Les poètes de Teulé
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Les poètes de Teulé
Ce romancier français, qui a commencé par la bande-dessinée et la télévision, est l'auteur de deux livres très bien faits et plaisants sur deux grands poètes français : Verlaine et Villon.
Jean Teulé parvient à créer des atmosphères : le Paris du XIXème, le Moyen-Âge de Villon que l'on découvre sous un autre jour que celui du poète étudié dans le secondaire...
Il a aussi consacré un livre à Rimbaud, que je n'ai pas encore lu, adapté au cinéma : Rainbow pour Rimbaud.
Je viens de finir Mangez-le si vous voulez, qui raconte comment Alain de Monéys s'est fait lyncher par 600 personnes qui cherchaient un bouc-émissaire à leur ressentiment. C'est un Prussien, on aura sa peau pour tous nos enfants et maris envoyés au front... Mais de Monéys n'est pas un Prussien! C'est un adjoint au maire de sa commune, très dévoué au peuple, généreux... La méprise en est-elle une? La foule en folie décide de la faire souffrir.
16 août 1870. Jour de foire à Hautefaye, petite bourgade périgourdine sans histoire. L'occasion pour Alain de Monéys, jeune aristocrate local, d'acheter une génisse pour une voisine indigente. Il a 28 ans. Affable et apprécié de tous, il vient tout juste d'être élu à l'unanimité premier conseiller municipal de sa commune. La guerre contre la Prusse est mal engagée, le Second Empire vit ses dernières heures. Une atmosphère lugubre plane sur la France.
A peine arrivé à l'entrée de la foire, Alain de Monéys est pris à partie par un paysan. Son cousin Camille de Maillard aurait chauffé la foule, prétendant que l'armée française s'était repliée lors de la toute dernière bataille de Reischoffen. Pire, il aurait crié "Vive la République !" avant de prendre la fuite. De Monéys dément, connaissant parfaitement les tendances politiques de son cousin. Mais les paysans maintiennent leurs allégations et la situation s'envenime. La foule se fait menaçante. Le jeune homme est rapidement accusé d'être républicain. Et bientôt - insulte suprême - de supporter la Prusse ! Il n'en fallait pas plus pour déclencher une furie incontrôlable.
De Monéys a beau crier "Vive l'Empereur !", les coups pleuvent. Tous s'en mêlent. L'autorité locale a déserté, laissant seuls le curé et le maire tenter de s'interposer. Ceux-ci arrivent à isoler la victime quelques instants dans une étable. Mais le répit est de courte durée. Quelques minutes plus tard, la foule revient à la charge et pendant deux heures, au coeur même de la foire, plusieurs centaines de villageois participent au pugilat. Frappé, brisé, lacéré, torturé, lynché à coups de gourdins, de fourches, de ferraille, il sera finalement brûlé vif sur la place publique. Le maire, de dépit, aurait alors lancé un sarcastique "Mangez-le si vous voulez !". Conseil suivi par quelques uns qui iront jusqu'à becqueter les graisses humaines suintant du bûcher.
Plusieurs centaines de personnes étaient présentes sur les lieux du supplice. Une foule de braves gens devenus fous, le temps d'un après-midi. Tous connaissaient Alain de Monéys. Tous l'estimaient. Tous le savaient innocent des accusations proférées contre lui. Mais tous ont participé au lynchage. La justice ne poursuivra qu'une vingtaine de meneurs, dont quatre seront condamnés à mort. Au lendemain de cette frénésie barbare, les participants, abasourdis, hébétés, n'avaient qu'une seule phrase à la bouche : "Pourquoi a-t-on fait ça ?". Ils n'ont jamais compris. En 1953, Noémie Lavaud mourut à Hautefaye à l'âge de 92 ans. Elle était le dernier témoin direct du drame. Il y a 56 ans...
http://www.lesmotsontunsens.com/alain-de-moneys-hautefaye-lynchage-cannibales-5283
Le livre de Teulé nous narre cette journée d'enfer, où de Monéys est ferré comme un cheval, à qui l'on crève un oeil ; on le laboure à la fourche, on lui coupe les orteils. L'horreur n'en finit pas, il ne meurt pas (comme dans le film Martyrs, la souffrance inhumaine n'entraîne pas la mort!) Il se verra brûler, mourir jusqu'au bout.
