ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
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ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
"Je me suis sentie limitée par la pauvreté du traditionnel principe de dessin architectural et j'ai recherché de nouveaux moyens de représentation". Voilà comment Zaha Hadid résume sa vision de l'architecture.
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Zaha Hadid
Cet artiste de génie, anticonformiste a gravi un à un les échelons pour devenir aujourd'hui la première femme architecte de renommée internationale. Ses projets fleurissent aux quatre coins du monde.
Seule femme architecte, lauréate du prix Pritzker 2004 (l'équivalent d'un Oscar ou d'un Nobel pour l'architecture), Zaha Hadid s'est imposée comme l'une des artistes les plus douées du moment. Ses œuvres (à la fois abstraites et organiques) révolutionnent l'architecture et même le rapport à l'espace et au monde. Parfois incomprises et controversées, l'irako-britannique a su repenser les codes de l'architecture classique. Zaha Hadid est une artiste sans compromis, moderne, originale, audacieuse... Bref, en un mot : monumentale!
Par son talent de visionnaire, elle fascine le monde. Par son caractère bien trempé, elle terrorise son monde.
On la dit autoritaire, hautaine et même antipathique, mais son aplomb et son talent rendent forcément jaloux. Dans le monde cruel et misogyne des architectes, elle a su opposer une intelligence féroce, une logistique de carrière imparable, et a affirmé une vision nouvelle.
Biographie:
Après de brillantes études de mathématiques à l'Université américaine de Beyrouth puis à l'Association d'architecture de Londres, Zaha Hadid enseigne à l’Architectural Association et collabore avec Rem Koolhaas au sein du Bureau de l'architecture métropolitaine (Office for Metropolitan Architecture). En 1979, elle crée sa propre agence et s’impose assez vite comme l’une des principales figures du déconstructivisme, un courant qui refuse l'ordre linéaire de l'architecture moderne.
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Caserne des pompiers, aujourd'hui musée du design, Vitra, Weil am Rhein, Allemagne, Zaha Hadid
Qu'est-ce que le déconstructivisme?
Le déconstructivisme est un mouvement de pensée philosophique, fortement influencé par la linguistique. Jacques Derrida en est le plus célébre penseur.
Mais c'est dans l’architecture que les manifestations de la déconstruction sont les plus visibles : formes brisées, déchiquetées, asymétriques et mal proportionnées, évoquant la destruction physique.
En architecture, le déconstructivisme est analysé pour la première fois en 1988 par Marc Wigley à l'occasion d'une exposition au MOMA. Sous ce nom, il rassemble les oeuvres de Frank Gehry, Daniel Libeskind, Rem Koolhaas, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Bernard Tschumi et du collectif Coop Himmelblau.
«La déconstruction est un "texte suspendu". Elle ne cherche pas les fondations des parties visibles de l'édifice. Elle s'attaque aux causes qui mènent de l'origine à la fin de façon linéaire, et ceci car elle considère que les deux cohabitent en permanence. Son travail consiste en une lecture de la fin vers l'origine et vice-versa. Ce mouvement de va et vient de la lecture devient une philosophie à l'œuvre, un travail d'écriture qui poursuit la lecture.
La déconstruction est une critique non pas négative mais productive. "La déconstruction est inventive ou elle n'est pas (…) sa démarche engage une affirmation." Elle veut inventer l'impossible. »
PIERRE GRENIER, Pourquoi déconstruire l'architecture?
Appliquant les principes de la déconstructions, Zaha Hadid use de nouvelles formes, propose une architecture ouverte sur le monde, audacieuse et aérienne. Son style est principalement caractérisé par une propension pour les entrelacs de lignes tendues et de courbes, les formes pointues et la superposition de plans,qui donnent à ses créations complexité et légèreté. Son architecture ne rompt jamais avec l’urbanisme, mais, au contraire, s’intègre parfaitement à l’environnement.
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Nouvel opéra, Dobai, Zaha Hadid
Les enjeux de la déconstruction:L'art désengagé et la fin des idéologies
«Les trois dernières formes décelables à l'intérieur du postmodernisme architectural sont bien plus intéressantes. En particulier parce que toutes maintiennent et assument clairement une ambition forte de créativité et d'innovation, et cela sur base d'une critique de la modernité, souvent d'ailleurs considérée comme n'ayant pas véritablement honoré ses ambitions.
[...]
S'il existe des éléments qui permettent de les rassembler, sans doute les trouverait-on d'une part dans leur commune critique de la raison (même si celle-ci s'opère sur des bases différentes) et, d'autre part, dans leur abandon, plus ou moins clairement assumé, de coupler l'ambition d'émancipation esthétique à un projet d'émancipation socio-politique. Un abandon qui confine parfois, comme chez R. Koolhaas, à une acceptation cynique de la réalité.
[...]
L'esthétique du déconstructivisme apparaît clairement comme une esthétique de la négativité. Il ne s'agit pas, contrairement au modernisme architectural, de promettre un nouveau style, une nouvelle cohérence, encore moins de s'appuyer sur un projet social ou utopique. Le constat socio-politique est bien celui de la fin des idéologies, tel que le théorisera Jean-François Lyotard. C'est pourquoi le déconstructivisme refuse l'appellation avant-gardiste. “ Even though it thraetens this most fundamental property of architectural objects, deconstructivist architecture does not constitute an avant-garde. It is not a rhetoric of the new... It exploits the weaknesses in the tradition in order to disturb rather than overthrow it. ”(M. Wigley). On retrouve l'image de la déconstruction, telle que la théorisera Derrida. Voir en particulier J. Derrida, Marges de la philosophie, Minuit, Paris, p. 162 s..
[...]
Le travail des déconstructivistes s'opérera ainsi autour d'une volonté de transgression systématique des codes architecturaux qui ont fait aussi bien le classicisme que le modernisme architectural: centralité, hiérarchie, fonctionnalité (on connaît ainsi les piliers ou les escaliers non fonctionnels de certaines maisons de Eisenman), symétrie, gravité... »
Extraits de " Modernité et post-modernité en architecture " Jean-Louis GENARD, dans Réseaux, revue interdisciplinaire de philosophie morale et politique, n° 88-89-90, 2000, " Modernité et postmodernité ", p. 95-110
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Home House, Londres, Zaha Hadid
"IMAGINATION RADICALE"
Sa pratique, elle, peut se résumer à quelques principes simples : "Repousser constamment les limites de l'architecture et de l'urbanisme"; "Expérimenter sans cesse de nouveaux concepts spatiaux"; "Renforcer les paysages urbains existants en proposant une nouvelle esthétique de la ville". Ce que son partenaire, Patrik Schumacher, résume par les termes "Imagination radicale".
Sa pensée, il faut plutôt la lire dans l'incroyable profusion de dessins, déshumanisés par l'usage de l'informatique, qu'elle livre pour chaque concours, ou simplement pour son plaisir, et dans les textes que ses contemporains lui consacrent avec délectation : Greg Lynn, Peter Cook, Gordana Fontana-Giusti et Andreas Ruby pour la dernière mouture de ses œuvres complètes, publiée comme un grand livre-jeu pour adultes sous un emballage de plastique. Comme dans la plupart des ouvrages qui touchent à son travail ou à son image, elle cherche à garder le contrôle, à imposer cette griffe qui en fait un trésor vivant en Grande-Bretagne, à l'égal de Norman Foster, Richard Rodgers ou de Philippe Stark. Un statut qui repose sur des doses variables d'originalité, de mutisme, de snobisme, d'énergie et, dans tous les cas, d'individualisme forcené.
"La plus belle chose de mon agence, dit-elle, c'est sa dimension de recherche, pas une recherche fondée sur l'application de solutions déjà connues, mais une façon d'étudier les dessins de ville assez longuement pour imaginer de nouveaux développements."
Au-delà de la flexibilité de ses projets, on retrouve des constances : l'usage du béton qui lui permet d'envisager les formes les plus opposées aux lois ordinaires de la gravité pour obéir à celle d'une joyeuse légèreté, Et puis des plis, des angles, des enroulements, des traits nets, acérés, tout un langage qui aurait pu rester de l'ordre de la science-fiction sans des personnalités comme elle, Frank Gehry ou Enric Miralles. Avec le risque qu'implique tout catalogue formel, si étendu soit-il, celui d'un style qui tourne à la répétition de trois ou quatre stéréotypes.
Depuis 2001, la carrière de Zaha Hadid, dont tous les détails, vêtements, propos publics et conférences sont élaborés comme un objet de marketing destiné à conquérir les plus vastes marchés, a pris une formidable dimension. Cette mondialisation d'un modèle architectural est ce qui la rapproche d'un Norman Foster, susceptible, comme elle, d'adapter son style high-tech sous toutes les latitudes. Comme les vins charpentés et boisés qu'a universalisés le guide de Robert Parker, l'architecture selon Hadid, a fait oublier son propos radical, par ses qualités plastiques en premier lieu, mais aussi par son caractère répétitif, facilement reconnaissable.
