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Mars (en exil) - Zorn

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Mars (en exil) - Zorn Empty Mars (en exil) - Zorn

Message  Kashima Dim 22 Mai 2011 - 20:50

Mars (en exil) - Zorn 51991n11

C'est le livre d'un condamné. A trente ans, le narrateur apprend qu'il a un cancer et c'est presque un soulagement, car depuis trente ans, il vit dans une dépression qui ne l'a jamais lâché. La cause? Son éducation, ses parents.
Issu d'un milieu aisé de la rive dorée de Zurich, il a appris à ne pas penser par lui-même. A la maison devait régner l'harmonie au détriment de la pensée. Ses parents lui apprennent à ne pas avoir de jugements, d'émotions. Si un livre est un classique, c'est qu'il est bon ; une opinion ne peut être donnée qu'en fonction de l'interlocuteur. Le mot d'ordre : pas de conflit...

"Nous ne faisions rien et ne disions rien et ne défendions aucune opinion, c'est pourquoi nous passions notre temps à nous amuser des gens qui, ridiculement, faisaient ou disaient quelque chose." (75)

Mars (en exil) - Zorn Fritz-10
Fritz Zorn (1944-1976), écrivain suisse

Le narrateur devient un être peu sociable, habité par une profonde mélancolie qu'il cache sous une fausse indifférence. Il ne peut vivre ni l'amour ni le sexe et jusqu'à sa mort, ne les connaîtra jamais. Pour lui, c'est une des causes de sa maladie :

[i]"Le cours de mon existence n'était fait que d'attente, j'espérais toujours des "temps meilleurs" imaginaires qui me délivreraient de ma souffrance. De plus, j'avais une conduite tout à fait passive et j'espérais sans cesse que l'avenir m'"apporterait" quelque chose. L'idée ne me venait pas de tirer moi-même quelque chose du présent."


Et sur l'espoir qui découle de cette forme de non action :
"Bien sûr, l'espoir est aussi une chance dans la vie mais parfois le désespoir serait sans doute la meilleure réaction face aux circonstances : "Toujours attendre et espérer, tel est le propre des benêts."" (152)

Dans le malheur perpétuel, quelle peut-être la solution, le remède? Le narrateur va énoncer, à l'aide de l'image de la dent et des fleurs, une idée qui semble une évidence, mais que les consolateurs croient être la meilleur : "Regarde, autour de toi, il y a pire" ; ou bien "Essaie de voir les belles choses autour." :

"Supposons que quelqu'un ait mal à une dent mais qu'il essaie de se consoler en se disant que les fleurs poussent merveilleusement dans son jardin, on voit tout de suite que les deux choses n'ont absolument rien à voir l'une avec l'autre. Que les fleurs poussent ou non n'influe en rien sur le mal de dents. (...) Pour l'ami des fleurs qui a mal aux dents, il n'y a qu'une solution : le dentiste." (160-161)

Mars (en exil) - Zorn Captur45

Durant la première partie du livre, la plus longue (car les deux autres semblent être des ajouts dus au sursis accordé par sa maladie), le narrateur décrit sa dépression et ses causes. Puis, c'est la découverte de son cancer. Ce qui est surprenant est la distance qu'il établit entre cette maladie et son récit, comme si cette atteinte physique n'était que le résultat attendu de ces années noires :

"Toute la souffrance accumulée, que j'avais ravalée pendant des années, tout à coup ne se laissait plus comprimer au-dedans de moi : la pression excessive la fit exploser et cette explosion détruisit mon corps."
(186)

"La tumeur, c'étaient des "larmes rentrées"". (185)

De là suit sa définition du cancer :

"Je crois que le cancer est une maladie de l'âme qui fait qu'un homme qui dévore tout son chagrin est dévoré lui-même, au bout d'un certain temps, par ce chagrin qui est en lui."


Le cancer est le résultat de la contraction. Cette comparaison avec l'orgasme, son antithèse, est intéressante :
"D'après Reich, l'orgasme est la forme la plus pure et la plus totale de la décontraction, source de plaisir ; une toute aussi extrême crispation constante de l'organisme, passant par l'étiolement de l'âme et l'étiolement des différents organes du corps, qui, contractés comme ils le sont, ne peuvent plus vraiment se détendre, qui ne peuvent plus vraiment respirer et ne sont plus vraiment irrigués par le sang, conduit au cancer".

Plus le livre avance, plus la maladie grandit et plus on sent retentir cette phrase de Gide : "Familles, je vous hais."

"Après avoir éludé la vie pendant trente ans, comme me l'avaient enseigné mes parents et la classe sociale qu'ils incarnaient, je me trouve à présent face à la mort sous sa forme la plus concrète t je dois la combattre. Comme on dit en latin : Hic Rhodus, hic salta." (219)

Mars (en exil) - Zorn Captur46

Mars en exil est la première partie du livre. Je trouve qu'il aurait dû s'arrêter à cette seule et unique partie, car les deux autres n'apportent pas grand chose de plus ; je ne suis pas allée au bout de la troisième car j'avais une impression de rabâchage, et l'essentiel avait été dit. Pour que cette impression eût été amoindrie, il aurait fallu qu'au bout d'un moment, ses propos fussent illustrés par des exemples qui auraient donné un côté plus pittoresque au récit.

Dans l'urgence, l'écriture a pris cette forme. Fritz Zorn mourra un mois après avoir envoyé son manuscrit à un éditeur, à l'âge de trente-deux ans.
Ce roman est-il de la littérature? Certes, Fritz Zorn manie bien la langue, on n'est pas dans le plat témoignage ou le larmoiement sans but. Il manque peut-être ce qu'Adolf Muschg appelle "l'anecdote", "le vécu", "le détail essentiel". On reste souvent dans le flou alors que le récit aurait pu être enrichi de l'expérience de professeur de l'auteur, par des exemples sur les rares disputes des parents, la vie amoureuse avortée du narrateur. Je trouve donc que l'avis de cet internaute est quelque peu démesuré :

""Mars en exil", l'un des textes les plus importants de la littérature, et plus largement peut être, de l'histoire de ces deux derniers siècles en occident."

Ce qui fait l'originalité de ce livre est le parallèle entre la névrose et la maladie physique, le fait qu'il exprime avec distance la souffrance physique. C'est aussi l'urgence, la fatalité qui pèse sur l'écriture, une course contre la mort, avec cette impression que Fritz Zorn ne lâchera le stylo qu'une fois terrassé.
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Message  Nicole Lun 23 Mai 2011 - 14:08

Kashima a écrit:Il manque peut-être ce qu'Adolf Muschg appelle "l'anecdote", "le vécu", "le détail essentiel".
J'ai lu Mars il y a fort longtemps -- il est donc possible que le souvenir que j'en ai soit altéré -- mais peut-on reprocher ce manque de "vécu" à un auteur et un récit qui s'articulent justement autour de cette "non-vie" ? Malgré mon jeune âge à la lecture du livre, je me souviens m'être faite la réflexion que Zorn échappait alors justement à la tentation du racolage qu'aurait pu provoquer le sujet.

Neutral Quitte à nuire à l'empathie, tout de même, il est vrai.

bisou x 1001.
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Message  Kashima Lun 23 Mai 2011 - 21:01

C'est exactement le contrebalancement que je voulais énoncer face à cette sorte de reproche. Ce manque d'anecdote l'éloigne aussi de la littérature racoleuse, en effet...
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