Jean Teulé organise son récit en chapitres qui correspondent à des changements de lieu : la foule folle entraîne sa proie d'un endroit à l'autre, lui faisant subir tous les supplices imaginables.
Du même auteur, doué pour la narration, je vais lire Les Lois de la Gravité. Le Montespan était une lecture agréable.
Et les autres, dont voici la liste:
* Rainbow pour Rimbaud, Julliard, 1991.
* L'Œil de Pâques, Julliard, 1992.
* Balade pour un père oublié, Julliard, 1995.
* Darling, Julliard, 1998.
* Bord cadre, Julliard, 1999.
* Longues Peines, Julliard, 2001.
* Les Lois de la gravité, Julliard, 2003.
* Ô Verlaine !, Julliard, 2004.
* Je, François Villon , Julliard, 2006.
* Le magasin des suicides, Julliard, 2007.
* Le Montespan, Julliard, 2008. Grand Prix Palatine du roman historique, prix Maison de la Presse 2008.
* Mangez-le si vous voulez, Julliard, 2009.
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Le Montespan était une lecture agréable...
C'est dit comme si tu avais trouvé ça nul!
Ce n'est pas le meilleur pour moi, mais l'originalité de l'histoire et le décalage de ton m'ont vraiment plu!
Je les ai tous lus (sauf "l'Oeil de Pâques", introuvable... si quelqu'un a ça près de chez lui...)
Pour moi, le meilleur, c'est Ô Verlaine, mais chacun de ses romans nous plonge dans un univers neuf et inédit.
Il me surprend toujours.
"Rainbow pour Rimbaud" est très poétique, comme "Balade pour un père oublié", très bien écrit. "Bord cadre" est celui qui m'a le moins marqué (et pourtant, je me souviens l'avoir bien aimé aussi)
Ce n'est pas le meilleur pour moi, mais l'originalité de l'histoire et le décalage de ton m'ont vraiment plu!
Je les ai tous lus (sauf "l'Oeil de Pâques", introuvable... si quelqu'un a ça près de chez lui...)
Pour moi, le meilleur, c'est Ô Verlaine, mais chacun de ses romans nous plonge dans un univers neuf et inédit.
Il me surprend toujours.
"Rainbow pour Rimbaud" est très poétique, comme "Balade pour un père oublié", très bien écrit. "Bord cadre" est celui qui m'a le moins marqué (et pourtant, je me souviens l'avoir bien aimé aussi)
Ezéchiel- Vergilius' forest
- Nombre de messages : 49
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Les poètes de Teulé
Tu exagères! Où vois-tu ça?Ezéchiel a écrit:C'est dit comme si tu avais trouvé ça nul!
Verlaine marquant, Villon encore plus, avec cet emmurement dans le cimetière...
Kashima- Faux-monnayeur
- Nombre de messages : 6546
Date d'inscription : 29/09/2008
Charly 9
Dans Charly 9, le dernier roman en date de Jean Teulé, on trouve aussi des poètes : Ronsard est un vieux libidineux qui court après les soubrettes ; le roi lui demande de lui écrire sa Franciade en décasyllabes, et la chose rebute le poète : il doit chanter les exploits de Francus et ce poème épique restera inachevé.
On croise aussi un autre poète de la Pléiade, De Baïf, ainsi que Dorat.
Ce Charly 9 ne mérite pas les critiques négatives que j'ai pu lire (cf. Les Inrockuptibles) qui le classaient dans les navets :
" Idem dans Charly 9. Jean Teulé tente d'amuser la galerie avec une farce indigeste autour des massacres de la Saint-Barthélemy (sujet fendard s'il en est). Pour faire plus XVIe siècle, Teulé sature son texte de fraises et de collerettes, d'interjections d'une truculence qui se veut rabelaisienne - "crétin fécal", "par la chiasse de la Vierge"... - et rimaille à tout-va, osant d'audacieuses associations comme "Pléiade" et "salade". Quel fieffé faquin ce Jeannot."
http://www.lesinrocks.com/livres-arts-scenes/livres-arts-scenes-article/t/65907/date/2011-06-05/article/la-mecanique-des-blockbusters/
Je ne suis pas du tout d'accord avec ce paragraphe critique. Au contraire, c'est bien écrit, le portrait de ce roi sanguinaire Charles IX est brossé de chapitre en chapitre, avec des tableaux les uns à la suite des autres (c'est d'ailleurs le reproche qu'on pourrait faire, le mangue d'"intrigue" et l'impression de juxtaposition de saynètes - si on peut appeler ainsi des épisodes plus sanglants les uns que les autres).