Cela convient aux maîtres d'ouvrage et aux commanditaires. Aux Etats-Unis, il fallait au pied de chaque gratte-ciel un Miro, un Calder ou un Lichtenstein. Puis la sculpture a investi l'architecture et chaque ville a voulu son Gehry. Toute collection étant appelée à s'étendre, il leur faut maintenant d'autres signes faciles à partager, comme la magie de cette architecte venue du pays des Mille et Une Nuits.
(cf. Zaha Hadid, les mille et un projets d'une architecte, Le Monde, 11.12.2004)
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Hotel Puerta America, Madrid, Zaha Hadid
La poésie architecturale de l'angle non droit:
Elle bannit toute idée de bâti à angle droit. Prône les formes fluides, flottantes, sinusoidales. Des diagonales, des stalactites, des torsions ou des strates. Elle fait rêver et croire à une nouvelle manière de vivre, située à la jonction de l'architecture, de l'art et du design. Tel est le choix de Zaha Hadid. Le dessin se libère du “té” et de l’équerre.
On pourrait songer alors aux oeuvres du peintre Paul Klee. Celui-ci a toujours respecté l’orthogonalité des supports (feuilles de dessin, tableaux). Mais il a le plus souvent interposé entre le cadre “normal” et ses formes un cadre dynamique dont la fonction était de calmer la dureté de la convention. A quoi bon utiliser l’angle droit quand on peut faire autrement?
Pour conclure et illustrer ces formes fluides, je prendrai comme exemple son installation J.S. Bach au Manchester Art Gallery:
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JS Bach / Zaha Hadid Architects Chamber Music Hall at Manchester Art Gallery
for Manchester International Festival
Ici, Zaha Hadid signe une superbe salle de musique spécialement concue pour accueillir les airs de Johann Sebastian Bach. Un volumineux ruban tourbillone à l’intérieur de la salle, une sculpture spatiale et visuelle à la complexité équivalente aux partitions de J.S Bach.
« The design enhances the multiplicity of Bach’s work through a coherent integration of formal and structural logic. A single continuous ribbon of fabric swirls around itself, creating layered spaces to cocoon the performers and audience with in an intimate fluid space. » Zaha Hadid.
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Zaha Hadid et Karl Lagerfeld
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Zaha Hadid
Cet artiste de génie, anticonformiste a gravi un à un les échelons pour devenir aujourd'hui la première femme architecte de renommée internationale. Ses projets fleurissent aux quatre coins du monde.
Seule femme architecte, lauréate du prix Pritzker 2004 (l'équivalent d'un Oscar ou d'un Nobel pour l'architecture), Zaha Hadid s'est imposée comme l'une des artistes les plus douées du moment. Ses œuvres (à la fois abstraites et organiques) révolutionnent l'architecture et même le rapport à l'espace et au monde. Parfois incomprises et controversées, l'irako-britannique a su repenser les codes de l'architecture classique. Zaha Hadid est une artiste sans compromis, moderne, originale, audacieuse... Bref, en un mot : monumentale!
Par son talent de visionnaire, elle fascine le monde. Par son caractère bien trempé, elle terrorise son monde.
On la dit autoritaire, hautaine et même antipathique, mais son aplomb et son talent rendent forcément jaloux. Dans le monde cruel et misogyne des architectes, elle a su opposer une intelligence féroce, une logistique de carrière imparable, et a affirmé une vision nouvelle.
Biographie:
Après de brillantes études de mathématiques à l'Université américaine de Beyrouth puis à l'Association d'architecture de Londres, Zaha Hadid enseigne à l’Architectural Association et collabore avec Rem Koolhaas au sein du Bureau de l'architecture métropolitaine (Office for Metropolitan Architecture). En 1979, elle crée sa propre agence et s’impose assez vite comme l’une des principales figures du déconstructivisme, un courant qui refuse l'ordre linéaire de l'architecture moderne.
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Caserne des pompiers, aujourd'hui musée du design, Vitra, Weil am Rhein, Allemagne, Zaha Hadid
Qu'est-ce que le déconstructivisme?
Le déconstructivisme est un mouvement de pensée philosophique, fortement influencé par la linguistique. Jacques Derrida en est le plus célébre penseur.
Mais c'est dans l’architecture que les manifestations de la déconstruction sont les plus visibles : formes brisées, déchiquetées, asymétriques et mal proportionnées, évoquant la destruction physique.
En architecture, le déconstructivisme est analysé pour la première fois en 1988 par Marc Wigley à l'occasion d'une exposition au MOMA. Sous ce nom, il rassemble les oeuvres de Frank Gehry, Daniel Libeskind, Rem Koolhaas, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Bernard Tschumi et du collectif Coop Himmelblau.
«La déconstruction est un "texte suspendu". Elle ne cherche pas les fondations des parties visibles de l'édifice. Elle s'attaque aux causes qui mènent de l'origine à la fin de façon linéaire, et ceci car elle considère que les deux cohabitent en permanence. Son travail consiste en une lecture de la fin vers l'origine et vice-versa. Ce mouvement de va et vient de la lecture devient une philosophie à l'œuvre, un travail d'écriture qui poursuit la lecture.
La déconstruction est une critique non pas négative mais productive. "La déconstruction est inventive ou elle n'est pas (…) sa démarche engage une affirmation." Elle veut inventer l'impossible. »
PIERRE GRENIER, Pourquoi déconstruire l'architecture?
Appliquant les principes de la déconstructions, Zaha Hadid use de nouvelles formes, propose une architecture ouverte sur le monde, audacieuse et aérienne. Son style est principalement caractérisé par une propension pour les entrelacs de lignes tendues et de courbes, les formes pointues et la superposition de plans,qui donnent à ses créations complexité et légèreté. Son architecture ne rompt jamais avec l’urbanisme, mais, au contraire, s’intègre parfaitement à l’environnement.
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Les enjeux de la déconstruction:L'art désengagé et la fin des idéologies
«Les trois dernières formes décelables à l'intérieur du postmodernisme architectural sont bien plus intéressantes. En particulier parce que toutes maintiennent et assument clairement une ambition forte de créativité et d'innovation, et cela sur base d'une critique de la modernité, souvent d'ailleurs considérée comme n'ayant pas véritablement honoré ses ambitions.
[...]
S'il existe des éléments qui permettent de les rassembler, sans doute les trouverait-on d'une part dans leur commune critique de la raison (même si celle-ci s'opère sur des bases différentes) et, d'autre part, dans leur abandon, plus ou moins clairement assumé, de coupler l'ambition d'émancipation esthétique à un projet d'émancipation socio-politique. Un abandon qui confine parfois, comme chez R. Koolhaas, à une acceptation cynique de la réalité.
[...]
L'esthétique du déconstructivisme apparaît clairement comme une esthétique de la négativité. Il ne s'agit pas, contrairement au modernisme architectural, de promettre un nouveau style, une nouvelle cohérence, encore moins de s'appuyer sur un projet social ou utopique. Le constat socio-politique est bien celui de la fin des idéologies, tel que le théorisera Jean-François Lyotard. C'est pourquoi le déconstructivisme refuse l'appellation avant-gardiste. “ Even though it thraetens this most fundamental property of architectural objects, deconstructivist architecture does not constitute an avant-garde. It is not a rhetoric of the new... It exploits the weaknesses in the tradition in order to disturb rather than overthrow it. ”(M. Wigley). On retrouve l'image de la déconstruction, telle que la théorisera Derrida. Voir en particulier J. Derrida, Marges de la philosophie, Minuit, Paris, p. 162 s..
[...]
Le travail des déconstructivistes s'opérera ainsi autour d'une volonté de transgression systématique des codes architecturaux qui ont fait aussi bien le classicisme que le modernisme architectural: centralité, hiérarchie, fonctionnalité (on connaît ainsi les piliers ou les escaliers non fonctionnels de certaines maisons de Eisenman), symétrie, gravité... »
Extraits de " Modernité et post-modernité en architecture " Jean-Louis GENARD, dans Réseaux, revue interdisciplinaire de philosophie morale et politique, n° 88-89-90, 2000, " Modernité et postmodernité ", p. 95-110
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Home House, Londres, Zaha Hadid
"IMAGINATION RADICALE"
Sa pratique, elle, peut se résumer à quelques principes simples : "Repousser constamment les limites de l'architecture et de l'urbanisme"; "Expérimenter sans cesse de nouveaux concepts spatiaux"; "Renforcer les paysages urbains existants en proposant une nouvelle esthétique de la ville". Ce que son partenaire, Patrik Schumacher, résume par les termes "Imagination radicale".
