaient réalisés par les peintres. Impossible de voir son propre visage dans les camps, pas de miroirs. Son seul reflet est dans le visage de l'autre. Il faut savoir que l'artiste embellissait souvent l'image du déporté, pour des questions esthétiques sans doute, mais aussi pour ne pas effrayer davantage celui qui découvre son visage croqué. Au musée d'Auschwitz-Birkenau sont conservés des centaines de portraits réalisés par Franciszek Jazwiecki (des autoportraits de l'artiste aussi, comme la deuxième image ci-après):

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Kristina Zaorska témoigne pour la première fois à l'écran. Elle dessinait pour ses codétenues de nombreux dessins qui les aidaient à rêver et à sortir du camp : des têtes de femmes bien coiffées, une petit fille qui dort dans son lit rose avec un chat sur la fenêtre...


Yehuda Bacon, une star en Israël (tout comme Samuel Willenberg) est un des témoins du film. Il commente certains de ses dessins (dont quelques-uns ont servi au procès Eichmann). L'un d'entre eux, poignant, apparaît à l'écran : on voit un baraquement et de la fumée qui s'élève d'une cheminée, puis un visage se dessine. C'est le visage de son père...

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In Memory of the Czech Transport to the Gas Chambers


Il est question aussi, dans le film, des dessins de Dina Gottliebova qui ont un statut particulier : cette jeune Tchèque a été embauchée par Mengele pour ses talents artistiques. Elle devait reproduire le visage des Roms et Sintis avant qu'ils soient torturés et tués pour les expériences pseudo-médicales du docteur (au service de la théorie des races). Le film prend le temps de nous montrer ces visages, tout comme il prend le temps de s'attarder sur les oeuvres.

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Le film montre les lieux (Dora, Birkenau, Buchenwald, Auschwitz...). Volontairement, Christophe Cognet n'a pas retenu dans son corpus les oeuvres faites avant ou après la déportation. Il voulait que ce qui serait montré à l'écran soit ancré dans ce contexte de prisonnier/déporté.

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(Samuel Willenberg à gauche)

Parce que j'étais peintre ne comporte pas de musique, mais le son a été beaucoup travaillé. Le silence travaillé est la musique du film. (les chants d'oiseaux ont même parfois été supprimés un à un).

La chose qui m'a manqué, cependant, c'est que le film ne montrait pas assez l'horreur des conditions de vie dans les camps. Même s'il n'était pas question de cela, j'aurais aimé qu'il insiste plus sur la clandestinité, le risque de perdre immédiatement la vie si on était surpris en train de dessiner. Il manque cette profondeur. J'aurais aimé aussi qu'il soit question de Térézin, camp à part puisqu'il renfermait beaucoup d'artistes. C'est éludé... (mais le film, dans sa version intégrale, fait plus de 3h, et on ne peut pas tout dire...) Sans jouer les violons, il manque aussi une émotion que je n'ai pas ressentie. J'ai vu ce film comme un documentaire dépourvu de tout pathos.

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L'art rescapé des camps nazis Empty Quatuor pour la fin des temps, Olivier Messiaen

Message  Kashima Sam 24 Mai 2014 - 9:47

Autour du film...




Le Quatuor pour la fin du Temps est une œuvre musicale en huit mouvements d'Olivier Messiaen écrite pour violon, violoncelle, clarinette et piano. Cependant, les quatre instruments ne jouent ensemble tout un mouvement que dans deux mouvements.

Il a été inspiré par une citation de l'Apocalypse de Saint Jean.

Le quatuor a été écrit en détention au Stalag VIII-A, à Görlitz (situé sur la frontière actuelle germano-polonaise) en 1940, endroit où étaient détenus Messiaen et Étienne Pasquier depuis le 20 juin 1940. Il y fut présenté pour la première fois le 15 janvier 1941 par Étienne Pasquier (cofondateur par la suite, avec ses deux frères, du célèbre Trio Pasquier) au violoncelle, Jean Le Boulaire au violon, Henri Akoka à la clarinette et Olivier Messiaen lui-même au piano devant un auditoire de 400 personnes.

Près de six mois plus tard, les musiciens ont été libérés et rapatriés en France.
Pasquier et Messiaen rejouèrent l'œuvre peu après au théâtre des Mathurins à Paris, avec, cette fois-ci, Boussinier à la clarinette (Akoka devant fuir les persécutions anti-juives) et Pierre Pasquier au violon.


(source Wikipedia)

Christophe Cognet a essayé d'introduire de la musique dans son film mais rien ne fonctionnait (souvent trop connoté).
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L'art rescapé des camps nazis Empty John Zorn

Message  Kashima Sam 24 Mai 2014 - 9:52

Autre musique que le réalisateur aurait voulu introduire dans le film, un morceau de John Zorn.

Exemple de ce que fait ce musicien :

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