Le Caire de Mahfouz
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Le Caire de Mahfouz
Il y a quelques années, j'ai lu la trilogie du Caire de Mahfouz, auteur égyptien dont la langue m'avait charmée au point que je l'aurais comparé à un Cohen arabe.
Impasse des deux palais, Le palais du désir et Le Jardin du Passé racontent l'histoire d'une famille, du père, le pacha, des enfants... Les deux premiers tomes sont très prenants, le troisième un peu moins car très axé sur la politique.
J'en garde des bribes très agréables, même si je ne saurais plus résumer de quoi il est question dans les détails : je me souviens d'une des filles très belle tandis que l'autre avait un visage ingrat, du mari adultère que sa femme servait, d'un jeune homme amoureux d'une sorte de princesse... J'en garde même le goût d'un chef d'oeuvre!
Le Mendiant, du même auteur, m'a moins intéressée. Omar, un jour, n'éprouve plus rien, n'aime plus rien. Il consulte le docteur qui lui dit qu'il sera son propre soignant car le mal est en lui : manque de sport, excès de nourriture.
Mais le mal empire : il croit trouver la solution en tombant amoureux d'autres femmes, lui dont l'épouse est enceinte pour la troisième fois et a tout quitté pour lui, il y a vingt, reniant jusqu'à sa religion et sa famille.
Mais même le désir ne fait rien renaître, il est mensonger :
"C'est une malédiction ou quoi? Warda est une belle femme et son amour est vraiment sincère. Mais, bon Dieu, que faut-il faire pour protéger le désir de l'engourdissement et ressusciter la poésie morte? Quel crépuscule hivernal!"
"L'ivresse de l'amour est éphémère et celle du sexe est trop brève pour laisser des traces. Que fait l'affamé avide s'il ne trouve pas sa pitance?"
Pourquoi n'ai-je pas été touchée plus que cela? Peut-être parce que la quête et les solutions du personnage n'ont pas plus que cela attiré mon attention. Les passages en famille ou avec d'autres femmes sont ceux qui m'ont le plus plu. Mais les conversations entre hommes, avec le journaliste Mustapha et l'ami Othmân sorti de prison n'étaient pas passionnantes. Je n'ai pas non plus senti cette poésie qu'il y avait dans la trilogie, même si Le Mendiant soulève souvent cette question.
C'est de folie, en définitive, d'un dégoût existentiel qui ne guérit pas dont est atteint cet homme qui avait tout pour être heureux.
Le Mendiant (1965) est la dernière oeuvre du "cycle philosophique" de Mahfouz, commencé en 1959 par Les Fils de la Medina.
Mahfouz a été prix Nobel de littérature en 1988. En 1994, il est victime d'un attentat perpétré par des islamistes (qui n'ont jamais lu une seule ligne de lui!). Paralysé de la main droite, il est obligé de dicter ses textes...
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Vienne la nuit, Naguib Mahfouz
Hassanein et Hussein sont en classe quand on vient les chercher : le proviseur veut les voir. Il leur annonce que leur père est mort subitement ce matin. Quel choc pour eux qui venaient de le quitter! Il avait cinquante ans, était en pleine forme, et le voilà qui laisse sa femme, ses trois fils et sa fille dans le besoin. Hassan, l'aîné, est un traînard ; Nafissa a vingt ans, mais elle n'est pas belle : son père aimant ne cessait pas de lui répéter que le charme compte plus que la beauté mais elle doit bien constater que personne ne veut d'elle pour épouse.
Le roman raconte le chemin que prennent les gens de cette famille, comment Hassanein va tomber amoureux pour la première fois, Nafissa va être obligée de devenir couturière, comment la mère va de devoir faire tourner la maison sans argent... Tous les personnages, même secondaires, sont savoureux...
Peu à peu, dans le dernier quart du livre, le point de vue interne 3e personne est celui d'Hassanein, qui révèle peu à peu un caractère très ambitieux.
Extraits sur l'amour d'Hassanein :
“Même si l’on déposait le soleil dans ma main gauche et la lune dans ma main droite pour que je renonce à elle, je ne le ferais pas, j’aimerais mieux mourir.”
“Ah, l’Amour… ce sentiment tyrannique qui nous asservit. Comment a-t-on pu dire qu’il élit domicile dans le coeur, c’est bien plutôt dans le cerveau qu’il tisse sa toile. C’est bien là le secret de la folie.”
“- Sans un baiser de toi, je mourrai de chagrin.
- Alors, paix à tes cendres.”
— Hassanein à Bahia
Le roman raconte le chemin que prennent les gens de cette famille, comment Hassanein va tomber amoureux pour la première fois, Nafissa va être obligée de devenir couturière, comment la mère va de devoir faire tourner la maison sans argent... Tous les personnages, même secondaires, sont savoureux...
Peu à peu, dans le dernier quart du livre, le point de vue interne 3e personne est celui d'Hassanein, qui révèle peu à peu un caractère très ambitieux.
Extraits sur l'amour d'Hassanein :
“Même si l’on déposait le soleil dans ma main gauche et la lune dans ma main droite pour que je renonce à elle, je ne le ferais pas, j’aimerais mieux mourir.”