Sa pensée, il faut plutôt la lire dans l'incroyable profusion de dessins, déshumanisés par l'usage de l'informatique, qu'elle livre pour chaque concours, ou simplement pour son plaisir, et dans les textes que ses contemporains lui consacrent avec délectation : Greg Lynn, Peter Cook, Gordana Fontana-Giusti et Andreas Ruby pour la dernière mouture de ses œuvres complètes, publiée comme un grand livre-jeu pour adultes sous un emballage de plastique. Comme dans la plupart des ouvrages qui touchent à son travail ou à son image, elle cherche à garder le contrôle, à imposer cette griffe qui en fait un trésor vivant en Grande-Bretagne, à l'égal de Norman Foster, Richard Rodgers ou de Philippe Stark. Un statut qui repose sur des doses variables d'originalité, de mutisme, de snobisme, d'énergie et, dans tous les cas, d'individualisme forcené.
"La plus belle chose de mon agence, dit-elle, c'est sa dimension de recherche, pas une recherche fondée sur l'application de solutions déjà connues, mais une façon d'étudier les dessins de ville assez longuement pour imaginer de nouveaux développements."
Au-delà de la flexibilité de ses projets, on retrouve des constances : l'usage du béton qui lui permet d'envisager les formes les plus opposées aux lois ordinaires de la gravité pour obéir à celle d'une joyeuse légèreté, Et puis des plis, des angles, des enroulements, des traits nets, acérés, tout un langage qui aurait pu rester de l'ordre de la science-fiction sans des personnalités comme elle, Frank Gehry ou Enric Miralles. Avec le risque qu'implique tout catalogue formel, si étendu soit-il, celui d'un style qui tourne à la répétition de trois ou quatre stéréotypes.
Depuis 2001, la carrière de Zaha Hadid, dont tous les détails, vêtements, propos publics et conférences sont élaborés comme un objet de marketing destiné à conquérir les plus vastes marchés, a pris une formidable dimension. Cette mondialisation d'un modèle architectural est ce qui la rapproche d'un Norman Foster, susceptible, comme elle, d'adapter son style high-tech sous toutes les latitudes. Comme les vins charpentés et boisés qu'a universalisés le guide de Robert Parker, l'architecture selon Hadid, a fait oublier son propos radical, par ses qualités plastiques en premier lieu, mais aussi par son caractère répétitif, facilement reconnaissable.
Cela convient aux maîtres d'ouvrage et aux commanditaires. Aux Etats-Unis, il fallait au pied de chaque gratte-ciel un Miro, un Calder ou un Lichtenstein. Puis la sculpture a investi l'architecture et chaque ville a voulu son Gehry. Toute collection étant appelée à s'étendre, il leur faut maintenant d'autres signes faciles à partager, comme la magie de cette architecte venue du pays des Mille et Une Nuits.
(cf. Zaha Hadid, les mille et un projets d'une architecte, Le Monde, 11.12.2004)
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Hotel Puerta America, Madrid, Zaha Hadid
La poésie architecturale de l'angle non droit:
Elle bannit toute idée de bâti à angle droit. Prône les formes fluides, flottantes, sinusoidales. Des diagonales, des stalactites, des torsions ou des strates. Elle fait rêver et croire à une nouvelle manière de vivre, située à la jonction de l'architecture, de l'art et du design. Tel est le choix de Zaha Hadid. Le dessin se libère du “té” et de l’équerre.
On pourrait songer alors aux oeuvres du peintre Paul Klee. Celui-ci a toujours respecté l’orthogonalité des supports (feuilles de dessin, tableaux). Mais il a le plus souvent interposé entre le cadre “normal” et ses formes un cadre dynamique dont la fonction était de calmer la dureté de la convention. A quoi bon utiliser l’angle droit quand on peut faire autrement?
Pour conclure et illustrer ces formes fluides, je prendrai comme exemple son installation J.S. Bach au Manchester Art Gallery:
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JS Bach / Zaha Hadid Architects Chamber Music Hall at Manchester Art Gallery
for Manchester International Festival
Ici, Zaha Hadid signe une superbe salle de musique spécialement concue pour accueillir les airs de Johann Sebastian Bach. Un volumineux ruban tourbillone à l’intérieur de la salle, une sculpture spatiale et visuelle à la complexité équivalente aux partitions de J.S Bach.
« The design enhances the multiplicity of Bach’s work through a coherent integration of formal and structural logic. A single continuous ribbon of fabric swirls around itself, creating layered spaces to cocoon the performers and audience with in an intimate fluid space. » Zaha Hadid.
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Zaha Hadid et Karl Lagerfeld
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Invité- Invité
Re: ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
Ne serait ce pas une architecture intergalaxique pour des androïdes ...il est vrai que je préfère les ruines vermoulues d'un manoir....A quand d'ailleurs une architecture à la Piranèse , et qui menace ruine ?
Invité- Invité
architecture à la Piranèse
Architecture à la Piranèse? Comme c'est romantique!:-) Mais nous en avions déjà une au XIX. Tout le néo-classicisme sublime l'Antiquité avec ses dimensions dramatiques et romantiques. Certes, le néoclassicisme est tourné vers la Grèce antique, contrairement à Piranèse, qui lui, sublime la magnificence romaine ( en ce point, il pourrait rejoindre l'esprit de la Renaissance mais ses aspirations étaient bien différentes de celles de la Renaissance = épuration de la forme, "classicisme" en réaction à l'art "barbare" = l'architecture gothique)
Le XIX. sublime -surtout en Allemagne-l'Antiquité. Cette vague, on la doit, en grande partie, à l'archéologue Heinrich Schliemann, découvreur de Troie.
On se met alors à copier/ plagier? les monuments de l'Antiquité sans même s'être rendu sur place, à partir de planches.
Mais ce qu'ils ignoraient encore à l'époque est que l'Antiquité n'était pas "blanche", que les Grecs et les Romains aimaient les couleurs et que si ces ruines, aujourd'hui, sont "blanches", ceci n'est dû qu'à l'impact du temps.
Le XIX. sublime -surtout en Allemagne-l'Antiquité. Cette vague, on la doit, en grande partie, à l'archéologue Heinrich Schliemann, découvreur de Troie.
On se met alors à copier/ plagier? les monuments de l'Antiquité sans même s'être rendu sur place, à partir de planches.
Mais ce qu'ils ignoraient encore à l'époque est que l'Antiquité n'était pas "blanche", que les Grecs et les Romains aimaient les couleurs et que si ces ruines, aujourd'hui, sont "blanches", ceci n'est dû qu'à l'impact du temps.
Invité- Invité
Re: ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
Etonnant ! Une architecture qui s'exhume donc à partir de planches graphiques et qui ferait du copié collé ...Du faux authentique en quelque sorte ....avec un relent muséal . On est déjà dans l'artefact ...
..........
Ne pas oublier toutefois qu'avant même d'habiter , nous sommes aussi habités .Une architecture qui méconnait cette " hantise " me semble faire fausse route .
...........
Quant à bannir le T et l'équerre ...oui bien sûr ...ne serait ce que pour promouvoir un espace courbe , excentrique....
...........
Tout ceci dit que trop sommairement
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Ne pas oublier toutefois qu'avant même d'habiter , nous sommes aussi habités .Une architecture qui méconnait cette " hantise " me semble faire fausse route .
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Quant à bannir le T et l'équerre ...oui bien sûr ...ne serait ce que pour promouvoir un espace courbe , excentrique....
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Tout ceci dit que trop sommairement
Invité- Invité
pastiche architectural
"Etonnant ! Une architecture qui s'exhume donc à partir de planches graphiques et qui ferait du copié collé ...Du faux authentique en quelque sorte ....avec un relent muséal . On est déjà dans l'artefact ..."
Absolument, on est déjà dans l'artefact mais ne l'avons-nous pas toujours été en architecture? La pratique du "copiage" à partir de planches a toujours existé en architecture.
On parle de pastiche architectural, qui est une imitation, une copie d'un édifice. La célébrité de certains édifices fut telle que des répliques, des pastiches et des copies en furent construits ailleurs dans le monde. Et le monument le plus copié au monde est le Parthénon, qui servit de modèle à l'Assemblée Nationale de Paris (le Palais Bourbon).
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Assemblée Nationale, Paris
Que dire de Las Vegas? Un Disney Land architectural copié-collé, d'un tel kitsch!: copie de Venise, répliques de monuments francais: Tour Eiffel, Arc de Triomphe, Opéra Garnier, etc....
Les Chinois, eux n'ont rien à envier aux Etats-Unis. Ce ne sont pas de simples monuments qu'ils copient mais des villes entières!
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Paris? Oui mais reconstruite en Chine!
Ce Paris-là, un pastiche presque parfait... Nous ne sommes pas à Paris mais en Chine, dans la ville de Xingqiao, dans la province du Zhejiang, à l’est du pays: immeubles haussmanniens, Tour Eiffel... l’illusion est presque parfaite.
