Sándor Márai
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Sándor Márai
Etre différent de ce que l'on est, est le désir le plus néfaste qui puisse brûler dans le coeur des hommes. Car la vie n'est supportable qu'à condition de se résigner à n'être que ce que nous sommes vraiment. Les Braises (1942), Sándor Márai
Né à Kassa (Kaschau en allemand, Kosice en slovaque), dans une ville hongroise multilingue, formé dans la tradition de la bourgeoisie austro-hongroise, Sándor Márai fait ses études de journalisme en Allemagne. Comme de nombreux écrivains de son époque, la jeunesse de Sándor Grosschmied de Márai est marquée par une série de voyages : Francfort, Berlin et Paris. Très doué pour l'allemand, il souhaite écrire dans cette langue mais finit par privilégier le hongrois. En 1928, il s'installe à Budapest. Son style clair, épuré et très en lien avec la réalité lui apporte une renommée rapide. Il est l'un des premiers à rédiger des articles de critiques à propos des oeuvres de Kafka. Par la suite, il déménage en Italie puis aux Etats-Unis. Dès 1923, il est correspondant de la Frankfurter Allgemeine Zeitung à Paris, où il fréquente la bohème intellectuelle. Attiré par l'expressionnisme allemand, il publie poèmes, romans et pièces de théâtre. En 1948, devant la situation sociale et politique que connaît la Hongrie, Márai décide de quitter définitivement son pays. Après de longues errances (la Suisse, Naples, New York, Salerne, le Canada), il s'installe à San Diego. Il se suicide en 1989.
Son oeuvre regroupe principalement des poèmes et des romans. 'La Conversation de Bolzano', publiée en 1940, retrace une aventure tout en surprise arrivée au séducteur Casanova juste après son évasion de la prison des 'plombs' de Venise. En 1942 paraissent 'Les Braises', un ouvrage qui évoque les retrouvailles de deux amis d'enfance, séparés durant plus de quarante et un ans. 1956 marque l'intervention soviétique de Budapest et la cessation de publication de ses écrits. A la fin de sa vie, Márai est accablé par la mort de sa femme. Incapable de faire son deuil et rongé par la souffrance de l'exil, il se donne la mort à San Diego en 1989. Márai y donne une vision assez sombre des relations humaines. Aussi à l'origine des 'Révoltés', des 'Confessions d'un bourgeois' ou de 'Libération', l'oeuvre de Sándor Márai compte un peu plus d'une soixantaine d'ouvrages en partie traduits en français. Tous confèrent à l'écrivain une plume digne des plus grands auteurs d'Europe centrale.
LES BRAISES:
1940. Au fond de la puszta magyare dans la demeure solitaire d'un vieil aristocrate hongrois. À travers la dramatique confrontation de deux hommes autrefois amis, Les Braises évoque cette inéluctable avancée du temps. Livre de l'amitié perdue et des amours impossibles, où les sentiments les plus violents couvent sous les cendres du passé, tableau de la monarchie austro-hongroise agonisante, ce superbe roman permet de redécouvrir un immense auteur dont l'oeuvre fut interdite en Hongrie jusqu'en 1990.
Qu’est-ce que l’amitié ? Que peut-on exiger d’un ami ? Aime-t-on pour soi ou pour l’autre ? Et toutes ces autres questions que l’on se pose sur l’amitié perdue sans en comprendre la raison, sur ces amours impossibles, sur la nostalgie du vieillissement, sur l'agonie d'une société aussi. On ne peut s’empêcher de supposer que Marái s’est inspiré de sa propre expérience avec Döniy, son meilleur ami d’enfance, dont il parle dans Les Confessions d’un bourgeois, même si la fiction est habilement mêlée à la réalité. Un huis clos extraordinaire de sensibilité et de vérité ! Un art de la narration qui prend aux tripes et qui ne vous lâche pas jusqu’à la dernière page. Un style superbe, aux chatoiements multiples, une ironie imperceptible, une plume magnifique au service d’une pensée très humaine.