“Ah, l’Amour… ce sentiment tyrannique qui nous asservit. Comment a-t-on pu dire qu’il élit domicile dans le coeur, c’est bien plutôt dans le cerveau qu’il tisse sa toile. C’est bien là le secret de la folie.”
“- Sans un baiser de toi, je mourrai de chagrin.
- Alors, paix à tes cendres.”
— Hassanein à Bahia
Kashima- Faux-monnayeur
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L'immeuble Yacoubian
Alaa El Aswany est présenté comme le digne successeur de Naguib Mahfouz - qu'il évoque d'ailleurs au détour d'une page de L'immeuble Yacoubian.
Rue Soliman-Pacha se trouve l'immeuble dans lequel (et autour duquel) vivent les personnages de ce roman qui nous entraîne d'une histoire à l'autre tout en gardant une unité géographique précise : la rue et l'immeuble.
On croise le jeune étudiant ambitieux, Taha, qui veut entrer dans la police et échapper à son origine sociale basse (son père est gardien de l'immeuble Yacoubian). Il est amoureux de Boussaïna et, depuis toujours, l'un et l'autre se sont promis de se marier. On fait connaissance avec un vieil et riche libidineux, Azzam, qui n'avait jamais été tourmenté par la chair et qui, à la soixantaine, se voit saisi d'une vigueur toute nouvelle : son imam lui conseille de prendre une seconde épouse en cachette. Il y a aussi celui qui ouvre et ferme le livre, Zaki Dessouki, un vieil homme voluptueux qui a des ennuis avec sa soeur Daoulet, une folle décidée à le spolier. Tous tentent d'assouvir leurs désirs ou de simplement satisfaire leurs besoins. Il est question de l'état de l'Egypte contemporaine, de l'islamisme grimpant, d'amour, d'ambition, d'homosexualité en la personne d'Hatem, homosexuel passif qui pense avoir trouvé l'amour en Abdou.
Le roman se lit rapidement, avec intérêt et plaisir. Il est vrai qu'il existe des ressemblances avec Naguib Mahfouz, mais Alaa El Aswany est beaucoup plus direct en ce qui concerne les désirs sexuels et leur assouvissement, par exemple.
Je m'étonne qu'il n'y ait pas encore une fatwa lancée contre lui car il fait une critique violente de l'intégrisme islamique.
Alaa El-Aswany, né le 28 mai 1957 au Caire, est un écrivain égyptien exerçant la profession de dentiste au Caire.
Le 16 octobre 2013, alors qu'il est invité pour un débat sur la littérature à l'Institut du monde arabe, il est interrompu par des opposants au général Al-Sissi et au coup d'État militaire du 30 juin 2013. Al-Aswany quitte précipitamment alors la salle et est exfiltré par une petite trappe menant aux sous-sols de de l'Institut, sous les cris des anti-coup d'État aux cris de "Sissi dégage" et "A bas à bas le pouvoir de l'armée.
Rue Soliman-Pacha se trouve l'immeuble dans lequel (et autour duquel) vivent les personnages de ce roman qui nous entraîne d'une histoire à l'autre tout en gardant une unité géographique précise : la rue et l'immeuble.
On croise le jeune étudiant ambitieux, Taha, qui veut entrer dans la police et échapper à son origine sociale basse (son père est gardien de l'immeuble Yacoubian). Il est amoureux de Boussaïna et, depuis toujours, l'un et l'autre se sont promis de se marier. On fait connaissance avec un vieil et riche libidineux, Azzam, qui n'avait jamais été tourmenté par la chair et qui, à la soixantaine, se voit saisi d'une vigueur toute nouvelle : son imam lui conseille de prendre une seconde épouse en cachette. Il y a aussi celui qui ouvre et ferme le livre, Zaki Dessouki, un vieil homme voluptueux qui a des ennuis avec sa soeur Daoulet, une folle décidée à le spolier. Tous tentent d'assouvir leurs désirs ou de simplement satisfaire leurs besoins. Il est question de l'état de l'Egypte contemporaine, de l'islamisme grimpant, d'amour, d'ambition, d'homosexualité en la personne d'Hatem, homosexuel passif qui pense avoir trouvé l'amour en Abdou.
Le roman se lit rapidement, avec intérêt et plaisir. Il est vrai qu'il existe des ressemblances avec Naguib Mahfouz, mais Alaa El Aswany est beaucoup plus direct en ce qui concerne les désirs sexuels et leur assouvissement, par exemple.
Je m'étonne qu'il n'y ait pas encore une fatwa lancée contre lui car il fait une critique violente de l'intégrisme islamique.
Alaa El-Aswany, né le 28 mai 1957 au Caire, est un écrivain égyptien exerçant la profession de dentiste au Caire.
Le 16 octobre 2013, alors qu'il est invité pour un débat sur la littérature à l'Institut du monde arabe, il est interrompu par des opposants au général Al-Sissi et au coup d'État militaire du 30 juin 2013. Al-Aswany quitte précipitamment alors la salle et est exfiltré par une petite trappe menant aux sous-sols de de l'Institut, sous les cris des anti-coup d'État aux cris de "Sissi dégage" et "A bas à bas le pouvoir de l'armée.
Extraits du prêche de l'imam qui tente d'embrigader Taha :
Ecrit en 2002 et comme si on y était!
Kashima- Faux-monnayeur
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