Et "Germania", ils l'ont aussi, au nord de Shangai : Anting New Town : Shanghai German Town. Et quelle ironie de l'histoire car l'architecte de cette "Germania" est Albert Speer junior, le fils d'Albert Speer, l'architecte d'Hitler.
Pour les jeux olympiques de Pékin, c'est également Albert Speer que les Chinois ont choisi et ceci également pas par hasard!
Le triomphe de la volonté chinoise par Nina Khrouchtcheva:
"MOSCOU – Dans quelques jours débutera la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin. Les spectateurs verront une chorégraphie minutieusement préparée empreinte de kitsch nationaliste. A n’en pas douter, toute image qui rappellerait les sections d’assaut hitlérienne défilant au pas de l’oie est la dernière que souhaiteraient les dirigeants chinois pour leurs Jeux – après tout, le nationalisme chinois officiel proclame l’« essor pacifique » du pays dans un « développement harmonieux » idyllique. Pourtant, sur le plan esthétique et politique, le parallèle est à peine exagéré.
En effet, en choisissant Albert Speer Jr - fils de l’architecte favori d’Hitler et concepteur des Jeux de Berlin de 1936 – pour mettre au point le vaste plan des Jeux de Pékin, le gouvernement chinois a fait allusion à la politisation radicale de l’esthétique, qui était une caractéristique du totalitarisme du vingtième siècle. A l’image de ces régimes, qu’ils soient fascistes ou communistes, les dirigeants chinois se sont efforcés de transformer l’espace public et les manifestations sportives en des preuves visibles de leur santé et de leur légitimité.
La commission de Speer Jr a dû mettre au point un schéma d’ensemble pour l’accès au complexe olympique de Pékin. Le projet était axé sur la construction d’une avenue imposante reliant la Cité interdite au stade national, où aura lieu la cérémonie d’ouverture. Le plan de Speer Sr pour « Germania », nom choisi par Hitler pour le Berlin qu’il prévoyait de construire après la Seconde Guerre mondiale, s’appuyait aussi sur un puissant axe central.
Les responsables chinois voient les Jeux olympiques comme un podium permettant de montrer au monde la vitalité exceptionnelle du pays qu’ils ont construit ces trente dernières années. Et cette démonstration vise un objectif politique national bien plus important : légitimer davantage la continuité du régime aux yeux des citoyens chinois. Compte tenu de cet impératif, les codes architecturaux de grandiloquence et de gigantisme étaient quasi inévitables.
Il n’est donc pas surprenant que les Jeux de 2008 ressemblent à ceux qui ont diverti le Führer et passionné les Allemands en 1936. A l’instar des Jeux de Pékin, ceux de Berlin à la prétention démesurée ont été conçus comme une fête d’introduction dans le monde. La machine de propagande nazie de Josef Goebbels était pleinement déployée. L’imagerie athlétique – employée avec brio dans le documentaire acclamé de Leni Riefenstahl – semblait créer un lien entre les nazis et les Grecs anciens, et confirmer le mythe nazi selon lequel les Allemands et la civilisation allemande sont les véritables héritiers de la culture « aryenne » de l’antiquité classique.
En concevant le vaste plan des Jeux de Pékin, Speer Jr, architecte et urbaniste encensé par la critique, cherchait comme son père à créer une métropole mondiale futuriste. Comme on peut s’y attendre, les arguments employés pour vendre son programme aux Chinois étaient différents de ceux de son père au moment où ce dernier a présenté son plan à Hitler. Au lieu de mettre l’accent sur l’aspect pompeux du projet, Speer Jr a mis en exergue son côté respectueux de l’environnement. En outre, l’objectif était de transporter une ville de Pékin vieille de 2 000 ans dans l’hyper modernité, tandis que le projet de son père était, pour reprendre ses termes, de la « pure mégalomanie ».
Certes, les péchés du père ne devraient jamais être imputés au fils. Or, dans le cas présent, quand le fils emprunte des principes architecturaux essentiels à son père et s’emploie à utiliser les Jeux à des fins qui nous rappellent celles de Hitler, on est en droit de se demander s’il ne veut pas commettre les mêmes péchés.
Les régimes totalitaires – nazi, soviétique des années 80 et maintenant chinois – veulent accueillir les Jeux olympiques pour montrer leur supériorité au monde. La Chine croit avoir trouvé son propre modèle de croissance et de modernisation, et ses dirigeants se servent des Jeux de la même façon que les nazis et Leonid Brejnev – c’est-à-dire comme moyen de « vendre » leur modèle à un public mondial.
Manifestement, les Chinois n’ont pas eu l’oreille politique en choisissant un architecte dont le nom a des connotations historiques si sombres. Le nom de Speer lui-même importait certainement peu aux représentants qui l’ont choisi et cherchaient à mettre en scène des olympiades révélant l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. De son côté, Speer Jr, admirant la maîtrise paternelle de l’architecture du pouvoir, a tenu ses promesses.
La réalisation de la vision olympique de Speer Jr, et celle de ses patrons, marque la fin d’un interlude appréciable. Durant les années qui ont suivi la Guerre froide, la politique était absente des Jeux. Les médailles d’or reflétaient les capacités sportives et l’investissement personnel des athlètes, et non les mérites supposés du système politique qui les produisaient.
Nous sommes revenus à une esthétique d’hypnotisation, qui se reflète dans le dessein avoué du gouvernement hôte : la Chine entend gagner plus de médailles d’or que n’importe quel autre pays avant elle. Alors que la torche – création des nazis, apparue pour la première fois aux Jeux de Berlin – s’approche de l’avenue du pouvoir de Speer Jr, le monde doit s’attendre à assister une fois de plus au triomphe de la volonté totalitaire. "
Nina Khrouchtcheva, auteur de Imagining Nabokov: Russia Between Art and Politics, enseigne les affaires internationales à la New School University de New York.
Cette esthétisation du politique a très bien été analysée par J.L. Nancy et P. Lacoue-Labarthe dans Le mythe nazi
"Quant à bannir le T et l'équerre ...oui bien sûr ...ne serait ce que pour promouvoir un espace courbe , excentrique...."
Tout à fait! Ex-centrique = perte du centre, base du déconstructivisme.
Derrida s'oppose au centre inhérent à "la structuralité de la structure".
« La déconstruction désigne l'ensemble des techniques et stratégies utilisées par Derrida pour déstabiliser, fissurer, déplacer les textes explicitement ou invisiblement idéalistes » (Hottois, 1998 : 399 - 400).
Toutefois, déconstruire n'est pas détruire et la déconstruction s'effectue en deux temps :
1. Une phase de renversement : comme le couple était hiérarchisé, il faut d'abord détruire le rapport de force. Dans ce premier temps, l'écriture doit donc primer sur la voix, l'autre sur le même, l'absence sur la présence, le sensible sur l'intelligible, etc.
2. Une phase de neutralisation : on arrache le terme valorisé lors de la première phase à la logique binaire. Ainsi, on abandonne les significations antérieures, ancrées dans cette pensée duelle. Cette phase donne naissance à l'androgynie, à la super-voix, à l'archi-écriture. Le terme déconstruit devient donc indécidable (Hottois, 1998 : 306).
Cette archi-écriture, Zaha Hadid tout comme les autres architectes déconstructiviste, la traduit par le refus de l'angle droit, de la ligne droite pour efin " promouvoir un espace courbe , excentrique" comme vous le dites.
La dramatique de la ligne brisée est bien rendue par Daniel Libeskind dans sa conception du musée juif à Berlin.
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Maquette musée juif, Berlin, vue d'ensemble, Daniel Libeskind
La ligne droite, se faisant courbe:
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Monument à la 3. Internationale de Vladimir Tatline (peintre et sculpteur, le plus signifiant représentant du constructivisme russe, qui influencera le déconstructivisme) 1919-20 qui ne sera jamais construit (ce devant être une véritable tour habitée)
Le musée de l'Histoire allemande occupe l'Arsenal (Zeughaus) et un nouvel ensemble réalisé par l'architecte de la Pyramide du Louvre, Ieoh Ming Pei. Il succède ainsi à l'ancien musée de l'Histoire allemande de la RDA, qui occupait les lieux de 1952 à 1990:
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Pour conclure, Le Parthénon, monument le plus copié au monde, symbole du classicisme, symétrie parfaite aux angles apparemment "droits" n' a aucun angle droit! Sa structure même n'est constituée d'aucune ligne droite. Les Grecs anciens ont joué sur les effets de perspective, rendant les lignes convexes pour atteindre l'harmonie parfaite à l'œil. Les 46 colonnes rejoignent un point de convergence situé à environ 5 km dans le ciel. Et pourtant c'est avec le T et l'équerre que l'on a copié la Parthénon...Encore une belle ironie! Phidias, le "vrai" père de la déconstruction?