On ne peut pas reprocher à Jean Teulé d'ancrer son texte dans une époque, avec un langage parfois de rustre (surtout qu'il le fait souvent avec du recul et avec de l'humour, comme dans les dernières pages, quand il fait référence au fanatisme religieux :
"Quelqu'un, dont on se demande bien ce qu'il fout là, crie : "Allah akbar!" Ah ben, tiens, il ne manquait plus que lui pour que la fête soit totale." p 229)
Tout commence par un conseil en présence du roi : sa mère Catherine de Médicis, son frère duc d'Anjou, le futur Henri III (ainsi que d'autres conseillers) veulent que soit organisé, pour le lendemain, le massacre des protestants. Charles IX refuse cette idée et finit par céder face à l'insistance de ses interlocuteurs. Le lendemain aura donc lieu la St Barthélémy, ce 24 août 1572 où seront massacrés des milliers de protestants.
Le début du livre est lisible ici : http://www.lexpress.fr/culture/livre/un-extrait-de-charly-9-par-jean-teule_968324.html
Après ce jour, Charly 9 semble obsédé par le sang. Ce massacre lui a tourné la tête et c'est au bruit du cri des corbeaux qui viennent manger des morceaux de cadavres jonchant le sol de Paris qu'il se réveille trois jours après :
Comme le dit p.117 sa mère :
"Il marine encore son remords, essore son dégoût.
- Le remords, c'est un rat mort dont l'odeur pue!" (répond le duc d'Anjou)
L'écriture est soignée et, comme dans les autres livres de Jean Teulé, il y a du sexe et de la cruauté. Ça n'en manque pas, avec ce roi qui bascule dans la folie, organisant des chasses dans les couloirs du Louvre, égorgeant sur un coup de tête son fidèle lévrier et dépeçant les alouettes après leur avoir tordu le cou pour en faire des pâtés.
L'ombre de Catherine de Médicis plane dans les couloirs du château : elle sait tout, entend tout, et on la sent même capable, cette grande empoisonneuse, d'éliminer son cadet pour laisser le trône à son fils préféré, ses "Chers yeux"...
Catherine de Médicis
Dans ce roman, on apprend l'origine du 1er avril (Charles IX aurait décrété que l'année commence le 1er janvier au lieu du 1er avril et, en guise de protestation, les réfractaires accrochaient des poissons morts dans le dos pour montrer que cette décision était ridicule, une "blague"). On voit aussi d'où vient l'offrande du muguet du 1er mai : le roi voulait donner quelque chose à son peuple, un porte-bonheur, pour le consoler de ne plus avoir assez à manger.
Ça transpire le sang, comme le roi dans ses derniers instants et on révise en même temps l'histoire de France.
un livre qui donne aussi envie de revoir La Reine Margot...
Pour conclure, ces mots de l'Express :
"Avec des accents de bédéiste à la Hara-Kiri, Teulé malaxe l'Histoire, joue avec la langue, amuse la galerie. Un délice... royal !"
On croise aussi un autre poète de la Pléiade, De Baïf, ainsi que Dorat.
Ce Charly 9 ne mérite pas les critiques négatives que j'ai pu lire (cf. Les Inrockuptibles) qui le classaient dans les navets :
" Idem dans Charly 9. Jean Teulé tente d'amuser la galerie avec une farce indigeste autour des massacres de la Saint-Barthélemy (sujet fendard s'il en est). Pour faire plus XVIe siècle, Teulé sature son texte de fraises et de collerettes, d'interjections d'une truculence qui se veut rabelaisienne - "crétin fécal", "par la chiasse de la Vierge"... - et rimaille à tout-va, osant d'audacieuses associations comme "Pléiade" et "salade". Quel fieffé faquin ce Jeannot."
http://www.lesinrocks.com/livres-arts-scenes/livres-arts-scenes-article/t/65907/date/2011-06-05/article/la-mecanique-des-blockbusters/
Je ne suis pas du tout d'accord avec ce paragraphe critique. Au contraire, c'est bien écrit, le portrait de ce roi sanguinaire Charles IX est brossé de chapitre en chapitre, avec des tableaux les uns à la suite des autres (c'est d'ailleurs le reproche qu'on pourrait faire, le mangue d'"intrigue" et l'impression de juxtaposition de saynètes - si on peut appeler ainsi des épisodes plus sanglants les uns que les autres).