Reconnu comme l'un des plus grands auteurs de la littérature hongroise et l'un des maîtres du roman européen, l'écrivain Sándor Márai (1900-1989) s'inscrit dans la lignée de Schnitzler, Zweig ou Musil. L'auteur n'a eu de cesse de témoigner d'un monde finissant, observant avec nostalgie une Europe mythique sur le point de s'éteindre.
Né à Kassa (Kaschau en allemand, Kosice en slovaque), dans une ville hongroise multilingue, formé dans la tradition de la bourgeoisie austro-hongroise, Sándor Márai fait ses études de journalisme en Allemagne. Comme de nombreux écrivains de son époque, la jeunesse de Sándor Grosschmied de Márai est marquée par une série de voyages : Francfort, Berlin et Paris. Très doué pour l'allemand, il souhaite écrire dans cette langue mais finit par privilégier le hongrois. En 1928, il s'installe à Budapest. Son style clair, épuré et très en lien avec la réalité lui apporte une renommée rapide. Il est l'un des premiers à rédiger des articles de critiques à propos des oeuvres de Kafka. Par la suite, il déménage en Italie puis aux Etats-Unis. Dès 1923, il est correspondant de la Frankfurter Allgemeine Zeitung à Paris, où il fréquente la bohème intellectuelle. Attiré par l'expressionnisme allemand, il publie poèmes, romans et pièces de théâtre. En 1948, devant la situation sociale et politique que connaît la Hongrie, Márai décide de quitter définitivement son pays. Après de longues errances (la Suisse, Naples, New York, Salerne, le Canada), il s'installe à San Diego. Il se suicide en 1989.
Son oeuvre regroupe principalement des poèmes et des romans. 'La Conversation de Bolzano', publiée en 1940, retrace une aventure tout en surprise arrivée au séducteur Casanova juste après son évasion de la prison des 'plombs' de Venise. En 1942 paraissent 'Les Braises', un ouvrage qui évoque les retrouvailles de deux amis d'enfance, séparés durant plus de quarante et un ans. 1956 marque l'intervention soviétique de Budapest et la cessation de publication de ses écrits. A la fin de sa vie, Márai est accablé par la mort de sa femme. Incapable de faire son deuil et rongé par la souffrance de l'exil, il se donne la mort à San Diego en 1989. Márai y donne une vision assez sombre des relations humaines. Aussi à l'origine des 'Révoltés', des 'Confessions d'un bourgeois' ou de 'Libération', l'oeuvre de Sándor Márai compte un peu plus d'une soixantaine d'ouvrages en partie traduits en français. Tous confèrent à l'écrivain une plume digne des plus grands auteurs d'Europe centrale.
LES BRAISES:
1940. Au fond de la puszta magyare dans la demeure solitaire d'un vieil aristocrate hongrois. À travers la dramatique confrontation de deux hommes autrefois amis, Les Braises évoque cette inéluctable avancée du temps. Livre de l'amitié perdue et des amours impossibles, où les sentiments les plus violents couvent sous les cendres du passé, tableau de la monarchie austro-hongroise agonisante, ce superbe roman permet de redécouvrir un immense auteur dont l'oeuvre fut interdite en Hongrie jusqu'en 1990.
Qu’est-ce que l’amitié ? Que peut-on exiger d’un ami ? Aime-t-on pour soi ou pour l’autre ? Et toutes ces autres questions que l’on se pose sur l’amitié perdue sans en comprendre la raison, sur ces amours impossibles, sur la nostalgie du vieillissement, sur l'agonie d'une société aussi. On ne peut s’empêcher de supposer que Marái s’est inspiré de sa propre expérience avec Döniy, son meilleur ami d’enfance, dont il parle dans Les Confessions d’un bourgeois, même si la fiction est habilement mêlée à la réalité. Un huis clos extraordinaire de sensibilité et de vérité ! Un art de la narration qui prend aux tripes et qui ne vous lâche pas jusqu’à la dernière page. Un style superbe, aux chatoiements multiples, une ironie imperceptible, une plume magnifique au service d’une pensée très humaine.