"Ne pas oublier toutefois qu'avant même d'habiter , nous sommes aussi habités .Une architecture qui méconnait cette " hantise " me semble faire fausse route ."
Ca c'est une pensée mystique, qui dépasse mes compétences. Je vous laisse y répondre. Echos hölderliens, rilkiens, heideggériens...?
Absolument, on est déjà dans l'artefact mais ne l'avons-nous pas toujours été en architecture? La pratique du "copiage" à partir de planches a toujours existé en architecture.
On parle de pastiche architectural, qui est une imitation, une copie d'un édifice. La célébrité de certains édifices fut telle que des répliques, des pastiches et des copies en furent construits ailleurs dans le monde. Et le monument le plus copié au monde est le Parthénon, qui servit de modèle à l'Assemblée Nationale de Paris (le Palais Bourbon).
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Assemblée Nationale, Paris
Que dire de Las Vegas? Un Disney Land architectural copié-collé, d'un tel kitsch!: copie de Venise, répliques de monuments francais: Tour Eiffel, Arc de Triomphe, Opéra Garnier, etc....
Les Chinois, eux n'ont rien à envier aux Etats-Unis. Ce ne sont pas de simples monuments qu'ils copient mais des villes entières!
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Paris? Oui mais reconstruite en Chine!
Ce Paris-là, un pastiche presque parfait... Nous ne sommes pas à Paris mais en Chine, dans la ville de Xingqiao, dans la province du Zhejiang, à l’est du pays: immeubles haussmanniens, Tour Eiffel... l’illusion est presque parfaite.
Et "Germania", ils l'ont aussi, au nord de Shangai : Anting New Town : Shanghai German Town. Et quelle ironie de l'histoire car l'architecte de cette "Germania" est Albert Speer junior, le fils d'Albert Speer, l'architecte d'Hitler.
Pour les jeux olympiques de Pékin, c'est également Albert Speer que les Chinois ont choisi et ceci également pas par hasard!
Le triomphe de la volonté chinoise par Nina Khrouchtcheva:
"MOSCOU – Dans quelques jours débutera la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin. Les spectateurs verront une chorégraphie minutieusement préparée empreinte de kitsch nationaliste. A n’en pas douter, toute image qui rappellerait les sections d’assaut hitlérienne défilant au pas de l’oie est la dernière que souhaiteraient les dirigeants chinois pour leurs Jeux – après tout, le nationalisme chinois officiel proclame l’« essor pacifique » du pays dans un « développement harmonieux » idyllique. Pourtant, sur le plan esthétique et politique, le parallèle est à peine exagéré.
En effet, en choisissant Albert Speer Jr - fils de l’architecte favori d’Hitler et concepteur des Jeux de Berlin de 1936 – pour mettre au point le vaste plan des Jeux de Pékin, le gouvernement chinois a fait allusion à la politisation radicale de l’esthétique, qui était une caractéristique du totalitarisme du vingtième siècle. A l’image de ces régimes, qu’ils soient fascistes ou communistes, les dirigeants chinois se sont efforcés de transformer l’espace public et les manifestations sportives en des preuves visibles de leur santé et de leur légitimité.
La commission de Speer Jr a dû mettre au point un schéma d’ensemble pour l’accès au complexe olympique de Pékin. Le projet était axé sur la construction d’une avenue imposante reliant la Cité interdite au stade national, où aura lieu la cérémonie d’ouverture. Le plan de Speer Sr pour « Germania », nom choisi par Hitler pour le Berlin qu’il prévoyait de construire après la Seconde Guerre mondiale, s’appuyait aussi sur un puissant axe central.
Les responsables chinois voient les Jeux olympiques comme un podium permettant de montrer au monde la vitalité exceptionnelle du pays qu’ils ont construit ces trente dernières années. Et cette démonstration vise un objectif politique national bien plus important : légitimer davantage la continuité du régime aux yeux des citoyens chinois. Compte tenu de cet impératif, les codes architecturaux de grandiloquence et de gigantisme étaient quasi inévitables.
Il n’est donc pas surprenant que les Jeux de 2008 ressemblent à ceux qui ont diverti le Führer et passionné les Allemands en 1936. A l’instar des Jeux de Pékin, ceux de Berlin à la prétention démesurée ont été conçus comme une fête d’introduction dans le monde. La machine de propagande nazie de Josef Goebbels était pleinement déployée. L’imagerie athlétique – employée avec brio dans le documentaire acclamé de Leni Riefenstahl – semblait créer un lien entre les nazis et les Grecs anciens, et confirmer le mythe nazi selon lequel les Allemands et la civilisation allemande sont les véritables héritiers de la culture « aryenne » de l’antiquité classique.
En concevant le vaste plan des Jeux de Pékin, Speer Jr, architecte et urbaniste encensé par la critique, cherchait comme son père à créer une métropole mondiale futuriste. Comme on peut s’y attendre, les arguments employés pour vendre son programme aux Chinois étaient différents de ceux de son père au moment où ce dernier a présenté son plan à Hitler. Au lieu de mettre l’accent sur l’aspect pompeux du projet, Speer Jr a mis en exergue son côté respectueux de l’environnement. En outre, l’objectif était de transporter une ville de Pékin vieille de 2 000 ans dans l’hyper modernité, tandis que le projet de son père était, pour reprendre ses termes, de la « pure mégalomanie ».
Certes, les péchés du père ne devraient jamais être imputés au fils. Or, dans le cas présent, quand le fils emprunte des principes architecturaux essentiels à son père et s’emploie à utiliser les Jeux à des fins qui nous rappellent celles de Hitler, on est en droit de se demander s’il ne veut pas commettre les mêmes péchés.
Les régimes totalitaires – nazi, soviétique des années 80 et maintenant chinois – veulent accueillir les Jeux olympiques pour montrer leur supériorité au monde. La Chine croit avoir trouvé son propre modèle de croissance et de modernisation, et ses dirigeants se servent des Jeux de la même façon que les nazis et Leonid Brejnev – c’est-à-dire comme moyen de « vendre » leur modèle à un public mondial.
Manifestement, les Chinois n’ont pas eu l’oreille politique en choisissant un architecte dont le nom a des connotations historiques si sombres. Le nom de Speer lui-même importait certainement peu aux représentants qui l’ont choisi et cherchaient à mettre en scène des olympiades révélant l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. De son côté, Speer Jr, admirant la maîtrise paternelle de l’architecture du pouvoir, a tenu ses promesses.
La réalisation de la vision olympique de Speer Jr, et celle de ses patrons, marque la fin d’un interlude appréciable. Durant les années qui ont suivi la Guerre froide, la politique était absente des Jeux. Les médailles d’or reflétaient les capacités sportives et l’investissement personnel des athlètes, et non les mérites supposés du système politique qui les produisaient.
Nous sommes revenus à une esthétique d’hypnotisation, qui se reflète dans le dessein avoué du gouvernement hôte : la Chine entend gagner plus de médailles d’or que n’importe quel autre pays avant elle. Alors que la torche – création des nazis, apparue pour la première fois aux Jeux de Berlin – s’approche de l’avenue du pouvoir de Speer Jr, le monde doit s’attendre à assister une fois de plus au triomphe de la volonté totalitaire. "
Nina Khrouchtcheva, auteur de Imagining Nabokov: Russia Between Art and Politics, enseigne les affaires internationales à la New School University de New York.
Cette esthétisation du politique a très bien été analysée par J.L. Nancy et P. Lacoue-Labarthe dans Le mythe nazi
"Quant à bannir le T et l'équerre ...oui bien sûr ...ne serait ce que pour promouvoir un espace courbe , excentrique...."
Tout à fait! Ex-centrique = perte du centre, base du déconstructivisme.
Derrida s'oppose au centre inhérent à "la structuralité de la structure".
« La déconstruction désigne l'ensemble des techniques et stratégies utilisées par Derrida pour déstabiliser, fissurer, déplacer les textes explicitement ou invisiblement idéalistes » (Hottois, 1998 : 399 - 400).
Toutefois, déconstruire n'est pas détruire et la déconstruction s'effectue en deux temps :
1. Une phase de renversement : comme le couple était hiérarchisé, il faut d'abord détruire le rapport de force. Dans ce premier temps, l'écriture doit donc primer sur la voix, l'autre sur le même, l'absence sur la présence, le sensible sur l'intelligible, etc.
2. Une phase de neutralisation : on arrache le terme valorisé lors de la première phase à la logique binaire. Ainsi, on abandonne les significations antérieures, ancrées dans cette pensée duelle. Cette phase donne naissance à l'androgynie, à la super-voix, à l'archi-écriture. Le terme déconstruit devient donc indécidable (Hottois, 1998 : 306).