On ne peut pas reprocher à Jean Teulé d'ancrer son texte dans une époque, avec un langage parfois de rustre (surtout qu'il le fait souvent avec du recul et avec de l'humour, comme dans les dernières pages, quand il fait référence au fanatisme religieux :
"Quelqu'un, dont on se demande bien ce qu'il fout là, crie : "Allah akbar!" Ah ben, tiens, il ne manquait plus que lui pour que la fête soit totale." p 229)
Tout commence par un conseil en présence du roi : sa mère Catherine de Médicis, son frère duc d'Anjou, le futur Henri III (ainsi que d'autres conseillers) veulent que soit organisé, pour le lendemain, le massacre des protestants. Charles IX refuse cette idée et finit par céder face à l'insistance de ses interlocuteurs. Le lendemain aura donc lieu la St Barthélémy, ce 24 août 1572 où seront massacrés des milliers de protestants.
Le début du livre est lisible ici : http://www.lexpress.fr/culture/livre/un-extrait-de-charly-9-par-jean-teule_968324.html
Après ce jour, Charly 9 semble obsédé par le sang. Ce massacre lui a tourné la tête et c'est au bruit du cri des corbeaux qui viennent manger des morceaux de cadavres jonchant le sol de Paris qu'il se réveille trois jours après :
Comme le dit p.117 sa mère :
"Il marine encore son remords, essore son dégoût.
- Le remords, c'est un rat mort dont l'odeur pue!" (répond le duc d'Anjou)
L'écriture est soignée et, comme dans les autres livres de Jean Teulé, il y a du sexe et de la cruauté. Ça n'en manque pas, avec ce roi qui bascule dans la folie, organisant des chasses dans les couloirs du Louvre, égorgeant sur un coup de tête son fidèle lévrier et dépeçant les alouettes après leur avoir tordu le cou pour en faire des pâtés.
L'ombre de Catherine de Médicis plane dans les couloirs du château : elle sait tout, entend tout, et on la sent même capable, cette grande empoisonneuse, d'éliminer son cadet pour laisser le trône à son fils préféré, ses "Chers yeux"...
Catherine de Médicis
Dans ce roman, on apprend l'origine du 1er avril (Charles IX aurait décrété que l'année commence le 1er janvier au lieu du 1er avril et, en guise de protestation, les réfractaires accrochaient des poissons morts dans le dos pour montrer que cette décision était ridicule, une "blague"). On voit aussi d'où vient l'offrande du muguet du 1er mai : le roi voulait donner quelque chose à son peuple, un porte-bonheur, pour le consoler de ne plus avoir assez à manger.
Ça transpire le sang, comme le roi dans ses derniers instants et on révise en même temps l'histoire de France.
un livre qui donne aussi envie de revoir La Reine Margot...
Pour conclure, ces mots de l'Express :
"Avec des accents de bédéiste à la Hara-Kiri, Teulé malaxe l'Histoire, joue avec la langue, amuse la galerie. Un délice... royal !"
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Rainbow pour Rimbaud
Rimbaud, premier poète sur lequel a écrit Teulé avant Verlaine et Villon.
Mais l'originalité est qu'il ne fait pas une biographie romancée de l'auteur des "Voyelles" : il raconte l'histoire de Robert, un grand échalas de 36 ans qui vit dans l'admiration folle de Rimbaud. Au commencement, on le voit sortir d'une armoire : c'est là qu'il dort, c'est son bateau depuis qu'il a l'âge de douze ans. Robert connaît par cœur la Pléiade consacrée au poète. Un jour, son père, qui en a assez de le voir passer son temps dans ce meuble, le détruit. En rentrant, Robert ne dit mot, met il récite à tue-tête "Le Bateau ivre" en quittant le domicile familial, sans se retourner:
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Il va rencontrer à Paris une jeune femme, Isabelle, elle aussi originale : sur son balcon survit une aubépine qu'elle a soustraite au massacre de ces fleurs depuis que sévit le feu bactérien dans la ville de Paris.