Reconnu comme l'un des plus grands auteurs de la littérature hongroise et l'un des maîtres du roman européen, l'écrivain Sándor Márai (1900-1989) s'inscrit dans la lignée de Schnitzler, Zweig ou Musil. L'auteur n'a eu de cesse de témoigner d'un monde finissant, observant avec nostalgie une Europe mythique sur le point de s'éteindre.
Invité- Invité
Re: Sándor Márai
Voilà qui donne très très envie! Je retiens Les Braises car je sens, d'après ce que je viens de lire, qu'il vaudra la peine d'être lu!
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Re: Sándor Márai
Très bon choix Kashima! Les Braises mon oeuvre préférée de Márai.
J'ai découvert Márai (qui se prononce Maroil) ainsi que Nadas à la Foire du livre de Francfort, il y a quelques années. Très belle découverte!
J'ai vu l'interprétation théâtrale Die Glut (les braises) à Berlin de Ingo Berk. La première était à la Schauspielhaus à Grasz (Autriche). Très bonne mise en scène!
Les comédiens:
Henrik: Helmuth Lohner
Konrad: Gerhard Balluch
„Die Adaption von Sándor Márais Roman 'Die Glut' im Schauspielhaus Graz gerät mit einem brillanten Helmuth Lohner zu einem denkwürdigen Stück Theaterkunst. [...] Diese scheinbar unverbrüchliche Freundschaft, die durch Absichten, nicht Taten mit einem Mal auf Kimme und Korn stand, nahm der Ungar Sándor Márai zum Explosivstoff für seinen faszinierenden Roman. Der britische Oscar-Preisträger Christopher Hampton hat daraus ein Drama geformt, das nun vor seinen Augen am Grazer Schauspielhaus zur deutschsprachigen Erstaufführung kam. Und als großer Theatersieg gelten kann. Triumph vor allem für und durch Helmuth Lohner. Hacklerregelung für ih, der den zweiten Teil des beeindruckenden Abends quasi im Monolog stemmt. Aber noch mehr als die Textmasse ist die Intensität, mit der er den pensionierten k.u.k.-General Henrik gibt, der in einem bitteren Cocktail aus Aggression und Resignation seinen Freund zur Rede stellt, ohne auf Widerrede zu stoßen. Seelenqual oder Selbstanklage, Erstarrung oder Furor in fast thomasberhardscher Manier - all das zaubert die 76-jährige Wiener Bühnenlegende mit Gesten, Blicken und prägnanter Rauhfaserstimme quasi aus dem Schauspielärmel. Karg aber imposant auch das Bühnenbild von Damian Hitz, der das Jagdschloss in eine strene Isolationszelle transporitiert, durch deren Gitterstäbe und Jalousien das Licht des Lebens draußen nur noch dazu taugt, die Einsamkeit drinnen zu schraffieren. Großer Jubel vom Premierenpublikum mit starker Wiener-Beteiligung für einen denkwürdiges Stück, vor allem für Helmuth Lohner, der 'Die Glut' anfacht zu hohen Theaterflammen."
(Michael Tschida, Kleine Zeitung, 6. Dezember 2009)
J'ai découvert Márai (qui se prononce Maroil) ainsi que Nadas à la Foire du livre de Francfort, il y a quelques années. Très belle découverte!
J'ai vu l'interprétation théâtrale Die Glut (les braises) à Berlin de Ingo Berk. La première était à la Schauspielhaus à Grasz (Autriche). Très bonne mise en scène!