Cette archi-écriture, Zaha Hadid tout comme les autres architectes déconstructiviste, la traduit par le refus de l'angle droit, de la ligne droite pour efin " promouvoir un espace courbe , excentrique" comme vous le dites.
La dramatique de la ligne brisée est bien rendue par Daniel Libeskind dans sa conception du musée juif à Berlin.
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Maquette musée juif, Berlin, vue d'ensemble, Daniel Libeskind
La ligne droite, se faisant courbe:
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Monument à la 3. Internationale de Vladimir Tatline (peintre et sculpteur, le plus signifiant représentant du constructivisme russe, qui influencera le déconstructivisme) 1919-20 qui ne sera jamais construit (ce devant être une véritable tour habitée)
Le musée de l'Histoire allemande occupe l'Arsenal (Zeughaus) et un nouvel ensemble réalisé par l'architecte de la Pyramide du Louvre, Ieoh Ming Pei. Il succède ainsi à l'ancien musée de l'Histoire allemande de la RDA, qui occupait les lieux de 1952 à 1990:
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Pour conclure, Le Parthénon, monument le plus copié au monde, symbole du classicisme, symétrie parfaite aux angles apparemment "droits" n' a aucun angle droit! Sa structure même n'est constituée d'aucune ligne droite. Les Grecs anciens ont joué sur les effets de perspective, rendant les lignes convexes pour atteindre l'harmonie parfaite à l'œil. Les 46 colonnes rejoignent un point de convergence situé à environ 5 km dans le ciel. Et pourtant c'est avec le T et l'équerre que l'on a copié la Parthénon...Encore une belle ironie! Phidias, le "vrai" père de la déconstruction?
"Ne pas oublier toutefois qu'avant même d'habiter , nous sommes aussi habités .Une architecture qui méconnait cette " hantise " me semble faire fausse route ."
Ca c'est une pensée mystique, qui dépasse mes compétences. Je vous laisse y répondre. Echos hölderliens, rilkiens, heideggériens...?
Invité- Invité
Re: ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
Le règne du simulacre a donc commencé fort tôt dans les têtes . Saisir en copiant . Doubler le monde d'un monde parallèle ( graphique , langagier , cinématographique ) semble avoir été de tout temps la seule issue pour le rendre habitable...Je songe ici à la fable borgèsienne d'une cartographie dressée en échelle réelle à même une contrée ...Mission impossible .
Quant à moi , j'aurais plutôt tendance à jeter le discrédit sur tout ce qui a été conçu et fait de main humaine . Une main de stratège , toujours prédatrice , qui met sous séquestre marchande tout ce qu'elle touche.....
Les aperçus que vous donnez dans l'histoire de l'architecture sont plus qu'éclairants à ce sujet . Construire est déjà en soi un truisme . Habiter , s'enraciner , c'est tombé dans l'engeance du Natal , de la lignée et de la descendance . Se dés-habiter/habituer alors ? Vivre en nomade dans sa propre tête ? S'engager dans une " échappée en solitaire " avec rien que soi même ?
Quant à moi , j'aurais plutôt tendance à jeter le discrédit sur tout ce qui a été conçu et fait de main humaine . Une main de stratège , toujours prédatrice , qui met sous séquestre marchande tout ce qu'elle touche.....
Les aperçus que vous donnez dans l'histoire de l'architecture sont plus qu'éclairants à ce sujet . Construire est déjà en soi un truisme . Habiter , s'enraciner , c'est tombé dans l'engeance du Natal , de la lignée et de la descendance . Se dés-habiter/habituer alors ? Vivre en nomade dans sa propre tête ? S'engager dans une " échappée en solitaire " avec rien que soi même ?
Invité- Invité
Re: ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
Au fond , je me dis : comment déjà commencer par habiter dans cette " boîte noire " qu'est sa propre tête ? labyrinthique à souhait et " vaste comme le ciel " au dire d' Emily DICKINSON .
Invité- Invité
bâtir/ habiter: une hantologie?
"Le règne du simulacre a donc commencé fort tôt dans les têtes . Saisir en copiant . Doubler le monde d'un monde parallèle ( graphique , langagier , cinématographique ) semble avoir été de tout temps la seule issue pour le rendre habitable".
Encore une fois, je ne peux qu'approuver. Nous sommes hantés par une doublure spectrale, ce que Derrida qualifie de spectralité.
Quand le spectre appelle, c'est un événement unique. Il apparaît. Nous y sommes livrés, de génération en génération. Etrange voix, à la fois présente et non présente, singulière et multiple, porteuse de "différAnce", aussi fantômatique qu'un être humain, différente d'elle-même et de son propre esprit. Il est un autre et plus d'un autre. Il désarticule le temps. Il est une trace. Quoique venant du passé, portant un héritage, il est imprévisible et surtout irréductible, ce qui fait de l'hantologie un concept central de l'oeuvre de Derrida, plus ample que l'ontologie heideggérienne. Le spectre n'est-il pas inséparable de la déconstruction? N'est-il pas son lieu le plus hospitalier?
Le motif du spectre est associé à la quête de l'origine que Derrida a toujours déniée et poursuivie. Des spectres ne cessent de s'annoncer (en provenance des générations passées, de l'inconscient ou de la chose même). Ils s'infiltrent sous la représentation, dans l'image ou la peinture, autour des chaussures de Van Gogh ou derrière l'écran, dans ces suppléments qui, comme l'écriture ou l'art, s'ajoutent à la perception courante. Ce sont des figures de la loi dépositaires d'un droit de regard. Il faut vivre avec, en faire son deuil ou aller au-delà.
« Oubliez la querelle (quarell) qu'elle lui cherche, elle, avec elles (...), la querelle qu'elle cherche à toute l'histoire de la peinture, à ces patrons de peintres, à tant de mains et de manoeuvres d'homme, à tous les maîtres qui ont mis en scène et représenté (occulté, sublimé, élevé, voilé, vêtu, dévêtu, révélé, dévoilé, revoilé, mythifié, dénié, connu ou méconnu, en un mot vérifié, cela revient au même, à la vérité) : le corps de la femme. Qui a tout supporté. Toujours la femme support et subjectile, la femme-sujet [on entend facilement en écho le jeu avec "femme-objet"], la femme aura été leur sujet, non, celui de Colette Deblé, malgré l'apparence. » Jacques Derrida : le "peut-être" d’une venue de l’autre-femme
La spectralité est un lieu où se creusent des places vides à partir desquels on peut s'entretenir avec ces autres, ni morts ni vivants. Nous en héritons et nous les respectons.
Vers 1900, avec les technosciences, on a inventé une expérience de croyance sans précédent. Voici qu'on peut croire en une figure qu'on ne voit pas mais qu'on pense voir, une figure spectrale qui hésite entre le visible et l'invisible. Le dessin procure depuis toujours ce type d'expérience, mais les moyens modernes, techniques ou médiatiques, avec le cinéma ou la photographie, la généralisent. L'image de ce spectre est inquiétante, ni stable, ni spéculaire. On est tenté de l'exorciser, le conjurer avec l'aide des mêmes télé-technologies qui l'ont fait émerger, mais cette conjuration le conforte. Quand nous nous identifions à lui, c'est sa ruine qui nous hante et fait arriver un autre spectre, non visible : le revenant.
Comme fétiche, le spectre résulte du dédoublement phallique. Il produit des effets de virtualité, divise le présent, multiplie les croyances et contribue à relancer la guerre des religions. C'est un spectre de ce genre qui pousse aux révolutions. Il est inarrêtable.
Paradoxe : on n'accueille le spectre que pour le chasser. C'est ainsi que procède la déconstruction, au-delà du deuil et même au-delà de toute opposition.
"Habiter , s'enraciner , c'est tombé dans l'engeance du Natal , de la lignée et de la descendance".
Mais qu'est-ce habiter ou qu'est-ce l'habitation au-delà de l’image bachelardienne du nid et de sa puissante évocation?
Le langage profane utilise le même terme "habitation" pour désigner deux concepts différents, soit l’expérience et l’activité reliée à l’habitation, soit l’objet (la demeure). Le premier concept suppose une implication affective, un engagement de l’être, une habitude, une familiarité. Le deuxième concept désigne l’édifice de pierres et de bois dans les limites duquel s’inscrit cette expérience psychologique et affective.
L’objet (la demeure) qui participe à l’expérience d’habiter et l’expérience elle-même d’habiter qui a lieu à l’intérieur de cet objet sont transmis par un même terme (habitation) sans pourtant être confondus. Autrement dit, l’habitation est à la fois l’endroit bâti et
l’expérience du lieu que cet objet fonde. Tous deux permettent la finalité d’habiter. Nous utilisons alors le terme "chez soi" ou "home" pour désigner notre attachement à ce lieu expérientiel.
