Albert Cohen
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Albert Cohen
“Tout ce que je pense, je l’écris avec mon index sur du vide, c’est ma manie de solitude.”
Albert Cohen écrit son dernier texte trois ans avant de mourir : ce sont les Carnets 1978 dans lesquels il s'adresse à ses chers morts. Parmi eux, sa mère tant aimée, son ami Marcel Pagnol, Diane, son grand-père... A travers eux, il parle de sa mort prochaine, il sait qu'il mourra bientôt. Aux trois-quarts du livre, son désespoir augmente : il invoque Dieu auquel il ne croit pas, il le supplie de se révéler à lui qui n'a pas démérité, alors que d'autres croyants ont la foi sans rien faire.
“Mon âme n’est pas un impalpable ectoplasme à gogos. Mon âme, c’est moi.”
C'est le texte d'un homme de plus de quatre-vingts ans, conscient de la vanité de toutes choses et de sa mort :
“Tu oublies sans cesse, nous oublions sans cesse, nous ne savons jamais, nous, ces fous de la terre, que notre place de terre nous attend quelque part, que le bois de notre cercueil existe déjà dans une scierie ou dans une forêt et que ce bois de notre cercueil attend tranquillement son heure qui viendra.”
Comme il le dit lui même, "ressasseur je suis, ressasseur je demeure" : en grand écrivain qu'il est, il redit ce qu'il a dit dans d'autres livres, dans son style noble et sublime.
Il parle des vaines passions aussi, et de ses petites dents blanches, morceaux de squelette, dont il est tant question dans Solal et Belle du Seigneur :
“Ô toujours les mêmes reproches, ô lamentable passe-temps dans le désert de conjugalité. Ô cette faiblesse de l’époux qui le faisait récriminer sans cesse, et ce désespoir en lui de savoir que plus il revendiquait et réclamait l’amour disparu, et moins il était important à sa femme, moins il lui était vivant, moins il lui était réel et prestigieux. Mais il ne pouvait s’empêcher de dire et redire sa douleur de n’être plus l’aimé d’autrefois, douleur toujours moins efficace et moins perçue par elle.”
“Au long des années, j’ai vu et j’ai jugé. J’ai vu les causes misérables de la naissance d’une amoureuse passion. J’ai vu comment, toujours, la plus ardente passion s’étiole. J’ai vu ce qui attend les nobles amants s’ils se condamnent à vivre délicieusement seuls, hors du compagnonnage humain. J’ai vu que dans la solitude, sans les vitamines du social et privée des fortifiants obstacles, la passion la plus ardente agonise vite dans le désert des délices. Moribonde, elle revit un temps, la pauvre, par la lugubre luxure ou par la bestiale jalousie, et ensuite elle meurt.”
Voici un extrait de la scène conjugale :
L'écriture du premier roman, pour mériter l’admiration de celle qu'il aime :
Et sa définition du génie :
“Ce que je crois aussi, c’est que dans le génie, il y a un mariage miraculeux des contraires. Le génie, c’est (…) un fou de la sensibilité, qui sent trop, qui sent follement, qui est constamment prêt à la douleur absolue pour tout, à la joie absolue pour tout, qui souffre presque autant de ne pas retrouver ses clefs que d’avoir perdu sa femme, qui éprouve autant de joie paradisiaque à retrouver son stylo qu’à voir revenir à lui la bien-aimée qui l’avait abandonné.”
A la fin, il décide de révéler un secret au lecteur : l'amour du prochain n'existe pas, seul existe ce qu'il nomme une "tendresse de pitié" qu'on peut éprouver même pour son ennemi, même pour Laval, le collaborateur, en prison. On sait que ce prochain qu'on ne connaît pas va mourir, et une pitié naît en nous, un sourire face à ce rival ou cet inconnu qui s'agite ou qui passe :
“En vérité, il y a deux amours, le vrai pour les bien-aimés et le faux pour les autres, l’amour dit du prochain.”
Pas de vie après la mort, son texte y revient sans cesse : le corps pourrit seul sous terre, parallèle aux autres :
Kashima- Faux-monnayeur
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Date d'inscription : 29/09/2008
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