Les comédiens:
Henrik: Helmuth Lohner
Konrad: Gerhard Balluch
„Die Adaption von Sándor Márais Roman 'Die Glut' im Schauspielhaus Graz gerät mit einem brillanten Helmuth Lohner zu einem denkwürdigen Stück Theaterkunst. [...] Diese scheinbar unverbrüchliche Freundschaft, die durch Absichten, nicht Taten mit einem Mal auf Kimme und Korn stand, nahm der Ungar Sándor Márai zum Explosivstoff für seinen faszinierenden Roman. Der britische Oscar-Preisträger Christopher Hampton hat daraus ein Drama geformt, das nun vor seinen Augen am Grazer Schauspielhaus zur deutschsprachigen Erstaufführung kam. Und als großer Theatersieg gelten kann. Triumph vor allem für und durch Helmuth Lohner. Hacklerregelung für ih, der den zweiten Teil des beeindruckenden Abends quasi im Monolog stemmt. Aber noch mehr als die Textmasse ist die Intensität, mit der er den pensionierten k.u.k.-General Henrik gibt, der in einem bitteren Cocktail aus Aggression und Resignation seinen Freund zur Rede stellt, ohne auf Widerrede zu stoßen. Seelenqual oder Selbstanklage, Erstarrung oder Furor in fast thomasberhardscher Manier - all das zaubert die 76-jährige Wiener Bühnenlegende mit Gesten, Blicken und prägnanter Rauhfaserstimme quasi aus dem Schauspielärmel. Karg aber imposant auch das Bühnenbild von Damian Hitz, der das Jagdschloss in eine strene Isolationszelle transporitiert, durch deren Gitterstäbe und Jalousien das Licht des Lebens draußen nur noch dazu taugt, die Einsamkeit drinnen zu schraffieren. Großer Jubel vom Premierenpublikum mit starker Wiener-Beteiligung für einen denkwürdiges Stück, vor allem für Helmuth Lohner, der 'Die Glut' anfacht zu hohen Theaterflammen."
(Michael Tschida, Kleine Zeitung, 6. Dezember 2009)
Invité- Invité
Re: Sándor Márai
"Maroil", à la française, "wal", ou à l'anglaise?
Je sens que je vais aimer...
Je sens que je vais aimer...
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Re: Sándor Márai
"Maroil" est la meilleure transcription que je trouve à la francaise....Je transcris phonétiquement ce qu'un libraire à Francfort m'a fait entendre....peut-être à entendre dans l'onomatopée Oi! ou en allemand dans Reu(e) (regret- un mot qui devrait te plaire)
Invité- Invité
Les Braises, Marai
Et je n'ai pas été déçue. Voilà un livre qui dit beaucoup de choses sans déployer des moyens énormes. Il tourne autour de cette amitié entre deux jeunes garçons, amitié qui va se défaire sans qu'on ait même pu s'en rendre compte.
Depuis leur jeune âge, le fils de l'officier de la Garde (qu'on n'appellera jamais Henri mais qu'on désignera par rapport à son statut social et militaire) et Conrad, issu d'une noblesse ruinée, se sont liés d'amitié :
"Leurs rapports étaient empreints de la plus grande délicatesse. Tout ce que la vie pouvait leur offrir par la suite - sentiments tendres ou désirs brutaux, passions violentes et liaisons fatales -, tout serait plus grossier, plus inhumain. Conrad était sérieux et réservé, montrant, dès l'âge de dix ans, le caractère de l'homme.
Quand ils parvinrent à l'âge ingrat et prirent plaisir à dire des choses sales (...), Conrad fit jurer à Henri qu'ils vivraient dans la chasteté."
Dans le souvenir du vieil homme, on voit naître et se fortifier cette amitié. Pourtant Henri est seul dans son château, il a 73 ans et il s'apprête à recevoir la visite de cet ami qu'il a perdu de vue depuis quarante et un ans. Qu'est-ce qui a pu éloigner ces deux hommes qui ont passé plus de vingt ans ensemble? C'est cette vérité que, lentement, le livre va nous délivrer au fur et à mesure que la nuit tombe, dans un face à face entre les deux hommes devenus vieux.
