La Hongrie
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La Hongrie
Après la présentation de deux auteurs hongrois ici, Sandor Marai et Peter Nadas, il faut donner sa place à Magda Szabo dont je viens de découvrir le roman La Porte, un très bon livre :
La narratrice est un écrivain, tout comme son mari. Elle cherche une femme de ménage, et se présente à elle une étrange femme prénommée Emerence : c'est cette dernière qui lui demande ce qui pourrait bien la convaincre pour entrer au service de la narratrice. Dès le début, le ton est donné! Emerence ne laisse jamais personne pénétrer chez elle. Quand elle reçoit des gens, c'est dehors, sur le pas de la porte. Quels mystères cache-t-elle?
Elle aime les animaux et, quand celle chez qui elle sert adopte un petit chien trouvé par hasard dans la neige, c'est Emerence qui en devient d'office la maîtresse sans que le couple ne puisse rien y faire. Emerence dicte sa loi : son caractère est terrible, elle est d'une franchise assassine, elle déteste la politique, ne se tient pas au courant des informations. A côté de cela, concierge de son quartier, elle aime rendre service aux autres et apporte toujours un plat de marraine aux malades (plat qui sert à reprendre des forces, qu'on offrait à une jeune accouchée).
Peu à peu, la narratrice va s'attacher à Emerence malgré son caractère impossible, et Emerence aussi. Elle apprend, par bribes, des épisodes de sa vie et son rêve est de construire un immense tombeau, dans lequel elle mettra toutes ses économies, pour elle et ses morts.
Ce livre est passionnant. Le personnage d'Emerence est inoubliable, on a envie de savoir ce qu'elle cache derrière sa porte fermée à tous. Sa folie n'a pas été sans me rappeler celle de Pieter Kien, le personnage principal d'Autodafé d'Elias Canetti, roman que j'avais adoré. La Porte a du style, on le voit dès les premières lignes ; tous les personnages, dont la narratrice semble être Magda Szabo elle-même, écrivain à succès, sont si bien construits qu'on s'attache à tous, à Viola, le chien mâle qui porte un nom féminin. Jusqu'au bout, on a envie de savoir, on ne veut pas quitter Emerence : elle tient la clé.
Le roman raconte aussi comment le secret peut être le pilier de l'honneur, une raison de vivre.
Et en plus, on rit.
Le livre a été adapté au cinéma, je ne sais pas ce que cela peut donner car l'essentiel passe vraiment par l'écriture :
http://www.weekendnotes.com/the-door-film-review/27168/
Extraits :
“Tout en parlant, il me vint à l’idée que je n’aurais jamais pris au sérieux un écrivain qui, dans un grand roman du siècle dernier, aurait comparé un visage à un lac.”
“Ils s’habituèrent à ce que la vieille femme attire les dénonciations anonymes comme un paratonnerre, la foudre.”
“Mais pour l’heure, elle n’est plus seule, elle a le manche de pioche pour compère.”
“N’aimez jamais éperdument, cela ne peut que vous mener à votre perte. Si ce n’est pas tout de suite, c’est plus tard. Le mieux, c’est de ne jamais aimer personne.”
“Toute relation sentimentale est une possibilité d’agression, plus je laisse de gens m’approcher, plus il y a de voies par lesquelles le danger peut m’atteindre.”
“Derrière toute réussite se cache une personne invisible sans qui il n’est pas d’oeuvre possible.”
“Ce que vous pouvez être bête! Quand on est mort, on se fiche de tout, un mort, c’est zéro. Comment pouvez-vous ne pas comprendre?”
Magda Szabó est une écrivaine hongroise, née à Debrecen le 5 octobre 1917 et morte à Kerepes1 le 19 novembre 2007.
Son roman La Porte (1987) obtient le Prix Betz Corporation (États-Unis) en 1992 et le Prix Femina étranger en 2003. En 2007, elle reçoit le prix du meilleur roman européen pour Rue Katalin.
Le premier volume de son autobiographie Für Elise, paru en Hongrie en 2002, appelle un second volume, auquel elle travaillait...
Kashima- Faux-monnayeur
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