Selon Heidegger, pour habiter, il est nécessaire dans un premier temps de bâtir une habitation. Bâtir non seulement au sens de construire en faisant usage de fondations et d’érection de murs, mais surtout au sens de la création d’un lieu d’habitation à l’intérieur. Il parle de "Litchung", c’est-à-dire d’une clairière donnée par le langage. En fait, le langage permet aux gestes d’appropriation, de soin et de personnalisation de
donner un sens à notre vie. À cet égard, Heidegger fait une étroite relation entre bâtir et habiter. À ses yeux, le verbe bâtir implique déjà celui d’habiter.
Dans, Essai et Conférences, Heidegger explore l’étymologie des termes liés à la fois aux mots habiter et bâtir. Il note que le mot du vieux haut allemand pour bâtir, "buan", signifie habiter : ce qui veut dire "demeurer", "séjourner". Poursuivant son exploration de l’origine des mots autour du bâtir, Heidegger médite sur le sens du terme bauen, buan, bhu qui a donné naissance aux termes "je suis" (ich bin), "tu es" (du bist) et à l’impératif "sois" (sei). "Je suis" signifie aussi "j’habite", je séjourne dans un monde tel qu’il m’est familier. Être, comme verbe à l’infinitif du "je suis", signifie "habiter auprès de", "être familier de cet habitat qui est habitude, qui est familiarité". En somme, ces
filiations dans la langue allemande entre "je suis" et "j’habite" font dire à Heidegger qu’être-au-monde signifie habiter.
Dans cette perspective, "Se dés-habiter/habituer alors ? Vivre en nomade dans sa propre tête" - ne serait non pas ouverture à la diversité du monde, mais errance imposée, une calamité, car cet exil exclut l’individu de sa maison et des petites choses quotidiennes qui régissent habituellement sa vie. L’exil chasse l’individu et le coupe d’un moi connu au profit d’un réel imposé au moi par les contingences, les aléas
survenant sur le chemin. L’exil, en ce sens, est l’antithèse de la demeure. Il est aliénation parce que rupture avec l’état d’harmonie que symbolise la maison. L’exil est aussi une mise à l’épreuve, une perte de son identité qui demande un retour vers soi-même. Par
conséquent, la fin de l’exil, de l’errance, de l’aliénation (au sens d’être étranger à nous même) n’est pas un simple retour à la maison mais un effort de se retrouver. Autrement dit, la synthèse demeure-exil réside dans le retour à un nouvel ordre de la maison et dans
l’aboutissement d’une prise de conscience de son propre mode d’être.
"Quant à moi , j'aurais plutôt tendance à jeter le discrédit sur tout ce qui a été conçu et fait de main humaine . Une main de stratège , toujours prédatrice , qui met sous séquestre marchande tout ce qu'elle touche....."
Quant à cette "main de stratège", à cette "main mise" ou "prise de main" je renverrais une fois encore à Derrida avec tout le champ sémantique autour de la main, si riche en allemand. Le concept (visuel en francais est manuel en allemand. "Begriff" = concept vient du verbe greifen = saisir; cf. La main de Heidegger, Geschlecht II, Derrida)
"... le penser est l’agir en ce qu’il a de plus propre, si agir (handeln) signifie prêter la main (Hand) à l’essence de l’être, c’est-à-dire: préparer (bâtir) pour l’essence de l’être au milieu de l’étant le domaine où l’être se porte et porte son essence à la langue. La langue seule est ce qui nous donne voie et passage à toute volonté de penser."
HEIDEGGER, Questions IV, p. 146
"Ce qu’il y a de très beau, de si précieux dans cette toile, c’est la main. Une main sans déformations, à la structure particulière, et qui a l’air de parler, telle une langue de feu. Verte, comme la partie sombre d’une flamme, et qui porte en soi toutes les agitations de la vie. Une main pour caresser, et faire des gestes gracieux. Et qui vit comme une chose claire dans l’ombre rouge de la toile.
ARTAUD, Messages révolutionnaires.
La peinture de Maria Izquierdo, VIII, p. 254.
En construisant une demeure, l’individu cherche à trouver cette synthèse qui donnera un fondement humain à sa présence sur Terre. “Bâtir une maison, c’est retrouver un ordre,au moins architectural, mais aussi un lieu rassurant, réconfortant, réconfort et secours moral à plus d’un titre ”. Gaston Bachelard abonde en ce sens lorsqu’il écrit que la maison est le symbole féminin du refuge, de la mère, de la protection et du sein maternel.
Encore une fois, je ne peux qu'approuver. Nous sommes hantés par une doublure spectrale, ce que Derrida qualifie de spectralité.
Quand le spectre appelle, c'est un événement unique. Il apparaît. Nous y sommes livrés, de génération en génération. Etrange voix, à la fois présente et non présente, singulière et multiple, porteuse de "différAnce", aussi fantômatique qu'un être humain, différente d'elle-même et de son propre esprit. Il est un autre et plus d'un autre. Il désarticule le temps. Il est une trace. Quoique venant du passé, portant un héritage, il est imprévisible et surtout irréductible, ce qui fait de l'hantologie un concept central de l'oeuvre de Derrida, plus ample que l'ontologie heideggérienne. Le spectre n'est-il pas inséparable de la déconstruction? N'est-il pas son lieu le plus hospitalier?
Le motif du spectre est associé à la quête de l'origine que Derrida a toujours déniée et poursuivie. Des spectres ne cessent de s'annoncer (en provenance des générations passées, de l'inconscient ou de la chose même). Ils s'infiltrent sous la représentation, dans l'image ou la peinture, autour des chaussures de Van Gogh ou derrière l'écran, dans ces suppléments qui, comme l'écriture ou l'art, s'ajoutent à la perception courante. Ce sont des figures de la loi dépositaires d'un droit de regard. Il faut vivre avec, en faire son deuil ou aller au-delà.
« Oubliez la querelle (quarell) qu'elle lui cherche, elle, avec elles (...), la querelle qu'elle cherche à toute l'histoire de la peinture, à ces patrons de peintres, à tant de mains et de manoeuvres d'homme, à tous les maîtres qui ont mis en scène et représenté (occulté, sublimé, élevé, voilé, vêtu, dévêtu, révélé, dévoilé, revoilé, mythifié, dénié, connu ou méconnu, en un mot vérifié, cela revient au même, à la vérité) : le corps de la femme. Qui a tout supporté. Toujours la femme support et subjectile, la femme-sujet [on entend facilement en écho le jeu avec "femme-objet"], la femme aura été leur sujet, non, celui de Colette Deblé, malgré l'apparence. » Jacques Derrida : le "peut-être" d’une venue de l’autre-femme
La spectralité est un lieu où se creusent des places vides à partir desquels on peut s'entretenir avec ces autres, ni morts ni vivants. Nous en héritons et nous les respectons.
Vers 1900, avec les technosciences, on a inventé une expérience de croyance sans précédent. Voici qu'on peut croire en une figure qu'on ne voit pas mais qu'on pense voir, une figure spectrale qui hésite entre le visible et l'invisible. Le dessin procure depuis toujours ce type d'expérience, mais les moyens modernes, techniques ou médiatiques, avec le cinéma ou la photographie, la généralisent. L'image de ce spectre est inquiétante, ni stable, ni spéculaire. On est tenté de l'exorciser, le conjurer avec l'aide des mêmes télé-technologies qui l'ont fait émerger, mais cette conjuration le conforte. Quand nous nous identifions à lui, c'est sa ruine qui nous hante et fait arriver un autre spectre, non visible : le revenant.
Comme fétiche, le spectre résulte du dédoublement phallique. Il produit des effets de virtualité, divise le présent, multiplie les croyances et contribue à relancer la guerre des religions. C'est un spectre de ce genre qui pousse aux révolutions. Il est inarrêtable.
Paradoxe : on n'accueille le spectre que pour le chasser. C'est ainsi que procède la déconstruction, au-delà du deuil et même au-delà de toute opposition.
"Habiter , s'enraciner , c'est tombé dans l'engeance du Natal , de la lignée et de la descendance".
Mais qu'est-ce habiter ou qu'est-ce l'habitation au-delà de l’image bachelardienne du nid et de sa puissante évocation?
Le langage profane utilise le même terme "habitation" pour désigner deux concepts différents, soit l’expérience et l’activité reliée à l’habitation, soit l’objet (la demeure). Le premier concept suppose une implication affective, un engagement de l’être, une habitude, une familiarité. Le deuxième concept désigne l’édifice de pierres et de bois dans les limites duquel s’inscrit cette expérience psychologique et affective.
L’objet (la demeure) qui participe à l’expérience d’habiter et l’expérience elle-même d’habiter qui a lieu à l’intérieur de cet objet sont transmis par un même terme (habitation) sans pourtant être confondus. Autrement dit, l’habitation est à la fois l’endroit bâti et
l’expérience du lieu que cet objet fonde. Tous deux permettent la finalité d’habiter. Nous utilisons alors le terme "chez soi" ou "home" pour désigner notre attachement à ce lieu expérientiel.