Cette vieillesse est décrite ainsi par Henri qui sait que cette confrontation ultime avec Conrad est annonciatrice de sa mort :
"Puis c'est le corps qui se met à vieillir. Pas non plus brusquement... d'abord, c'est notre vue qui baisse, puis c'est notre estomac ou notre cœur... ou éventuellement nos jambes commencent à se sentir fatiguées. Oui, la vieillesse avance lentement ; elle s'étend peu à peu à notre âme. Elle est encore pleine de désirs nostalgiques et de souvenirs, elle recherche encore la joie. Quand elle renonce à désirer et à espérer, il ne reste plus que les souvenirs et la vanité de toutes les choses. Arrivé à cette étape, on est réellement vieux. Un matin, on se frotte les yeux pour chasser le sommeil et l'on ne comprend plus pour quelle raison on s'est éveillé. Même l'inattendu, l'étrange et l'épouvantable ne surprennent plus, parce que l'on connaît toutes les probabilités, on avait tout prévu et l'on n'espère plus rien... ni en bien ni en mal..."
C'est un livre sur la trahison et la façon de vivre avec/après elle.
Que s'est-il passé ce matin-là à la chasse, dans une forêt hongroise, dans les alentours du château, durant cette matinée qui fait dire à Henri qu'"il existe un sentiment de honte qui est plus pénible que n'importe quelle autre impression humaine. Je pense à la honte que doit ressentir la victime choisie par le sort et qui se trouve dans l'obligation de regarder son meurtrier dans les yeux."
Tout est dans la retenue, jusqu'à la dernière ligne du texte, lorsque la vieille gouvernante fait un signe de croix sur la tête du vieil officier.
C'est une écriture simple, claire, classique qui dessine peu de personnages, mais les étoffe.
Je crois que je vais en lire d'autres, Les Révoltés , Le Premier Amour et Un Chien de caractère pour commencer...
Dans une petite ville de la province hongroise, un respectable professeur de latin mène une vie terne et solitaire, dénuée de surprises. Lorsqu'il entreprend de tenir son journal, pour " faire passer le temps ", cette apparente tranquillité vole en éclats. Au fur et à mesure qu'il couche sur le papier les menus faits et gestes de ses journées, des bribes de souvenirs d'enfance lui reviennent, la glace qui recouvrait ses émotions se craquelle, et sa propre vérité surgit enfin. Cette fêlure en annonce une autre, qui va faire basculer sa vie : une passion amoureuse, violente, ravageuse... Ce premier roman de Sàndor Màrai impose d'emblée le talent magistral du grand auteur des Braises.
Depuis leur jeune âge, le fils de l'officier de la Garde (qu'on n'appellera jamais Henri mais qu'on désignera par rapport à son statut social et militaire) et Conrad, issu d'une noblesse ruinée, se sont liés d'amitié :
"Leurs rapports étaient empreints de la plus grande délicatesse. Tout ce que la vie pouvait leur offrir par la suite - sentiments tendres ou désirs brutaux, passions violentes et liaisons fatales -, tout serait plus grossier, plus inhumain. Conrad était sérieux et réservé, montrant, dès l'âge de dix ans, le caractère de l'homme.
Quand ils parvinrent à l'âge ingrat et prirent plaisir à dire des choses sales (...), Conrad fit jurer à Henri qu'ils vivraient dans la chasteté."
Dans le souvenir du vieil homme, on voit naître et se fortifier cette amitié. Pourtant Henri est seul dans son château, il a 73 ans et il s'apprête à recevoir la visite de cet ami qu'il a perdu de vue depuis quarante et un ans. Qu'est-ce qui a pu éloigner ces deux hommes qui ont passé plus de vingt ans ensemble? C'est cette vérité que, lentement, le livre va nous délivrer au fur et à mesure que la nuit tombe, dans un face à face entre les deux hommes devenus vieux.