Isabelle et Robert vont voyager. Robert se prend de plus en plus pour Arthur, il veut, comme lui, souffrir du genou. Sa folie le pousse à se faire tatouer, à la pointe du compas, sur le visage et le corps, des vers : "Je est un autre" lui sert de moustache...
Entre les voyages des deux drôles d'amants, l'histoire est entrecoupée de récits de personnages : le professeur de banlieue chahuté, qui rêve sur les départs des autres le dimanche à Orly ; le jeune Égyptien qui vit avec sa famille dans une nécropole et fabrique de la coke empoisonnée pour les Américains ; la femme qui collectionne les amants étrangers... Tous ces gens ont en commun de croiser sur leur route Robert et Isabelle. Rainbow pour Rimbaud, du blanc des aubépines au roux de la chevelure de Robert, en passant par toutes les couleurs sur leur route.
Composé en douze strophes, le livre se lit avec plaisir, pour l'originalité de tous ces personnages et l'hommage à Rimbaud rendu.
Voici deux phrases que j'ai trouvées particulièrement poétiques :
“Je suis vierge car je ne sais pas nager dans le silence givrant du ventre des filles.”
“Nous seuls, les astres, savons que le ciel est vide! répond de sa grosse voix la Lune qui s’enfuit dans le vide.”
Il existe un film, réalisé par Jean Teulé : Laure Marsac y joue Isabelle, Robert Mac Leod le poète.
Kashima- Faux-monnayeur
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Fleur de Tonnerre
Lecture plaisante : c'est l'histoire vraie d'Hélène Jégado, une Bretonne qui a vécu au XIXe siècle, et qui a acquis dès l'enfance la folie de l'empoisonnement. Bercée par les légendes bretonnes, ou plutôt effrayée par cet univers où il est question de nains, de korrigans, de la mort qui rôde, de toutes les superstitions dont l'imprègne sa famille, Hélène commence par mettre des petites boules noires dans la bouillie d'une amie venue manger à la maison. Sa mère lui dit que c'est de la belladone, qu'elle est folle de mettre ce poison dans la nourriture! Et, quelques minutes après, sans qu'elle le sache, la mère avale la bouillie dans laquelle sa fille a écrasé ces boules noires quand elle avait le dos tourné. Elle s'écroule morte. C'est le premier meurtre d'Hélène.
Comme son père vend la maison, elle est envoyée chez une tante. Elle apprend la cuisine et, dès qu'elle entre dans une maison, au service de quelqu'un, les gens y tombent comme des mouches : elle a le secret de petits gâteaux à l'arsenic et celui de la soupe aux herbes.
C'est une véritable hécatombe : elle sillonne le Morbihan, va jusqu'à Rennes. Hélène se prend pour l'Ankou, dieu de la mort, depuis qu'elle a vu sa statue dans une église quand elle était petite.
Jean Teulé nous fait suivre ce parcours d'empoisonneuse. Bien sûr, l'action est répétitive car Hélène est une psychopathe qui agit toujours de la même façon, mais on ne s'ennuie pas et on a envie de suivre ses aventures de meurtrière. Elle ne m'a, à aucun moment, paru antipathique malgré l'horreur de ses actes : tout le monde y passe! Amants, tantes, petits enfants, curés... Elle tue à l'aveugle, qu'on soit bon ou mauvais, car elle est l'ange de la Mort et ne peut épargner personne. J'ai bien aimé qu'il n'en fasse pas une femme aigrie : elle est juste folle.
Les chapitres correspondent aux villes qu'elle visite, ils sont accompagnés d'une petite carte à chaque fois pour que le lecteur situe les lieux.
J'ai moins aimé les deux Normands qui sont présents tout au long du livre, qui subissent un très mauvais sort en Bretagne et perdent tout, petit à petit. On peut finalement comprendre leur utilité à la fin du livre, parce qu'à force de coups du sort et de mauvais traitements, ils deviennent des génies du mal et s'imprègnent en terre bretonne.