Selon Heidegger, pour habiter, il est nécessaire dans un premier temps de bâtir une habitation. Bâtir non seulement au sens de construire en faisant usage de fondations et d’érection de murs, mais surtout au sens de la création d’un lieu d’habitation à l’intérieur. Il parle de "Litchung", c’est-à-dire d’une clairière donnée par le langage. En fait, le langage permet aux gestes d’appropriation, de soin et de personnalisation de
donner un sens à notre vie. À cet égard, Heidegger fait une étroite relation entre bâtir et habiter. À ses yeux, le verbe bâtir implique déjà celui d’habiter.
Dans, Essai et Conférences, Heidegger explore l’étymologie des termes liés à la fois aux mots habiter et bâtir. Il note que le mot du vieux haut allemand pour bâtir, "buan", signifie habiter : ce qui veut dire "demeurer", "séjourner". Poursuivant son exploration de l’origine des mots autour du bâtir, Heidegger médite sur le sens du terme bauen, buan, bhu qui a donné naissance aux termes "je suis" (ich bin), "tu es" (du bist) et à l’impératif "sois" (sei). "Je suis" signifie aussi "j’habite", je séjourne dans un monde tel qu’il m’est familier. Être, comme verbe à l’infinitif du "je suis", signifie "habiter auprès de", "être familier de cet habitat qui est habitude, qui est familiarité". En somme, ces
filiations dans la langue allemande entre "je suis" et "j’habite" font dire à Heidegger qu’être-au-monde signifie habiter.
Dans cette perspective, "Se dés-habiter/habituer alors ? Vivre en nomade dans sa propre tête" - ne serait non pas ouverture à la diversité du monde, mais errance imposée, une calamité, car cet exil exclut l’individu de sa maison et des petites choses quotidiennes qui régissent habituellement sa vie. L’exil chasse l’individu et le coupe d’un moi connu au profit d’un réel imposé au moi par les contingences, les aléas
survenant sur le chemin. L’exil, en ce sens, est l’antithèse de la demeure. Il est aliénation parce que rupture avec l’état d’harmonie que symbolise la maison. L’exil est aussi une mise à l’épreuve, une perte de son identité qui demande un retour vers soi-même. Par
conséquent, la fin de l’exil, de l’errance, de l’aliénation (au sens d’être étranger à nous même) n’est pas un simple retour à la maison mais un effort de se retrouver. Autrement dit, la synthèse demeure-exil réside dans le retour à un nouvel ordre de la maison et dans
l’aboutissement d’une prise de conscience de son propre mode d’être.
"Quant à moi , j'aurais plutôt tendance à jeter le discrédit sur tout ce qui a été conçu et fait de main humaine . Une main de stratège , toujours prédatrice , qui met sous séquestre marchande tout ce qu'elle touche....."
Quant à cette "main de stratège", à cette "main mise" ou "prise de main" je renverrais une fois encore à Derrida avec tout le champ sémantique autour de la main, si riche en allemand. Le concept (visuel en francais est manuel en allemand. "Begriff" = concept vient du verbe greifen = saisir; cf. La main de Heidegger, Geschlecht II, Derrida)
"... le penser est l’agir en ce qu’il a de plus propre, si agir (handeln) signifie prêter la main (Hand) à l’essence de l’être, c’est-à-dire: préparer (bâtir) pour l’essence de l’être au milieu de l’étant le domaine où l’être se porte et porte son essence à la langue. La langue seule est ce qui nous donne voie et passage à toute volonté de penser."
HEIDEGGER, Questions IV, p. 146
"Ce qu’il y a de très beau, de si précieux dans cette toile, c’est la main. Une main sans déformations, à la structure particulière, et qui a l’air de parler, telle une langue de feu. Verte, comme la partie sombre d’une flamme, et qui porte en soi toutes les agitations de la vie. Une main pour caresser, et faire des gestes gracieux. Et qui vit comme une chose claire dans l’ombre rouge de la toile.
ARTAUD, Messages révolutionnaires.
La peinture de Maria Izquierdo, VIII, p. 254.
En construisant une demeure, l’individu cherche à trouver cette synthèse qui donnera un fondement humain à sa présence sur Terre. “Bâtir une maison, c’est retrouver un ordre,au moins architectural, mais aussi un lieu rassurant, réconfortant, réconfort et secours moral à plus d’un titre ”. Gaston Bachelard abonde en ce sens lorsqu’il écrit que la maison est le symbole féminin du refuge, de la mère, de la protection et du sein maternel.
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Re: ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
Note :
Colette Deblé a été fut un temps la compagne de Bernard Noël .Ils ont réalisés ensemble un livre intitulé " L'Ombre du Double " publié aux éditions Une et dont le texte a été repris dans un livre de B.N. aqux éditions P.O.L.
Colette Deblé a été fut un temps la compagne de Bernard Noël .Ils ont réalisés ensemble un livre intitulé " L'Ombre du Double " publié aux éditions Une et dont le texte a été repris dans un livre de B.N. aqux éditions P.O.L.
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Re: ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
"L’objet (la demeure) qui participe à l’expérience d’habiter et l’expérience elle-même d’habiter qui a lieu à l’intérieur de cet objet sont transmis par un même terme (habitation) sans pourtant être confondus. Autrement dit, l’habitation est à la fois l’endroit bâti et
l’expérience du lieu que cet objet fonde. Tous deux permettent la finalité d’habiter. Nous utilisons alors le terme "chez soi" ou "home" pour désigner notre attachement à ce lieu expérientiel. "
Ce double sens d'habiter met précisément en jeu ce que l'on appelle communément "l'esprit du lieu ".
Preuve que nous sommes habités ( par des voix , des mots , des circonstances ) avant même de se mettre à habiter . Je songe à ces zones d'ombre , parfois abyssales , coins et encoignures qui restent dans l'oubli , non meublables , accumulant vide et poussière dans le lieu où l'on habite ...ces zones , de rester inhabitables ,restent aussi en quelque sorte détentrices de cet esprit propre au lieu .En elles cet esprit continue à agir souterrainement ...Et ce serait paradoxalement l'inhabité qui nous habite au sens de hanter....
l’expérience du lieu que cet objet fonde. Tous deux permettent la finalité d’habiter. Nous utilisons alors le terme "chez soi" ou "home" pour désigner notre attachement à ce lieu expérientiel. "
Ce double sens d'habiter met précisément en jeu ce que l'on appelle communément "l'esprit du lieu ".
Preuve que nous sommes habités ( par des voix , des mots , des circonstances ) avant même de se mettre à habiter . Je songe à ces zones d'ombre , parfois abyssales , coins et encoignures qui restent dans l'oubli , non meublables , accumulant vide et poussière dans le lieu où l'on habite ...ces zones , de rester inhabitables ,restent aussi en quelque sorte détentrices de cet esprit propre au lieu .En elles cet esprit continue à agir souterrainement ...Et ce serait paradoxalement l'inhabité qui nous habite au sens de hanter....
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Re: ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
"Quant à cette "main de stratège", à cette "main mise" ou "prise de main" je renverrais une fois encore à Derrida avec tout le champ sémantique autour de la main, si riche en allemand. Le concept (visuel en francais est manuel en allemand. "Begriff" = concept vient du verbe greifen = saisir; cf. La main de Heidegger, Geschlecht II, Derrida)"
C'est proprement atterant comme une langue ( ici en l'occurence l'allemand ) peut dire les choses en clair ....Hand -handeln :ce qu'une main donne , l'autre se le réserve pour le reprendre dans un échange qui n'est qu'une tractation marchande......Begriff-greifen ; comme si la compréhension n'était possible que par une préenption...
Reste toutefois le serment par serrement de mains qui lie au delà de toute tractation.....
C'est proprement atterant comme une langue ( ici en l'occurence l'allemand ) peut dire les choses en clair ....Hand -handeln :ce qu'une main donne , l'autre se le réserve pour le reprendre dans un échange qui n'est qu'une tractation marchande......Begriff-greifen ; comme si la compréhension n'était possible que par une préenption...
Reste toutefois le serment par serrement de mains qui lie au delà de toute tractation.....
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Re: ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
Tout agir est suspect au fond...Il ne laisse pas être . Il est annexeur .
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Re: ZAHA HADID : Le déconstructivisme en architecture
correction
-Reste toutefois le serment par serrement de mains qui lie au delà de toute tractation ou transaction.....puisqu 'il scelle un pacte tacitement tu .
-Reste toutefois le serment par serrement de mains qui lie au delà de toute tractation ou transaction.....puisqu 'il scelle un pacte tacitement tu .
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