Anna Akhmatova, L’icône de la souffrance russe
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Anna Akhmatova, L’icône de la souffrance russe
"Tout est prêt pour la mort, ce qui résiste le mieux sur terre, c'est la tristesse, et ce qui restera c'est la Parole souveraine." Anna Akhmatova
"Ces belles paroles sont de la grande poétesse russe Anna Akhmatova qui, avec Osip Mandelstam et dans une moindre mesure Marina Tsvetaieva, aura été la nouvelle source de la littérature russe du vingtième siècle. Elle est à jamais cette parole souveraine qui aura fait taire toutes les voix de l'oppression. Les plus criardes, les plus haineuses.
Elle semble trôner au milieu de nous comme une Pietà, avec sa douleur dans ses bras, son sourire las, sa présence intimidante, sa beauté hautaine. On ne voit d'ailleurs jamais les portraits de sa vieillesse, seulement ceux de sa belle moisson inaltérable de son visage des années vingt. Elle était la beauté même qui ne pouvait se flétrir. Le temps ne pouvait réaliser ce que les bourreaux ne purent.
Modigliani painting of Anna Akhmatova, 1914
Voix de contralto sur les lettres russes, elle incarne la douleur et la résistance à la dictature. Si fortement que de son œuvre poétique on ne connaît souvent que le recueil « Requiem » composé à la fin des années trente pour témoigner, avec des millions de petites gens, sur la disparition d'êtres chers. Ce texte passant clandestinement de main en main sera le réconfort d'une population soumise à un fou sanguinaire, et qui trouvera dans ces mots la description de sa propre réalité quotidienne. Il ne sera publié officiellement en Russie qu'en 1980 ! 27 ans après que les vers aient enfin pris possession de ce psychopathe nommé Staline et petit père des peuples par tous les communistes et affidés.
Son œuvre importante va des « poésies antipopulaires et décadentes » du renouveau lyrique russe avec les passeurs d'âmes (les acméistes), au cœur du siècle, jusqu' aux œuvres de témoignage de la douleur du monde. Toujours cette fille de la haute bourgeoisie sera étiquetée « renégate », nuisible pour la jeunesse, réactionnaire et totalement morbide par le pouvoir de terreur de Staline. Seule sa renommée la sauvera du goulag. Comme le disait le pouvoir soviétique « nous ne pouvons compatir avec une femme qui n'a pas su mourir à temps ». Cette noble parole est de 1935 et Anna a 36 ans !
Et Anna aura beaucoup à souffrir de ces psychopathes voulant le bien des ouvriers, et plus sûrement le leur. Elle leur survécut par les mots et devint l'étendard des pauvres et des persécutés, elle la haute bourgeoise. Elle restera universelle, les autres resteront seulement boue de l'humanité."
J'ai vécu trente ans sous l'aile de la mort. dira-t-elle.
portrait of Anna Akhmanova by Kuzma Petrov- Vodkin, 1922
A la mort
Tôt ou tard tu viendras - pourquoi pas maintenant ?
Je suis en grand malheur et je t'appelle.
ma lumière est éteinte, mon portrait est béant -
Pour toi si simple et si belle.
Tu peux prendre la forme qui te convient :
flèche empoisonnée, trouant le vide,
bandit, assomme-moi sur le chemin.
Emporte-moi fièvre typhoïde.
Ou bien encore - ta belle invention,
pour tous, à en vomir, banale ;
Qu'un képi bleu entre dans ma maison,
guidé par le concierge pâle.
Tout m'est égal. Ienisseï bouillonnant,
L'étoile polaire brille sur moi.
Et l'éclat bleu des yeux que j'aime tant
se voile d'un ultime effroi.
19 août 1939 Leningrad, Anna Akhmatova
"Ces belles paroles sont de la grande poétesse russe Anna Akhmatova qui, avec Osip Mandelstam et dans une moindre mesure Marina Tsvetaieva, aura été la nouvelle source de la littérature russe du vingtième siècle. Elle est à jamais cette parole souveraine qui aura fait taire toutes les voix de l'oppression. Les plus criardes, les plus haineuses.
Elle semble trôner au milieu de nous comme une Pietà, avec sa douleur dans ses bras, son sourire las, sa présence intimidante, sa beauté hautaine. On ne voit d'ailleurs jamais les portraits de sa vieillesse, seulement ceux de sa belle moisson inaltérable de son visage des années vingt. Elle était la beauté même qui ne pouvait se flétrir. Le temps ne pouvait réaliser ce que les bourreaux ne purent.
Modigliani painting of Anna Akhmatova, 1914
Voix de contralto sur les lettres russes, elle incarne la douleur et la résistance à la dictature. Si fortement que de son œuvre poétique on ne connaît souvent que le recueil « Requiem » composé à la fin des années trente pour témoigner, avec des millions de petites gens, sur la disparition d'êtres chers. Ce texte passant clandestinement de main en main sera le réconfort d'une population soumise à un fou sanguinaire, et qui trouvera dans ces mots la description de sa propre réalité quotidienne. Il ne sera publié officiellement en Russie qu'en 1980 ! 27 ans après que les vers aient enfin pris possession de ce psychopathe nommé Staline et petit père des peuples par tous les communistes et affidés.
Son œuvre importante va des « poésies antipopulaires et décadentes » du renouveau lyrique russe avec les passeurs d'âmes (les acméistes), au cœur du siècle, jusqu' aux œuvres de témoignage de la douleur du monde. Toujours cette fille de la haute bourgeoisie sera étiquetée « renégate », nuisible pour la jeunesse, réactionnaire et totalement morbide par le pouvoir de terreur de Staline. Seule sa renommée la sauvera du goulag. Comme le disait le pouvoir soviétique « nous ne pouvons compatir avec une femme qui n'a pas su mourir à temps ». Cette noble parole est de 1935 et Anna a 36 ans !
Et Anna aura beaucoup à souffrir de ces psychopathes voulant le bien des ouvriers, et plus sûrement le leur. Elle leur survécut par les mots et devint l'étendard des pauvres et des persécutés, elle la haute bourgeoise. Elle restera universelle, les autres resteront seulement boue de l'humanité."
J'ai vécu trente ans sous l'aile de la mort. dira-t-elle.
portrait of Anna Akhmanova by Kuzma Petrov- Vodkin, 1922
A la mort
Tôt ou tard tu viendras - pourquoi pas maintenant ?
Je suis en grand malheur et je t'appelle.
ma lumière est éteinte, mon portrait est béant -
Pour toi si simple et si belle.
Tu peux prendre la forme qui te convient :
flèche empoisonnée, trouant le vide,
bandit, assomme-moi sur le chemin.
Emporte-moi fièvre typhoïde.
Ou bien encore - ta belle invention,
pour tous, à en vomir, banale ;
Qu'un képi bleu entre dans ma maison,
guidé par le concierge pâle.
Tout m'est égal. Ienisseï bouillonnant,
L'étoile polaire brille sur moi.
Et l'éclat bleu des yeux que j'aime tant
se voile d'un ultime effroi.
19 août 1939 Leningrad, Anna Akhmatova
Invité- Invité
Re: Anna Akhmatova, L’icône de la souffrance russe
Un visage peu commun. Je ne la connaissais pas...
Kashima- Faux-monnayeur
- Nombre de messages : 6546
Date d'inscription : 29/09/2008
Re: Anna Akhmatova, L’icône de la souffrance russe
un visage peu commun et une femme hors du commun...un monument et un symbole dans la littérature russe!
Invité- Invité
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