L'intérêt de ce livre est de découvrir, de façon romancée, l'histoire de cette serial killeuse qui a pu sévir durant quarante ans en toute impunité. Le reproche que l'on pourrait faire est qu'on est loin de l'écriture des romans Villon et Verlaine : Jean Teulé va plus à la facilité, et c'est ce qui m'a gênée au début du livre. L'écriture devient plus transparente. Mais il reste cette façon de raconter des horreurs avec une légèreté qui lui est particulière. Dommage qu'il passe sur le soin du style car cela pourrait faire des romans d'une autre trempe.
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
Héloïse, ouille!
Héloïse, ouille! Ca rime avec...? C'est à peu près le niveau du livre.
J'ai eu un mauvais pressentiment dès les premières pages quand, à l'apparition d'Héloïse, l'éminent précepteur Abélard est décrit ainsi :
"on dirait une bite qui se met à bander au milieu d'une paire de couilles" (p. 14)
Et Héloïse laisse voir les poils de son pubis à travers sa tunique transparente, dans l’entrebâillement du jour. Passons... Je me dis que c'est sa façon de dépeindre un coup de foudre, pourquoi pas. Et puis, j'ai lu beaucoup de Jean Teulé avec lesquels j'avais passé un bon moment.
Malheureusement, quelques pages plus tard, on retrouve sous sa plume :
"On devine qu'il bande et que ça lui pétille dans les couilles" p. 22
Je referme le livre et remet la lecture au lendemain, pensant que je suis mal lunée...
Abélard est embauché par le chanoine Fulbert pour veiller à l'instruction de sa nièce. Il habitera dans la même demeure, dans une chambre communicante avec celle de son élève Héloïse. A la première leçon, il la salue en l'embrassant sur la bouche. Le lecteur n'a pas à attendre longtemps pour que le récit vire au catalogue de scènes érotiques (je dirais graveleuses) : Héloïse est une traînée qui a sucé beaucoup de monde ; elle se laisse prendre, le "masturbé" lui raconte un peu sa vie. Il décide, pour varier les plaisirs, de la sodomiser. Il aime aussi lui frapper les fesses. Mais Héloïse est une érudite :
"Omnia tu mihi facis, tibi facio" (tout ce que tu me fais, je te le fais)
Et voilà notre Abélard sodomisé durant une heure avec une carotte.
Pour moi, c'en est trop. Ce mythe, symbole de la passion, de l'amour interdit, est purement traîné dans la boue.
Je me demande pourquoi Jean Teulé a fait de ces deux amants des êtres libidineux, dont on ne sent pas l'amour (j'ai arrêté assez vite, autour de la page 60 quand j'ai vu que cela n'évoluait pas). Qu'il aime raconter le sexe, soit, mais qu'il choisisse son sujet. Bien sûr, la passion implique le sexe et le désir, mais avait-on besoin de ces scènes sans intérêt? J'ai l'impression que l'auteur se fait plaisir. Mais il touche à une légende et il la souille.
J'ai trouvé cela vulgaire, et le livre m'a fait le même effet que l'auteur que j'ai vu en décembre 2014 à la Grande Librairie : gouailleur, sans finesse et grossier.
Je me dis qu'on est bien heureux qu'il ait écrit sur Rimbaud puis Verlaine autrefois, avant cette lubie grasse pour le sexe car on aurait eu droit à du n'importe quoi.
Héloïse, ouille! n'a rien à voir avec ses anciens livres : la légèreté s'est muée en un ton paillard systématique, qui me dérange.
Déçue!
Mieux vaut écouter cette émission sur le sujet (diffusée en 2010) :
http://www.franceculture.fr/emission-correspondances-15-h%C3%A9loise-et-ab%C3%A9lard-rediffusion-2010-04-19.html
et lire les belles lettres d'amour :
Kashima- Faux-monnayeur
- Nombre de messages : 6546
Date d'inscription : 29/09/2008
Héloïse, ouille!
Gardons au moins cette citation latine des premières pages :
“Quod felicitas habetur in ista vita et non in alia.”
— (C'est dans cette vie qu'on possède le bonheur et pas dans une autre.)
“Quod felicitas habetur in ista vita et non in alia.”
— (C'est dans cette vie qu'on possède le bonheur et pas dans une autre.)
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
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