Cette vieillesse est décrite ainsi par Henri qui sait que cette confrontation ultime avec Conrad est annonciatrice de sa mort :
"Puis c'est le corps qui se met à vieillir. Pas non plus brusquement... d'abord, c'est notre vue qui baisse, puis c'est notre estomac ou notre cœur... ou éventuellement nos jambes commencent à se sentir fatiguées. Oui, la vieillesse avance lentement ; elle s'étend peu à peu à notre âme. Elle est encore pleine de désirs nostalgiques et de souvenirs, elle recherche encore la joie. Quand elle renonce à désirer et à espérer, il ne reste plus que les souvenirs et la vanité de toutes les choses. Arrivé à cette étape, on est réellement vieux. Un matin, on se frotte les yeux pour chasser le sommeil et l'on ne comprend plus pour quelle raison on s'est éveillé. Même l'inattendu, l'étrange et l'épouvantable ne surprennent plus, parce que l'on connaît toutes les probabilités, on avait tout prévu et l'on n'espère plus rien... ni en bien ni en mal..."
C'est un livre sur la trahison et la façon de vivre avec/après elle.
Que s'est-il passé ce matin-là à la chasse, dans une forêt hongroise, dans les alentours du château, durant cette matinée qui fait dire à Henri qu'"il existe un sentiment de honte qui est plus pénible que n'importe quelle autre impression humaine. Je pense à la honte que doit ressentir la victime choisie par le sort et qui se trouve dans l'obligation de regarder son meurtrier dans les yeux."
Tout est dans la retenue, jusqu'à la dernière ligne du texte, lorsque la vieille gouvernante fait un signe de croix sur la tête du vieil officier.
C'est une écriture simple, claire, classique qui dessine peu de personnages, mais les étoffe.
Je crois que je vais en lire d'autres, Les Révoltés , Le Premier Amour et Un Chien de caractère pour commencer...
Dans une petite ville de la province hongroise, un respectable professeur de latin mène une vie terne et solitaire, dénuée de surprises. Lorsqu'il entreprend de tenir son journal, pour " faire passer le temps ", cette apparente tranquillité vole en éclats. Au fur et à mesure qu'il couche sur le papier les menus faits et gestes de ses journées, des bribes de souvenirs d'enfance lui reviennent, la glace qui recouvrait ses émotions se craquelle, et sa propre vérité surgit enfin. Cette fêlure en annonce une autre, qui va faire basculer sa vie : une passion amoureuse, violente, ravageuse... Ce premier roman de Sàndor Màrai impose d'emblée le talent magistral du grand auteur des Braises.
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Un chien de caractère
Voilà un livre qui fait passer du rire à l'amer...
La légèreté, la distance ironique de l'auteur dès le premier chapitre donne envie de poursuivre la lecture. Comment l'auteur pourra-t-il écrire sur un chien en gardant sa dignité, en n'étant pas ridiculisé auprès de ses pairs et de ses lecteurs?
Cette ironie est conservée dans la suite du roman. Monsieur et Madame sont un couple sans enfants, c'est la soirée de Noël. En quête, à la dernière minute, d'un cadeau pour Madame, Monsieur va lui ramener un petit pouli (puli), c'est-à-dire un chien de race hongrois.
On assiste aux premiers pas du bébé de quatre mois dans l'appartement, à l'attachement de la famille pour cette petite bête - mais je crois que de découvrir, au fond, qu'il n'est pas de race, pourra être une cause des relations qui se ternissent.
On en veut aux maîtres, que leur névrose ait fait le malheur de ce chien heureux de vivre. Je n'en dis pas plus.
Je livre seulement quelques extraits :
Au moment où ils pensent faire analyser le chien, on en vient à cette réflexion à propos des femmes qui viennent écouter le chien :
"Elles se sentaient mal dans leur peau, elles se sont fait analyser pendant quatre ou cinq ans ; désormais, elles savent pourquoi elles continuent à se sentir mal dans leur peau." (187)
Un épisode, au début du livre, est très drôle aussi. Le chien semble avoir une aversion pour un fauteuil de la maison (p 86):
On s'attache au petit chien, on se plaît à lire les aventures de cette famille écrites par un auteur qui paraît bien connaître la gente canine...
La légèreté, la distance ironique de l'auteur dès le premier chapitre donne envie de poursuivre la lecture. Comment l'auteur pourra-t-il écrire sur un chien en gardant sa dignité, en n'étant pas ridiculisé auprès de ses pairs et de ses lecteurs?
On assiste aux premiers pas du bébé de quatre mois dans l'appartement, à l'attachement de la famille pour cette petite bête - mais je crois que de découvrir, au fond, qu'il n'est pas de race, pourra être une cause des relations qui se ternissent.
On en veut aux maîtres, que leur névrose ait fait le malheur de ce chien heureux de vivre. Je n'en dis pas plus.
Je livre seulement quelques extraits :
Au moment où ils pensent faire analyser le chien, on en vient à cette réflexion à propos des femmes qui viennent écouter le chien :
"Elles se sentaient mal dans leur peau, elles se sont fait analyser pendant quatre ou cinq ans ; désormais, elles savent pourquoi elles continuent à se sentir mal dans leur peau." (187)
Un épisode, au début du livre, est très drôle aussi. Le chien semble avoir une aversion pour un fauteuil de la maison (p 86):
On s'attache au petit chien, on se plaît à lire les aventures de cette famille écrites par un auteur qui paraît bien connaître la gente canine...
Kashima- Faux-monnayeur
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De l'attente (Métamoprhoses d'un mariage)
De l'attente :
https://lemanoirdeslettres.forumactif.com/t274-de-l-attente
Sur la rencontre :
"D'une façon générale, l'homme n'est-il pas conscient de l'importance des grands moments de sa vie? En voyant une personne pour la première fois, ne peut-on se dire, comme dans les romans : "la voilà, la véritable, l'authentique, celle qui m'est destinée? Je ne peux pas vraiment répondre à cette question... tout ce que je puis faire, c'est fermer les yeux et me souvenir. Oui, ce jour-là, il y a eu quelque chose, le courant est passé... comme un rayonnement... le contact s'est établi... mais ce ne sont là que des mots, et la parole n'est pas le seul moyen dont nous disposons pour transmettre nos pensées et nos sentiments. Il y a aussi, dirait-on de nos jours, des longueurs d'onde, et cette entente mystérieuse entre deux êtres signifie qu'ils sont effectivement "sur la même longueur d'onde".
"Un ordre invisible s'instaure parfois dans la vie lorsque quelque chose doit s'accomplir, les circonstances, oui, les lieux, les objets et même les personnes de l'entourage deviennent nos complices."
Métamorphoses d'un mariage
https://lemanoirdeslettres.forumactif.com/t274-de-l-attente
Sur la rencontre :
"D'une façon générale, l'homme n'est-il pas conscient de l'importance des grands moments de sa vie? En voyant une personne pour la première fois, ne peut-on se dire, comme dans les romans : "la voilà, la véritable, l'authentique, celle qui m'est destinée? Je ne peux pas vraiment répondre à cette question... tout ce que je puis faire, c'est fermer les yeux et me souvenir. Oui, ce jour-là, il y a eu quelque chose, le courant est passé... comme un rayonnement... le contact s'est établi... mais ce ne sont là que des mots, et la parole n'est pas le seul moyen dont nous disposons pour transmettre nos pensées et nos sentiments. Il y a aussi, dirait-on de nos jours, des longueurs d'onde, et cette entente mystérieuse entre deux êtres signifie qu'ils sont effectivement "sur la même longueur d'onde".
"Un ordre invisible s'instaure parfois dans la vie lorsque quelque chose doit s'accomplir, les circonstances, oui, les lieux, les objets et même les personnes de l'entourage deviennent nos complices."
Métamorphoses d'un mariage
Kashima- Faux-monnayeur
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